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Ondes et antennes relais : les Verts imposent la transparence à Strasbourg

Quatre mois après l’adoption d’une charte encadrant a minima l’implantation de nouvelles antennes relais à Strasbourg, le chef de file des élus écologistes publie la liste de toutes celles implantées sur les toits de la ville et impose de facto une « opération transparence » autour des ondes électromagnétiques. Un coup politique local à l’approche d’un débat national à l’Assemblée le 31 janvier.

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Les opérateurs payent 8000 à 12 000€ par an et par antenne aux propriétaires des immeubles (Photo Aldor / FlickR / CC)

Quatre mois après le vote de la « charte relative à l’installation des antennes relais à Strasbourg » en conseil municipal, un mois après la signature de cette charte le 20 décembre 2012, Eric Schultz, conseiller municipal et communautaire Europe écologie – Les verts de Strasbourg a annoncé lundi avoir saisi « par courrier officiel les quatre opérateurs de téléphonie mobile de demandes de mesures pour l’ensemble des 410 antennes déjà installées sur le territoire municipal ». Une première en France selon l’élu EELV, qui livre au passage ce chiffre inédit de 410 antennes obtenu « en deux mois d’un travail de recoupement » effectué par son ancienne collaboratrice Sandra Regol.

La liste précise des antennes relais dévoilée

Nombre d’antennes relais à Strasbourg et mesures des ondes émises : autant de données réclamées par les élus Verts comme par des associations telles que Robin des toits ou Priartem depuis plusieurs années déjà. Alors pour que son « initiative ne reste pas isolée », Eric Schultz invite les Strasbourgeois à « saisir par [leurs] propres moyens les opérateurs afin de demander les mesures des installations situées à proximité de [leur] domicile », comme ils en ont le droit, et met pour cela à leur disposition « une lettre type, la liste des antennes-relais installées à Strasbourg, le guide l’AFOM (association française des opérateurs mobiles) et de l’AMF (association des maires de France) ainsi que les coordonnées des directions régionales des quatre opérateurs » sur son site internet.

Le conseiller municipal, qui réclame l’application du principe de précaution en matière d’ondes électromagnétiques, véritable « enjeu de santé publique » selon lui, dénonce – toujours – un manque de transparence de la part des opérateurs et une absence de fermeté dans la négociation de la charte avec les professionnels de la part de la Ville de Strasbourg. Selon lui, la collectivité aurait dû exiger des opérateurs, en préalable à toute discussion autour de la charte, des données précises sur le nombre d’antennes installées – par ailleurs accessibles sur le site de l’ANFr Cartoradio, mais difficilement lisibles, ci-dessous – et des mesures du niveau d’ondes émises (ce qu’il demande aujourd’hui par courrier à Bouygues, Orange, Free et SFR), avant de lever le moratoire sur l’installation de nouvelles antennes sur les bâtiments publics.

(Cliquer pour aller sur le site Cartoradio)

Un coup politique local à l’approche d’un débat national

Pourquoi relancer le débat maintenant, alors qu’une charte a été signée à Strasbourg et permet, selon Robert Herrmann, premier adjoint au maire PS en charge de cette question, d’améliorer justement la transparence en matière d’ondes électromagnétiques ? « Parce qu’Eric Schultz veut se démarquer », « adopter une posture » à l’approche des municipales, arguent conjointement Robert Herrmann et Jean-François Lanneluc, directeur de cabinet du maire et « dircom » de la collectivité…

« Parce que le rapport BioInitiative 2012 (qui compile un ensemble d’études internationales sur les effets des ondes) rendu public le 7 janvier 2013 pointe une nouvelle fois les risques sanitaires liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques », martèle quant à lui l’élu écologiste. Et « parce qu’une proposition de loi relative à l’application du principe de précaution défini par la charte de l’environnement aux risques résultant des ondes électromagnétiques s’apprête à être discutée le 31 janvier prochain à l’Assemblée nationale ». Un peu de tout ça sans doute.

Une norme française « obsolète »

A noter que ce que pointent le rapport BioInitiative comme la proposition de loi, c’est le caractère « obsolète » de la réglementation française, qui fixe à 41 à 61 volts par mètre (V/m) la limite à ne pas dépasser. Or ce seuil, qui repose sur des recommandations de 1999, est bien plus élevé que nécessaire, reconnaissent tous les acteurs du dossier. Les « points atypiques », ces endroits où se croisent de nombreux faisceaux d’ondes et que les opérateurs s’engagent à résorber dans la charte strasbourgeoise, ne dépasseraient d’ailleurs pas « les 6 ou 7 V/m », assure Robert Herrmann.

« On aurait dû aller plus loin » dans cette charte, juge malgré tout Eric Schultz, jusqu’à imposer, comme à Paris, des valeurs bien inférieures à la réglementation et ne pas s’asseoir sur le principe de précaution en laissant la bride sur le cou des opérateurs… « Impossible, répond le premier adjoint, les opérateurs n’ont eu de cesse que de déposer des recours contre les collectivités qui ont tenté d’imposer un seuil inférieur à la législation en vigueur, à part à Paris, qui a des moyens de pression bien plus important qu’ailleurs » (lire encadré).

Les antennes relais, une manne financière pour les communes

Si les informations que nous avons pu collecter lundi (ci-contre) sont plus nuancées, il n’en reste pas moins que seul l’Etat peut imposer un abaissement général des seuils. « Les maires sont très démunis », commente Robert Herrmann, et n’ont que peu de leviers d’action. A part, remarque Alexis Braud, conseiller municipal écolo délégué aux NTIC au Mans (Sarthe), la signature des baux sur les bâtiments publics. On y revient. Il explique :

« Le problème des opérateurs, c’est de trouver de nouveaux points d’implantation pour leurs antennes relais qui ne sont souvent espacées que de 500 ou 600 mètres les unes des autres. Il s’agit pour la Ville de faire pression sur les points d’implantation qui dépendent de son patrimoine. En effet, il faut 18 mois en moyenne à un opérateur pour retrouver un point d’implantation pour un coût d’environ 20 000€.

La marge de manœuvre de la Ville, c’est de dire à l’opérateur « faites un effort sur tel point d’implantation ou il y aura dénonciation du bail qui vous concerne. Evidemment, il faut que la Ville ait les moyens financiers de cette pression, car les opérateurs payent un loyer compris entre 8000 et 12 000€ pour chaque point d’implantation d’antennes… »

Herrmann le « rationnel » contre Schultz le « militant »

Cette donnée financière joue-t-elle un rôle sur le cours de l’affaire à Strasbourg ? Peut-être… ou pas. Reste que sur « l’opération de transparence » engagée par Eric Schultz, le premier adjoint Robert Herrmann se montre dubitatif :

« Pour que les particuliers aient des mesures justes, il va falloir qu’ils écrivent aux quatre opérateurs à la fois… L’idée de demander aux citoyens d’entamer une démarche personnelle est une proposition militante, pas rationnelle. La rationalité, c’est le chemin qu’on a pris nous, en nous dotant d’un outil de mesure (d’un coût de 26 000€), le logiciel Mithra-Rem, qui va permettre d’ici quelques mois d’avoir une cartographie de l’existant et de repérer les points atypiques afin de les résorber… »

D’ici un mois, si les opérateurs respectent leur obligation de transmission d’information, Eric Schultz devrait quant à lui recevoir des tonnes de paperasse indiquant des mesures antenne par antenne (410 fois !), émetteur par émetteur… Si l’élu assure savoir traiter ces données, pas sûr que les citoyens soient aussi bien armés pour les analyser. Mais le mouvement sera lancé et le débat à nouveau sur la place publique. Pari gagné.

 Avec Jessica Trochet


#antennes relais

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