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Musée Lalique : les pressions amicales de Philippe Richert sur les DNA

Le président du Conseil régional Philippe Richert aimerait que les médias s’intéressent plus au Musée Lalique, dont il est l’instigateur et le président. Du coup, quand il croise le directeur général des DNA, Francis Hirn, il n’hésite pas à lui suggérer quelques idées de sujets. Et ça marche.

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Philippe Richert, président du Conseil régional d’Alsace, en décembre 2012 (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Quand on est journaliste à la rédaction locale des Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) de Sarre-Union, il y a des sujets avec lesquels il faut prendre des pincettes, ceux sur le musée Lalique de Wingen-sur-Moder par exemple. Car tout article sur cette institution créée ex-nihilo par Philippe Richert, président (UMP) du conseil régional d’Alsace, est lu de près par l’intéressé, surtout depuis qu’il en a pris les commandes directes en devenant président du syndicat du musée en janvier 2013.

Il faut dire que Philippe Richert a de quoi être préoccupé. La participation du conseil régional au budget du musée Lalique est passée en juin de 105 à 582 000€ sur un total de 1,67 M€. Mais la fréquentation est en baisse, après l’attrait de la première année. Elle s’est établie à 58 716 visiteurs en 2013, ce qui reste dans les objectifs du musée, mais Philippe Richert est sans doute convaincu que les chiffres auraient été meilleurs si les DNA avaient mieux présenté l’exposition temporaire « Happy Cristal » en décembre à leurs lecteurs.

Francis Hirn à Philippe Richert : « Alors, content ? »

Alors quand Philippe Richert croise Francis Hirn, directeur général des DNA, le président du conseil régional ne se prive pas de lui en toucher un mot. L’échange a dû être suffisamment intense pour ébranler Francis Hirn, au vu de sa réponse contenue dans la correspondance ci-dessous, parvenue à Rue89 Strasbourg (à lire de bas en haut) :

Echange d’emails entre Francis Hirn, DG des DNA, et Christophe Kieffer, dircab de Philippe Richert  – Cliquez sur l’image pour l’agrandir (doc Rue89 Strasbourg)

Francis Hirn indique à Philippe Richert qu’il va « essayer d’arranger les choses », dans le cadre du partenariat entre les DNA et le musée Lalique mais aussi avec la rédaction. Et le 1er décembre, toutes les DNA sont aux couleurs de Lalique, avec un reportage dans l’usine signé Marie Gerhardy, de l’agence de Sarre-Union. Christophe Kieffer, directeur du cabinet de Philippe Richert, répond que ce dernier « a été très heureux » quand il a découvert ces articles.

La Une des DNA du 1er décembre.

Le syndicat des journalistes des DNA en alerte

Lors de la réunion des délégués du personnel des DNA de décembre, le syndicat SNJ s’émeut des nombreux articles publiés dans le journal sur Lalique… Ils se font répondre par la direction et par les journalistes de Sarre-Union qu’aucun article n’a été commandé en dehors des processus habituels de la rédaction, comme l’explique Christophe Niess, délégué syndical SNJ des DNA :

« C’est peut-être un concours de circonstances tous ces papiers sur Lalique… Marie Gerhardy nous a dit que la visite dans l’usine avait été préparée pendant plusieurs années avant d’être autorisée. On a demandé à Dominique Jung, notre rédacteur-en-chef, s’il y avait une plainte de Philippe Richert sur Lalique. On nous a répondu que non… Du coup, on a quand même tenu à exprimer dans notre compte-rendu que si Philippe Richert avait des remarques à faire sur le travail de la rédaction, il pouvait les faire auprès de la rédaction en chef et pas à la direction. Il faut réaffirmer auprès de certains élus qui décide de ce qui est publié dans le journal, surtout en cette période où les pressions vont aller en s’accroissant. »

Contacté, Francis Hirn rappelle qu’en tant que directeur d’un média important, il reçoit « tous les jours des pressions » mais qu’il n’y donne « jamais suite » :

« On a des actions à mener avec le musée Lalique dans le cadre d’un partenariat commercial, mais c’est tout. Bien que responsable de tout ce qui est publié dans les DNA, jamais je ne donne d’instructions à la rédaction et je ne le ferai jamais. »

De son côté, Philippe Richert indique avoir simplement « signalé » à Francis Hirn l’intérêt de l’exposition « Happy Cristal » :

« Avec Francis, on parle de choses et d’autres, des DNA mais pas seulement. Ce n’est pas parce qu’on a des relations suivies qu’on n’a plus le droit de se parler. Depuis la réorganisation des DNA, il faut bien reconnaître que l’actualité du secteur de Sarre-Union est moins présente qu’avant dans les pages régionales, je m’en suis ouvert à Francis Hirn à propos d’ « Happy Cristal » mais c’est tout. »

Mais Philippe Richert peut-il croire qu’une « simple remarque » de lui ne soit pas interprétée par ses destinataires ? « Je ne suis pas responsable des interprétations », dit-il. Peut-être, reste que le musée Lalique a été présenté à nouveau aux lecteurs des DNA dans le supplément Reflets le 7 décembre et dans la locale de Sarre-Union.

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Sur Rue89 Strasbourg : Musée Lalique : Kennel renvoie l’ardoise à Richert

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