Et dire que cet opéra était tombé dans l’oubli ! Voilà longtemps qu’on ne l’avait pas vu en France, la dernière représentation à Metz date de 2004. Certes, l’ouvrage est pharaonique. Long (4h sans les entractes), d’une grande difficulté technique pour les solistes, par ailleurs particulièrement nombreux (22 chanteurs), Les Huguenots représentent le sommet du grand opéra français, avec scènes de danse, grands solos et omniprésence des chœurs.
L’intrigue mêle la grande histoire (dont le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572) à la romance la plus débridée, une très grosse machine. À sa création en 1836, l’opéra connut un triomphe sans pareil et atteignit les 1000 représentations au tournant du siècle. Aujourd’hui, le compositeur Giacomo Meyerbeer est presque inconnu du grand public. Il est pourtant considéré comme l’un des fondateurs du grand opéra français et a influencé et Verdi et Wagner. Sa musique est à la fois inventive et accessible et ses Huguenots possèdent un souffle épique unique, de ceux qui emportent immanquablement le spectateur.
Un opéra politique
Il était grand temps de les remettre au goût du jour. Un défi taillé sur (dé)mesure pour le metteur en scène Olivier Py, passé maître dans l’art de la fresque théâtrale riche et exubérante. Il exalte l’œuvre dans toute sa dimension romantique mais met aussi aussi et surtout en lumière toute sa part politique. Car Les Huguenots sont un plaidoyer contre les fanatismes.
Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX, veut servir la politique de sa famille : réconcilier catholiques et protestants. Non seulement elle épousera Henri de Navarre (futur Henri IV) mais surtout, ici, elle arrange les noces de sa fidèle suivante, la très fervente catholique Valentine, et du Huguenot Raoul de Nangis. Les deux sont déjà tombés amoureux, sans toutefois connaître leur identité. Petit problème, Valentine est déjà promise au duc de Nevers, seigneur catholique ami de Raoul. C’en est trop pour le père de la jeune fille, Saint-Bris : ces impies vont payer pour son déshonneur. Le timing est parfait : le roi vient de retourner sa veste et d’ordonner le massacre de tous les protestants venus assister au mariage de Marguerite et Henri.
Olivier Py multiplie les images saisissantes
Somptueux et d’une grande modernité
La mise en scène révèle des personnages complexes, tiraillés entre leur cœur, le Bien et la cause de leur parti, tout en proposant le superbe spectacle qu’appelle la partition. Olivier Py livre ici un grand opéra d’amour et d’aventure qui résonne néanmoins comme une mise en garde. Visuellement, c’est à la fois somptueux et d’une sobre modernité, tout en noir, blanc et or.
Les astucieux et majestueux décors coulissent pour passer du château de Chenonceau aux sombres ruelles de Paris. L’espace occupé en hauteur par les nombreuses apparitions du chœur accentue l’impression de foule. Les costumes mêlent éléments de la Renaissance, contemporains et des années 30, tandis qu’on passe d’érotiques et oniriques scènes de la vie de cour à la froide violence du fanatisme religieux. Le remarquable travail de lumière souligne le contraste entre les atmosphères et ajoute à la beauté des décors. Et la fin renvoie à une histoire bien plus proche de nous. Olivier Py multiplie les images saisissantes, comme cette croix qui, retournée, devient une épée.
Le directeur musical (Marc Minkowski pour la création à Bruxelles puis Daniele Callegari) a réussi le tour de force de réunir les grands solistes que nécessite cet opéra. L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg et les Chœurs de l’Opéra du Rhin lui donnent tout son souffle épique. À l’oreille comme à l’œil, c’est tout simplement sublime. Les Huguenots est de ces opéras qui hantent longtemps le spectateur… Le public de l’opéra ne s’y est pas trompé : le soir de la première, il leur a fait un triomphe.
Y aller
Prochaines représentations : le 18 mars à 15h, les 20, 24 et 28 à 18h30 à l’Opéra du Rhin, place Broglie, Strasbourg.
Places en vente sur le site de l’Opéra : www.operanationaldurhin.eu
Chargement des commentaires…