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Neuhof, dix ans de rénovation urbaine, toujours 24% de chômage

Le quartier du Neuhof, au sud de Strasbourg, a bien changé en dix ans. Des tours sont tombées au profit de petits pavillons. Des jardins verts ont remplacé le béton. Pourtant, malgré le Plan de Rénovation Urbaine engagé par la ville et les 283 millions d’euros investis, le taux de chômage reste à un effrayant 24%. Celui des jeunes hommes de moins de 25 ans atteint même les 42%.

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Plus de 163 opérations d’urbanisme ont été lancées dans le Neuhof, mais des tours insalubres restent encore à détruire. (Photo MG / Rue89 Strasbourg)

Lundi après-midi. 14h30. Non loin de la mission locale pour l’emploi du Neuhof, des jeunes zonent en bas des tours, au milieu de scooters. Ils passent le temps car, pour la plupart d’entre eux, ils sont au chômage ou enchaînent tant bien que mal les missions d’intérim. De nombreux changements d’urbanisme ont été opérés pour désenclaver le quartier et permettre l’installation d’entreprises. Parmi les évolutions marquantes du Plan de Rénovation Urbaine, l’arrivée du tram en 2007, l’implantation d’une centaine d’entreprises ou bien la construction du gymnase Reuss 2 mais dix ans plus tard, les habitants du Neuhof sont toujours confrontés aux mêmes difficultés.

Avec un taux de chômage avoisinant les 42%, les hommes de moins de 25 ans sont les premiers touchés.

Tony, en intérim : « On ne m’a jamais proposé de formation »

Assis sur un petit muret, Tony, 25 ans, tue le temps. En mission d’intérim dans la brasserie Heineken de Schiltigheim, il est appellé au coup par coup pour mettre en rayon la marchandise. Aujourd’hui, il ne travaille pas :

« Je ne suis sur le marché du travail que depuis deux ans. Avant, j’ai été incarcéré pour des bêtises pendant trois ans. À ma sortie de prison, j’ai cherché du boulot comme tout le monde. Je suis allé à la mission locale pour l’emploi et à Pôle emploi. On me répétait sans cesse qu’on m’appellerait si on me trouvait quelque chose, mais je n’ai jamais reçu de coup de téléphone. On m’a même promis un entretien qui n’a jamais eu lieu. »

Le jeune homme a donc décidé de chercher par lui-même et s’est inscrit dans une agence d’intérim. Depuis, il enchaine les missions comme cariste. Elles ne durent jamais bien longtemps, de quelques jours à 4 mois. Ils sont nombreux comme lui à avoir perdu foi dans les structures publiques de l’emploi.

Jules a 28 ans et est en intérim depuis huit ans. Il arrive toujours à se débrouiller et ne reste jamais inactif bien longtemps. « Je touche du bois », plaisante le jeune homme. Mais, son frère de 19 ans, n’arrive pas à s’en sortir :

« Après avoir obtenu son CAP hôtellerie, il s’est tourné vers la mission locale. Mais, les conseillers ne lui proposent que des stages non-rémunérés de trois semaines. On lui fait des promesses et miroiter des embauches. Mais, à la clé, c’est toujours la même chose : rien. Il n’a pas le droit de refuser ces stages sous peine d’être radié. Les entreprises, pour l’embaucher, demande qu’il ait de l’expérience. Mais comment peut-il en avoir s’il ne peut pas trouver un emploi ? »

Des circuits courts pour l’emploi et des avantages sociaux

Les initiatives foisonnent pourtant depuis quelques années dans le quartier pour redynamiser l’emploi. Patrick Roger, dirigeant d’une entreprise implantée dans le Neuhof depuis 2011, et également président du centre socio-culturel a monté  l’opération Job Zone. Cinquante entreprises sont allées directement à la rencontre des demandeurs emplois pour leur proposer 80 postes. Pour l’entrepreneur, l’action a été une réussite :

« Grâce à Job Zone, des jeunes ont pû être embauchés en CDD. Le but était de montrer aux entreprises qu’il y avait dans ce quartier une main d’oeuvre motivée, et de prouver aux habitants que trouver un emploi était à leur portée. Nous savons qu’il reste beaucoup à entreprendre et que le chômage ne va pas diminuer par magie. Maintenant, il faut que nous travaillions de manière plus étroite avec Pôle emploi et la mission locale. D’ores et déjà, ces deux structures envoient des offres d’emplois aux associations qui font le relais auprès des habitants. Les associations repèrent ensuite les candidats potentiels et les accompagnent dans leurs démarches. C’est l’opération “Rapprocher les entreprises et leurs voisins” (REVE). »

Le Neuhof a également été placé en Zone Franche Urbaine en 1997. Les entreprises installées dans ce quartier et employant 50% de salariés provenant des Zones Urbaines Sensibles (ZUS) de Strasbourg ont le droit à des exonérations fiscales et sociales. Ainsi, en 2011, 260 contrats de travail ont été signés dont plus du tiers concernait les habitants du Neuhof.

La rénovation urbaine a aussi permis de mobiliser des personnes sans emploi. Dans sa charte locale d’insertion, L’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU) inclut une clause d’insertion. Celle-ci précise que 5% des heures travaillées dans les travaux de rénovation du quartier du Neuhof, financés par l’ANRU et 10% des embauches directes et indirectes créées dans le cadre de la gestion des équipement doivent être consacrées à l’insertion professionnelle des gens du quartier. Le volume horaire était donc fixé à 95 000 heures d’insertion. Cette clause a été mis en place pour mobiliser les habitants des ZUS en situation de chômage ou à l’écart du monde du travail. L’objectif  a été largement atteint car au 31 décembre 2013, 204 027 heures avaient déjà été réalisées.

Trouver un emploi, le parcours d’obstacles

Malgré toutes ces initiatives, pour Amir, Jean, Christophe et leurs amis, les jeunes du Neuhof rencontrent encore beaucoup de freins dans leur recherche d’un emploi. En commençant par leur CV :

« Nous rencontrons deux fois plus d’obstacles que les autres jeunes de notre âge qui cherchent un emploi. Nous venons du Neuhof, pour certains, nous avons des noms à consonance étrangère ou un physique typé, voire même un casier judiciaire. On passe à la trappe. Nous ne sommes jamais retenus pour un entretien d’embauche. Et, ce n’est pas cinq minutes tous les deux mois avec un conseiller de Pôle Emploi qui rendra notre profil plus vendeur auprès des entreprises. »

Khoutir Khechab, directeur du centre socio-culturel du Neuhof, tire lui aussi le même constat :

« La rénovation urbaine a permis de changer la physionomie du quartier. On a détruit des bâtiments qui étaient dramatiquement délabrés et le cadre de vie des habitants s’est amélioré. Cependant, le quartier continue de souffrir d’une image dégradée et négative. Il y a dix ans, les gens étaient au chômage dans des bâtiments pourris, maintenant, ils sont au chômage dans de beaux immeubles. Les entreprises sont encore trop réticentes à employer des jeunes du Neuhof. Elles ont l’impression de prendre un risque. Pour modifier les choses, il faudrait, une mobilisation citoyenne de la part des entreprises, des demandeurs d’emplois et des pouvoirs publics. »

Pour Evelyne Bruneau, anciennement directrice de la mission locale du Neuhof, les jeunes à la recherche d’un emploi sont confrontés aux mêmes difficultés que leurs parents :

« Les habitants de ce quartier doivent faire face à deux problématiques majeures : la discrimination et le manque de qualification. Si la rénovation a apporté une certaine mixité de population dans les quartiers, elle n’a pas permis de travailler sur ces deux obstacles à l’insertion professionnelle. Sans emploi, les jeunes vivotent de trafics en tout genre jusqu’à 22/25 ans où ils recherchent alors une solution plus pérenne. Mais sans formation ou diplôme, ils n’arrivent pas à trouver du travail. »

En 2014 et en 2015, le plan de rénovation urbaine se poursuivra. Le centre commercial Clairvivre place de Hautefort sera livré en 2015. Les travaux du parc d’activité de la Klebsau ont démarré le 12 mai, ses 2 200 m² devraient accueillir une quinzaine de très petites entreprises.


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