Caroline Guiela Nguyen est la nouvelle directrice du Théâtre national de Strasbourg. Autrice et metteuse en scène, elle a réalisé sa formation au TNS avant de s’en éloigner pendant plus de dix ans. Sur proposition de Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, le Président de la République Emmanuel Macron a décidé de la nommer pour un mandat de 5 ans à la tête du seul des six théâtres nationaux qui n’est pas localisé à Paris.
À cause d’une nomination tardive, elle n’a pas pu confectionner l’entièreté de la saison 2023-2024 qui reprendra en octobre 2023. Les six premiers spectacles seront donc encore proposés par Stanislas Nordey, le directeur sortant. Les treize suivants, à partir de janvier 2024, sont programmés par Caroline Guiela Nguyen.
« Le TNS va être emmené sur des chemins différents, et c’est tant mieux ! »
Malgré un calendrier serré, Stanislas Nordey se réjouit d’un passage de flambeau « joyeux, léger et constructif » (ce qui n’avait pas été le cas lors de son arrivée) :
« Le TNS va être emmené sur des chemins différents, et c’est tant mieux ! J’ai passé de magnifiques années dans ses murs, mais les théâtres ne nous appartiennent pas, il est important pour les publics d’avoir du sang neuf. Je souhaite beaucoup de bonheur à Caroline Guiela Nguyen, qui est une artiste engagée, honnête, soucieuse du public et des récits. »
Caroline G. Nguyen se prête pour la première fois à l’exercice de la programmation. « C’est un moment émouvant. J’ai l’occasion de mettre en valeur des personnes qui comptent à mes yeux et dont j’ai envie de montrer le travail », explique-t-elle, en annonçant des changements, tout en soulignant les « jolies cohérences » qu’il y a dans cette saison 2023-2024 réalisée à deux.
Les deux artistes partagent effectivement une même attention pour l’ouverture aux différents publics et une affection pour le théâtre contemporain véhiculant des messages politiques. Preuve en est le premier spectacle proposé par Caroline Guiela Nguyen, du 9 au 13 janvier prochain, intitulé Le Iench. Ce texte d’Eva Doumbia retrace le quotidien d’un jeune garçon d’origine malienne victime de violences policières. Il a remporté le prix des lycéens Bernard-Marie Koltès du TNS en 2022, décerné par des lycéens.
Nouveaux artistes, mélange des arts et des cultures
Cette nouvelle saison sera une période de transition. Si tous les spectacles sont désormais connus, Caroline G. Nguyen n’a pas encore pu planifier l’intégralité de son projet à cause de son arrivée tardive. L’identité graphique du TNS restera la même pendant encore une année et les à-côtés comme la Traversée de l’été (programme estival itinérant et gratuit) ou le prix des lycéens Bernard-Marie Koltes sont suspendus. La nouvelle directrice reviendra plus en détails sur son projet en septembre : « Pour le moment, je souhaite d’abord le présenter aux équipes du TNS », conclut-elle.
De grands axes se dégagent tout de même de ses premiers choix artistiques. Fini les artistes associés mis en place par son prédécesseur. Une large majorité des artistes présents dans la programmation, tant sur scène que du côté de la mise en scène ou de l’écriture, viendront pour la première fois au TNS.
De nouvelles voix s’élèveront notamment pour témoigner de cultures multiples. Sultan Ulutas, qui a grandi à Istanbul, présentera à partir du 23 janvier le spectacle La Langue de mon père, dont elle est l’autrice. En s’inspirant de sa propre histoire, elle revient sur le parcours d’une jeune femme tout juste arrivée en France, fille d’une mère turque et d’un père kurde. Elle décide d’apprendre la langue de son père, dont la pratique a longtemps été illégale en Turquie. Du 20 au 24 février, le texte d’Adama Diop Fajar ou l’odyssée de l’homme qui rêvait d’être poète sera présenté. Il s’agit du parcours initiatique d’un jeune poète sénégalais en quête d’identité.
D’Alençon au Vietnam en passant par Mumbaï et la Turquie
Ce mélange des langues est des cultures est aussi présent dans les œuvres de Caroline G. Nguyen dont deux seront présentées dans la saison. Saigon, joué du 19 au 26 mars, réuni des acteurs français et vietnamiens dans un décor de restaurant vietnamien où se croisent des histoires d’amour, de famille et d’exil. Sa seconde pièce, Lacrima, fera voyager les spectateurs d’Alençon à Mumbaï à la rencontre d’ouvrier et de couturières qui œuvrent tous sur la commande exceptionnelle d’une maison de haute couture parisienne.
La musique, la danse et même le cirque rencontreront le théâtre dans plusieurs spectacles. Il y sera également question du rapport à la norme, de la place des femmes, du travail de mémoire et de transmission.
Les adieux de Stanislas Nordey
Après neuf ans à la direction du TNS, Stanislas Nordey proposera six derniers spectacles. On le retrouvera une fois en tant que metteur en scène, avec l’adaptation du texte de Christine Angot sur l’inceste, Le Voyage dans l’Est, du 28 novembre au 8 décembre. Il se chargera d’interpréter un dernier seul en scène, mis en scène par Christophe Perton, où il reprendra les réflexions qui semblent étrangement actuelles du philosophe-poète et disciple d’Epicure, Lucrèce, dans Évangile de la nature.
Mais le premier rendez-vous à ne pas manquer est l’ouverture de la saison, du 4 au 14 octobre, avec La Tendresse. La pièce s’interroge sur « la construction du masculin d’hier et d’aujourd’hui » et l’héritage reçu par la jeune génération. Huit jeunes hommes, acteurs, danseurs et interprètes s’empareront des mots de Lisa Guez, Kevin Keiss ou encore Alice Zeniter pour questionner avec humour leurs espoirs, leurs contradictions et leurs colères.
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