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Municipales : d’accord sur les cantines, divisés sur la réforme des rythmes

Depuis 10 ans, de lourds travaux ont été réalisés dans les trois quarts des 114 écoles maternelles et primaires de Strasbourg. Beaucoup reste à faire. Côté fonctionnement, des ajustements importants seront initiés à la rentrée 2014 avec l’application de la réforme des rythmes scolaires. Voici ce que promettent les principaux candidats pour les écoles pour les 6 années à venir.

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Bibliothèque de l’école Saint-Jean (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

Les écoles Saint-Thomas, Saint-Jean (voir photo ci-dessus), Oberlin, Le Grand, Brigitte et Catherine, Ampère, et tant d’autres. Toutes rénovées, agrandies, mises aux normes ces 10 dernières années. L’entretien, l’agrandissement, la transformation du patrimoine scolaire de Strasbourg – 114 écoles maternelles et primaires, parfois rassemblées dans des groupes scolaires disséminés dans tous les quartiers de la ville – coûte quelque 20 millions d’euros chaque année à la collectivité. D’après la Ville de Strasbourg, 121 millions d’euros ont été investis dans ces travaux entre 2001 et 2008, 148 M€ dans le mandat suivant. Actuellement 23 écoles sont en cours de rénovation et 31 sont concernées par des travaux de mises en sécurité.

« Contre-partie de la tarification solidaire, construire de nouvelles cantines »

Beaucoup reste à faire, une trentaine d’établissements n’ayant pas encore été concernés par ces rénovations. Si elle est reconduite en mars, l’équipe socialiste compte « poursuivre la modernisation des écoles », assure Mathieu Cahn, codirecteur de campagne de Roland Ries, qui juge que cette question ne constitue pas « un point de clivage » entre les listes en course pour la mairie. Selon lui, la tarification solidaire mise en place pendant le mandat 2008-2014 a permis à plus d’enfants d’accéder à la cantine, « un véritable succès, avec une contre-partie pour la collectivité qui doit se donner les moyens de les accueillir en construisant de nouveaux restaurants scolaires ». Et en jouant sur les horaires de services, « deux maximum » pendant la pause méridienne, préconise l’élu PS. Alors qu’aujourd’hui, certains restaurants scolaires proposent trois services.

En matière d’investissements dans le patrimoine scolaire, Tuncer Saglamer, candidat du Mouvement citoyen de Strasbourg, va jusqu’à chiffrer le « budget prévisionnel pour la mandature à 210 millions d’euros », afin notamment de développer des « structures sportives scolaires sur site ou dans le quartier ». Chez François Loos (UDI), on parle de faire un inventaire « sur ce qui reste à faire ». « Nous n’avons pas de critiques à formuler, remarque Pascale Jurdant-Pfeiffer, conseillère générale et n°2 sur la liste UDI, mais c’est loin d’être fini et on va continuer. » Même son de cloche pour Jean-Claude Val, tête de liste Front de gauche, qui préconise de « rester dans cette logique d’embellissement du cadre scolaire, et tout particulièrement dans les quartiers où les logements et les conditions de vie sont les plus médiocres ».

L’ouverture des cours d’écoles sur la cité

Alors que le candidat de la « gauche radicale » mettrait l’accent sur les cantines et de nouveaux locaux pour les activités périscolaires, la liste Europe écologie – Les Verts (EELV) évoque quant à elle la création de « jardins pédagogiques » dans les cours d’école et l’ouverture de ces dernières sur la cité. « On pourrait imaginer, note Éric Schultz, n°3 sur la liste d’Alain Jund, que les cours deviennent des substituts de parcs dans certains quartiers, avec une ouverture le week-end au cas par cas, par le biais d’associations si nécessaire. Aujourd’hui, les ados se retrouvent dans les centres commerciaux alors qu’il y a des terrains de baskets dans les établissements qui sont inoccupés en fin de semaine… »

Ce projet était déjà porté par EELV en 2008. Mais, selon plusieurs sources, l’adjointe en charge de l’éducation, Nicole Dreyer, n’y aurait pas été favorable pour des questions de responsabilité juridique et de sécurité. Son collègue Mathieu Cahn juge au contraire « qu’il faut vraiment y réfléchir ». Et martèle que les écoles « sont aussi des équipements publics », sous-entendu, pas la propriété des personnels de l’Education Nationale qui y travaillent.

Pour les candidats écologistes, il s’agit encore de continuer à promouvoir le bio dans les cantines (à hauteur de 40%), d’envisager la re-municipalisation de la production des repas – aujourd’hui confiée par un marché public à l’Alsacienne de Restauration – avec comme objectif d’en améliorer la qualité, voire de promouvoir la mutualisation de cette production en « liaison chaude » avec les collèges, lycées, centres socio-culturels ou maisons de retraite.

Plus de classes bilingues et à horaires aménagés

Sur la liste de Fabienne Keller, c’est la n°5, Catherine Balouka, directrice d’école maternelle, qui fixe le cap en matière scolaire. Selon elle, « les rénovations d’écoles tenaient beaucoup à cœur de Fabienne Keller quand elle était maire [2001-2008], mais peu a été fait dans le mandat suivant » Un argumentaire contredit par les chiffres cités plus haut. La candidate valide par ailleurs l’idée de constructions nouvelles de cantines pour « éviter les transhumances d’élèves en cars » tous les midis.

Catherine Balouka préconise aussi une ouverture de l’école sur la cité, avec par exemple l’accueil de certains parents « en demande de soutien éducatif » pendant le temps scolaire, aussi « pour qu’ils se rendent compte du sens de l’école ». La colistière de la candidate UMP propose également la généralisation de l’accès des écoles à internet (en filaire) ou la création de parcours pédagogiques dans la ville en partenariat avec les musées. Sur le volet pédagogique, l’équipe sortante insiste quant à elle sur la poursuite des ouvertures de classes bilingues ou de classes à horaires aménagés dans les quartiers qui n’en bénéficient pas encore, tout « en restant vigilants sur l’accès à tous et sur la mixité sociale dans les groupes scolaires », selon Mathieu Cahn.

Les rythmes de la discorde

Mais c’est sur les modalités de mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires que les clivages sont les plus nets entre les candidats. Parce qu’elle touche au quotidien des familles et des enseignants, parce qu’elle impactera le tissu associatif local, cette réforme agite depuis plusieurs mois les parents d’élèves, le milieu scolaire et les élus. Au dernier conseil municipal du mandat, lundi 17 février, une délibération a été votée, lançant le marché public « pour la fourniture de prestations pour les activités éducatives ». C’est à dire les activités qui seront proposées aux enfants entre 15h10 et 16h15 deux après-midis par semaine à partir de septembre 2014.

Deux groupes politiques au conseil municipal ont pris position contre la municipalité à l’occasion du vote de ce point. Les écologistes, d’abord, se sont montrés inquiets du recours à un marché public pour ce service, qui risque de mettre en concurrence les associations et de favoriser le « chacun pour soi ». Alain Jund, candidat EELV, a précisé que « les écologistes soutiennent le principe général de la réforme des rythmes scolaires, mais [elle] est insuffisante et n’aura réellement de sens que si elle ouvre d’autres perspectives », sur la pédagogie notamment, ou le raccourcissement des vacances d’été. La tête de liste écolo note encore :

« Le débat doit se poursuivre dans les prochains mois, car il n’y a rien de pire qu’une réforme qui se vit à reculons. Nous devons veiller à ne pas mettre en concurrence et en compétition des associations et les projets associatifs. Nous devrions, au contraire, susciter la coopération et la complémentarité. Sans oublier les associations qui par éthique associative refusent de répondre à des appels d’offres. [Par ailleurs,] la scolarisation le mercredi matin aura un impact direct sur les clubs sportifs, les centres socio-culturels et les réseaux culturels, nous devons les anticiper car nous connaissons déjà la fragilité de ces associations et leurs difficultés à assumer leurs missions. »

Re-convoquer les conseils d’école, faire du cas par cas

S’exprimant pour le candidat Roland Ries, Mathieu Cahn, adjoint au maire en charge des associations, reconnaît que la passation d’un marché pour l’emploi d’intervenants périscolaires n’est pas idéal, mais qu’en l’état actuel de la réglementation, « on pouvait difficilement y échapper ». Ce que préconise l’élu : une expérimentation (hors marché public) de projets portés par exemple par des centres socioculturels sur des plages horaires de 2 heures – 15h10/17h15 par exemple – qui s’adresseraient aussi bien aux enfants récupérés actuellement après la classe qu’à ceux qui vont aujourd’hui à la garderie jusqu’à 18 heures. « Dans le schéma qu’on a défini, les groupes éducatifs locaux ont une carte à jouer. »

Si François Loos (UDI) est élu, il promet quant à lui de re-convoquer les conseils d’écoles et d’adapter la réforme au cas par cas. Même son de cloche chez Tuncer Saglamer et chez Jean-Claude Val, sur la liste duquel se trouvent de nombreux enseignants. Ce dernier craint qu’en une heure (15h15/16h15), « on tombe vite dans de l’occupationnel », avec des personnels employés sur des créneaux horaires courts, avec des contrats précaires et mal rémunérés, donc peu qualifiés. Selon le candidat du Front de gauche, « il faudrait suspendre l’application du décret pendant 1 an, créer les conditions d’une coopération entre enseignants, associations de parents et tissu associatif local ». Pour lui comme pour d’autres, il aurait été plus intéressant de libérer un après-midi complet dans la semaine pour permettre aux enfants de profiter pleinement d’une activité culturelle ou sportive de deux heures.

La réforme coûtera « l’équivalent de 1 000 places de crèches »

Taxée d’irresponsabilité par ses adversaires socialistes, la candidate UMP Fabienne Keller joue quant à elle la carte de l’annulation de la réforme et/ou de la réécriture du décret. Elle développait dans un communiqué il y a une dizaine de jours :

« A la précipitation du gouvernement s’est ajoutée l’impréparation du maire socialiste de Strasbourg. Contrairement à d’autres villes, à Strasbourg, tout est encore flou. La faute à un attentisme puis une parodie de consultations que les parents et les acteurs éducatifs regrettent dans leur écrasante majorité. De plus, cette réforme, mal compensée par l’Etat, coûtera à la Ville de Strasbourg plusieurs millions d’euros – l’équivalent de 1000 places de crèches – pour un contenu pédagogique inconnu dont l’apport pour les enfants est plus qu’incertain. C’est une réforme perdant/perdant. (…) Aussi, j’invite tous les Strasbourgeois opposés à la réforme socialiste des rythmes scolaires à envoyer le 30 mars un signal clair au gouvernement en votant pour l’alternance à Strasbourg. »

Sa colistière Catherine Balouka, qui signait une tribune sur le sujet sur Rue89 Strasbourg le 14 novembre, vilipende les « canevas » proposés lors de la consultation, qui n’a mobilisé que 9% des parents d’élèves. Pour elle, les réunions publiques « enregistrées » ont dissuadé les enseignants de s’exprimer librement et la solution adoptée (une journée courte, une journée longue en alternance) sera très compliquée à mettre en œuvre, notamment dans les classes bilingues. Seule décision à laquelle elle adhère, le choix du mercredi pour la matinée supplémentaire. « Cela facilite la vie de famille le week-end et, de toute façon, beaucoup d’enfants se lèvent déjà le mercredi. »

Les listes Rassemblement Bleu Marine (FN), NPA, POI et Osons Strasbourg au centre n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

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Sur Rue89 Strasbourg : nos articles sur la réforme des rythmes scolaires

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