Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

« Nous ne pouvons pas être trop radicaux » : face aux associations écologistes, la municipalité prête à rendre des comptes

Douze associations écologistes ont rencontré Jeanne Barseghian et ses adjoints, mercredi 26 avril. Interpellée par une lettre ouverte, la maire a écouté les critiques et accepte de participer à l’élaboration d’un bilan de ses politiques écologistes.

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« Il y a certaines de vos actions qu’on a du mal à comprendre ». Tom Baumert et une trentaine d’autres militants écologistes alpaguent la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian et ses adjoints, au soir du mercredi 26 avril. La rencontre répond à une lettre ouverte adressée à la maire par les associations Alternatiba, Hop la transition, Conscience et Impact écologique, Pour une sécurité sociale de l’alimentation, Astragrat, EurOasis, Extinction rebellion, Greenpeace, Octop’us, Résistance à l’agression publicitaire, Strasbourg à vélo et Alternative étudiante.

« Nous aimerions dresser un bilan qui ne soit pas technique »

Dans une ambiance studieuse et bon enfant, l’assemblée s’assied en cercle au restaurant alternatif Les Petites Cantines, dans le quartier Gare. L’objectif : mélanger les participants pour favoriser un dialogue apaisé. « Les actions de la Ville manquent de transparence, nous aimerions que vous rentriez en résistance avec nous et que nous changions ensemble de paradigme », poursuit Tom Baumert, d’Alternatiba Strasbourg. Les bases sont posées.

Au cœur du débat : le Pacte pour la Transition, un document créé en 2020 par une soixantaine d’organisations (Alternatiba, GreenPeace, Attac, etc.) qui rassemble 37 mesures concrètes, « pour une commune plus écologique et plus juste » selon trois piliers : l’écologie, la démocratie et le social. Jeanne Barseghian l’avait signée alors qu’elle était encore candidate.

« Notre mission n’est pas simple », explique la maire, rappelant des mesures prises par la Ville de Strasbourg depuis 2020. Cours végétalisées, plantations d’arbres, extensions des trams nord et ouest, plan cyclable, création de places d’hébergement d’urgence, formation des agents de la Ville et évaluation transversale des mesures prises…

« Nous aimerions dresser un bilan qui ne soit pas technique, aller à la rencontre des citoyens pour avoir leur avis et organiser une restitution publique début novembre », poursuit Tom Baumert. À l’aide de feuilles A4 flanquées de chiffres et d’un chronomètre, les temps de parole sont distribués et limités. Chaque adjoint intervient lorsque son domaine de compétences est abordé, les rendez-vous sont pris, le processus enclenché, dans le calme et une ambiance informelle. Le soir même, difficile de différencier les intérêts associatifs de ceux des élus. Tous semblent sur la même longueur d’ondes.

Périlleux équilibre

Quelque jours plus tard, les militants semblent satisfaits. « Les élus ont accepté toutes nos conditions », se réjouit Tom Baumert, évoquant une première réunion imminente avec le service de la participation citoyenne de la Ville. Pour autant, le collectif sait qu’il doit se montrer vigilant. « C’est compliqué de discerner la posture d’élus politiques et la sincérité citoyenne », explique-t-il. Plusieurs adjoints à la maire présents le soir même sont issus de la société civile. « S’ils n’avaient pas été élus en ce moment, ils auraient été à nos côtés en tant que militants » abonde Gaëtan Liss, du collectif Résistance à l’agression publicitaire (RAP).

Le collectif peut se montrer critique des actions de la municipalité, parfois trop lentes, peu visibles ou pas assez ambitieuses. « On essaie de ne pas les brosser tout le temps dans le sens du poil », poursuit Tom Baumert. Mais face à l’opposition politique locale et nationale, il veut garder un front uni. « On ne veut pas qu’il soit possible de dire que les militants écologistes strasbourgeois sont contre la municipalité », nuance-t-il. Car les buts poursuivis des deux côtés se rassemblent.

Et pour certaines associations, c’est même « maintenant ou jamais pour faire changer les choses ». Pour Strasbourg à vélo par exemple, pourtant très critique sur les réseaux sociaux à propos de certains aménagements urbains, montrer son soutien à la municipalité est crucial. « Le budget est là, les idées aussi et les services de la Ville et de l’Eurométropole nous demandent notre avis », explique Benoît Écosse, le président de l’association. « C’est super d’avoir une mairie avec laquelle on partage les mêmes buts », abonde-t-il. Même s’il reste beaucoup à faire côté cyclistes, le militant estime que la volonté politique existe et que les limites à celles-ci sont purement « administratives et institutionnelles ».

Mercredi 26 avril, une dizaine d’élus de la majorité ont accompagné Jeanne Barseghian à la rencontre de militants écologistes pour discuter de leur bilan. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

« Nous ne pouvons pas être trop radicaux »

« Notre but, c’est que les actions amorcées par cette municipalité survivent au-delà de leur mandat et qu’aucun retour en arrière ne soit possible », poursuit le militant de Strasbourg à vélo. Les objectifs de l’association rejoignent celles des promesses de campagne, mais Benoît Écosse est prêt à être radical. Un terme qui n’est pas péjoratif pour lui :

« Ça veut juste dire qu’on recentre sur ce qu’on veut vraiment, sur l’essentiel. On ne peut pas changer une société sans radicalité ».

Il prend en exemple la position municipale ferme sur la transformation de l’avenue des Vosges.

C’est peut-être là que s’immisce la frontière entre élus et militants. Alors que Somhack Limphakdy, militante du collectif Pour une sécurité sociale de l’alimentation, explique l’urgence climatique et la nécessité de mesures fortes, plusieurs désaccords surviennent. « Nous ne pouvons pas être trop radicaux », assène Suzanne Brolly, adjointe à la maire, en charge de la ville résiliente.

Selon l’élue, « ce n’est pas être radical qui va nous permettre de rassembler ». Une approche partagée par Antoine Neumann, conseiller municipal délégué à l’agriculture urbaine et nourricière. « En tant qu’élu, je suis obligé de parler à tout le monde. Si je suis trop radical, il y a un risque que certains acteurs importants ne me parlent plus du tout », estime-t-il. Ce n’est donc pas une question de volonté selon lui, mais « une question de possibilité qui existe uniquement dans le discours militant ».

La parole associative pour pousser les élus

Peu probable pour le moment qu’un plaidoyer commun, rassemblant paroles politiques et militantes, voit le jour prochainement. « Nous sommes prêts à soutenir la Ville et à demander à l’État de donner plus de moyens aux collectivités locales, mais il ne faut pas que notre travail se substitue à celui des élus », estime Gaëtan Liss (RAP).

Probable par contre que la radicalité militante soit utilisée par la mairie pour catalyser ses actions. « Ça serait une bonne stratégie », conçoit Tom Baumert (Alternatiba Strasbourg). Marc Hoffsess, adjoint en charge de la transformation écologique du territoire, appelle ainsi les militants à participer aux réunions publiques. Elles alimentent parfois l’opposition et transforment les échanges en véritables guerres de tranchées. « Il faut que des voix positives s’expriment parmi les citoyens, pour que la société se lève », poursuit l’élu.

Tous les militants le concèdent, la mairie écolo fait face à une opposition farouche. Tom Baumert le sait.

« On sait très bien que certaines actions de la Ville sont compliquées à mettre en place, qu’ils se font beaucoup critiquer et qu’ils doivent débattre et batailler pour convaincre tous les élus ».

Benoît Écosse complète aussitôt : « Mais les associations militantes sont là pour pousser les élus, qui eux sont là pour agir ».

Des limites insurmontables ?

Point noir de cette rencontre : certaines limites à l’action municipale évoquées par Jeanne Barseghian et ses élus, semblent insurmontables. « Ce qui est important pour nous, c’est la fin des panneaux numériques« , insiste Gaëtan Liss du collectif Résistance à l’Agression Publicitaire. Mais après une rencontre avec Pierre Ozenne, adjoint en charge des espaces publics partagés, son collectif a vite déchanté. « Ils ont un contrat avec JC Decaux, et c’est comme ça, ils ne peuvent rien faire », explique le militant.

Il comprend aussi que si le retrait de ces panneaux est important pour son collectif, ce n’est peut-être pas la priorité de l’élu.

« Il est en charge de beaucoup de choses (aménagements innovants, voie fluviale, logistique urbaine, voiries, éclairage public, plan lumière, foires et marchés, NDLR), les panneaux numériques sont peut-être le plus petit de ses soucis ».

Le jeune militant n’attend finalement pas grand chose de concret, mais se dit satisfait de la qualité du dialogue.


#écologie

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