Depuis 2017 à Strasbourg, la start-up Recyclivre propose aux associations, aux collectivités, aux entreprises et aux particuliers un service gratuit de récupération de livres afin de leur donner une seconde vie. Une fois collectés, les ouvrages sont triés et s’ils sont encore en bon état, ils sont envoyés à Paris et revendus sur Internet.
Deux employés font fonctionner la start-up dans la capitale alsacienne, installée dans la pépinière d’entreprises à Hautepierre, Boris Jouanne et Charlie Carle :
« J’ai toujours travaillé dans des structures d’économie sociale et solidaire. J’ai trouvé le concept de RecycLivre génial. Moi même les bouquins ça me parle, j’en ai écrit un publié en 2013. J’ai découvert que nous jetions énormément de livres souvent en lien avec un déménagement, un décès, ou les personnes ne savent pas où les donner. Des organismes caritatifs peuvent les récupérer, mais ils sont souvent inondés de livres, trop par rapport à ce qu’ils peuvent revendre. Je travaille donc en partenariat avec eux. Les bibliothèques aussi jettent. Notre objectif c’est d’apporter une solution à tout ce gâchis. »
La collecte est gratuite et quasiment tous les livres sont acceptés :
« Si tu demandes à un bouquiniste de venir chez toi, il va te prendre 3 bouquins et t’en laisser 97. Nous c’est l’inverse, on va plutôt en prendre 97. »
Recyclivre ne reprend pas les dictionnaires ni les encyclopédies, ni les livres de clubs (France Loisirs, Grand Livre du mois, etc), ni les livres scolaires. Mais les livres en langues étrangères peuvent être acceptés.
Des livres divisés en deux groupes avec un algorithme
Une fois récoltés, Charlie et Boris vérifient la date de parution. Si le livre a été publié il y a plus de 20 ans, il a peu de chance d’être vendu. Ensuite, un algorithme est appelé à l’aide, comme le présente Charlie :
« Boris va scanner les codes barres des livres. L’algorithme permet de savoir si ce livre a plus de 90% de chance d’être vendu, s’il est recherché ou non. À RecycLivre, nous avons un historique de vente de 2 millions de livres. Si l’ordinateur ne connaît pas un livre, on cherche des informations sur internet pour savoir s’il se vend encore. En fait, on détecte le potentiel du livre. Mais ce n’est pas parce que le livre a du potentiel, qu’on va forcément le mettre à la vente. Par exemple, Rhinocéros de Ionesco. Tout le monde l’a lu et il se vend encore. Le problème, c’est justement que tout le monde l’a lu, donc il a été édité en des millions et des millions d’exemplaires. Nous, on en a surement déjà 40 dans nos stocks et le 41ème ne nous sert à rien. »
Après avoir scanné le code barre du livre, l’algorithme affiche un message vert s’il est bon à être mis en vente, rouge s’il est refusé. À ce moment là, le livre est donné ou envoyé au recyclage.
Avec l’aide de l’algorithme et de leur expérience, les deux hommes gardent un livre sur deux. Ça peut paraître peu mais pour Charlie Carle, c’est déjà pas mal :
« On arrive en fin de chaîne. C’est le livre que les gens ne voulaient plus, alors ils l’ont donné à Emmaüs, Emmaüs n’arrive pas à le vendre, il n’en veut plus, on le récupère juste avant la benne. Nous ne vendons que sur Internet, car ça nous permet de trouver le dernier acheteur d’un livre, qui peut être à l’autre bout de la France. »
À Strasbourg, les deux hommes récoltent 3 000 livres par semaine. Mais Charlie Carle espère en récolter 200 000 pour 2018, soit 25% de plus. Cette année, ce sont les partenaires (associations, entreprises, bibliothèques) qui ont été plus généreux que les particuliers. Pourtant, des livres à revendre, il y en a partout. Charlie Carle pensait qu’une majorité de personnes âgées donnerait des livres, mais les profils sont plus variés :
« Nous sommes allés chez un étudiant qui déménageait. Ses livres d’étude étaient de trop, il nous a appelé, on est venu. Les particuliers chez qui nous allons ont différents profils. C’est comme pour les livres, il y a de tout aussi. Parfois on est vraiment surpris, ça va du livre rare pour lequel on fait venir un bouquiniste, au livre, disons… coquin. »
4€ la seconde vie du livre
La vente de livre débute à 4€ frais de port inclus, le prix de vente moyen est entre 6 et 7€ selon Charlie Carle :
« Chez Recyclivre, 10% de la vente revient à des projets solidaires. Si c’est une bibliothèque ou une entreprise qui nous donne ses bouquins, ils vont pouvoir choisir une association bénéficiaire. Quand c’est des particuliers, les 10% vont à l’association Lire et faire lire, qui promeut la lecture auprès des jeunes. Nous donnons à l’antenne du Bas-Rhin. Et quand c’est une association qui nous fait un don de livres, les 10% lui reviendront. Avec Emmaüs Haguenau, ça va faire un an qu’on récupère des livres. On verse les cagnotte aux partenaires en fin d’année. Eux leur cagnotte s’élève à 940 euros. Sur les 5 627 livres mis en vente, 2 925 ont été vendus. »
Et selon les calculs de Charlie Carle, 2 925 livres vendus, c’est environ 22 arbres sauvés, 892 125 litres d’eau économisés et 1 264 kg de gaz carbonique non rejetés.
Quant aux livres orientés vers la destruction, ils sont amenés à Elise, une entreprise d’Illkirch-Graffenstaden de l’économie sociale et solidaire et qui propose un travail à des personnes en difficulté d’insertion ou en situation de handicap. Les livres récupérés produisent du papier recyclé. Un camion passe toutes les semaines chez Recyclivre à Strasbourg.
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