Début juillet, en pleine ferveur footballistique autour de l’Euro et de l’équipe de France, Christine Ott passe quelques jours à Paris, notamment pour rendre visite à son luthier Jean-Loup Dierstein, un magicien, « un sorcier de la lutherie électronique » comme le présente son site internet. L’occasion de rencontrer l’ondiste strasbourgeoise dans un café du quartier Bastille. L’occasion de saisir le double sens de cette phrase : « Je ne veux pas être là où on m’attend ». Car Christine Ott revendique en effet un « côté électron libre » :
« Je n’aime pas être formatée, enfermée dans quelque chose. Et surtout, je me fous des étiquettes et des préjugés. Quand j’ai opté pour une carrière professionnelle, ma première destination a été le classique et l’opéra. Par la suite, j’ai voulu délaisser cela quelque peu pour me diriger vers un horizon plus large, connaître et expérimenter d’autres sonorités, rencontrer d’autres artistes. Mais il faut reconnaître qu’avoir été dans une fosse d’orchestre m’a beaucoup aidé à développer une oreille. »
Enseignante au conservatoire de Strasbourg
C’est ainsi que Christine Ott, également enseignante au conservatoire de Strasbourg depuis près de vingt ans, collabore avec Yann Tiersen, avec qui elle tournera sur scène durant dix ans, de 2000 à 2010. Elle participe au succès de la bande originale du film Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, travaille avec la réalisatrice Claire Denis sur une autre BO (35 Rhums), ce qui lui a permis « de glisser vers des projets plus rock et a aussi attiré les regards ».
Christine Ott travaillera donc avec des groupes et artistes aux profils variés, chacune des collaborations étant toujours le résultat d’un choix profond :
« Je ne peux et ne veux pas être un requin de studio. Soit ça me touche, soit ça ne me touche pas. C’est l’unique critère »
Avec Jonathan Morali du groupe Syd Matters, elle évoque une collaboration « super forte ». Avec Noir Désir, c’est la reprise de Bashung (Aucun Express) qui la marque encore aujourd’hui. Christine Ott jouera aussi, entre autres, avec Christian Olivier et les Têtes Raides, avec Loïc Lantoine, Dominique A, Tindersticks, Venus, Cascadeur. Et bien sûr Thom Yorke, âme géniale de Radiohead à l’occasion d’un live sur Canal+ en 2005.
« Avec Thom Yorke, c’était vraiment fou. Il était presque en transe, et quand il joue, il devient réellement musique, avec une intériorité qui donne l’impression qu’il est habité par le son et que les vibrations pénètrent dans son corps. Je trouve cela très beau. »
Continuer les compositions classiques
Outre ces incursions pop-rock plus grand public, Christine Ott poursuit des projets moins exposés et continue à interpréter des compositions classiques de Messiaen, Debussy ou Milhaud. Elle a par ailleurs monté un ciné-concert autour des contes et légendes de Lotte Reiniger, pionnière du cinéma d’animation en ombres chinoises, et un autre consacré à l’un des chefs d’œuvre du cinéma expressionniste allemand, Tabou de Murnau :
Christine Ott collabore également avec Mathieu Gabry dans le duo Snowdrops qui se produira notamment en octobre prochain à Lyon au festival Rhinojazz mais son actualité la plus brûlante reste la sortie le 20 mai dernier de son second album solo, Only Silence Remains, sur le label de Manchester Gizeh Records.
« Cet album (qui succède à Solitude Nomade en 2009, ndlr) était prêt depuis trois ans. Mais c’est très difficile pour moi de produire, de sortir un disque. Car je ne veux pas que ce soit une histoire de mode ou de tendance, je préfère voir ce que je crée comme quelque chose qui va rester dans le temps. Ma musique, c’est plus un voyage, avec des morceaux qui s’enchaînent. Et puis j’ai aussi voulu prendre le temps de trouver le bon label pour publier l’album ; Gizeh est vraiment approprié, avec une ligne à la fois assez large et tout de même exigeante. »
Des compositions du nouvel opus mercredi
Only Silence Remains nous convie en tout cas à une odyssée d’une cinquantaine de minutes, entre sculptures sonores et ambiances cinématographiques permanentes où les ondes Martenot côtoient le souffle protéiforme des harmonium, timpani, synthé Jupiter 8, tubular bells et autre vibraphone, exécutés par des amis musiciens strasbourgeois conviés pour l’occasion (Anil Eraslan, Francesco Rees, Jérôme Fohrer, Olivier Maurel, Justine Charlet).
Le concert de ce mercredi 10 août au TAPS Scala (Au fil de l’onde), interprété avec la pianiste classique strasbourgeoise Anne-Catherine Kaiser, permettra de découvrir certaines des compositions originales du nouvel opus de Christine Ott ainsi que des extraits d’autres œuvres écrites pour les ondes, telles le Nocturne d’Edouard Michael et les Feuillets inédits de Messiaen.
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