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Municipales : l’univers numérique échappe toujours aux candidats

L’univers du numérique, industries créatives, applications web et mobiles, a fait une timide apparition dans les programmes des candidats aux élections municipales de Strasbourg. Pour autant, aucun candidat ne propose de plan global, ni de changements profonds dans l’administration ou dans les relations entre élus et citoyens.

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Le numérique est toujours vu par les élus comme une évolution, pas une transformation (dr)

Dans cinq à dix ans, on aura vu l’avènement des objets connectés, la démocratisation des robots, l’impression 3D personnelle… Durant le mandat qui va débuter en mars 2014, les élus vont devoir composer avec ce que Jean-Dominique Séval, directeur d’un cabinet de prospective, appelle « l’omninet », un Internet infiltré dans tous les objets et tous les aspects de notre vie quotidienne.

Le contraste est saisissant entre les promesses du numérique et les programmes des candidats strasbourgeois aux élections municipales. Si tous reconnaissent l’importance du numérique, peu comprennent les enjeux. Le numérique reste pour les candidats ce que l’email est au courrier, une évolution, pas une transformation. Ils promettent donc de l’accompagner, pas de profiter des révolutions technologiques pour tout changer : les relations entre élus et citoyens, la manière de travailler de l’administration, les transports en commun…

Cyril Lage, cofondateur de démocratie ouverte, un collectif d’intérêt autour de la gouvernance publique à l’heure du numérique, a été déçu par la campagne des élections municipales, qu’il a suivie de près :

« En France, une trentaine de candidats seulement ont abordé dans leurs programmes les questions d’open data, de start-ups, de fablabs… Et toujours par petites touches. Le numérique est pour les élus un outil de communication, jamais quelque chose qui transcende les usages. Je n’ai rien vu de saisissant. De toutes manières, c’est la pression de la société civile qui amène les élus à bouger sur le numérique. Ils sont suiveurs. Ils ne mettent jamais en place de leur propre initiative de nouvelles pratiques de gouvernance issues des possibilités offertes par le numérique. On parle souvent de la défiance des citoyens vis à vis des élus, mais ce que cette timidité révèle, c’est la défiance des élus vis à vis des citoyens ! »

Car si le numérique transforme quelque chose, c’est bien les pouvoirs établis, souvent pyramidaux, cloisonnés. La démocratie numérique fonctionne en réseau, aplatit les hiérarchies. Elle force au partage du pouvoir, aux retours visibles et mesurables par les citoyens. C’est pourquoi plusieurs applications qui permettraient de mettre en ligne les processus des administrations, dans une espèce de réseau social local, existent aujourd’hui, elles sont tout à fait prêtes mais ne sont acquises par aucune municipalité.

Consensus autour de La Coop, futur pôle des industries créatives

A Strasbourg en 2014, les candidats en sont donc restés à des propositions basiques. La création d’un lieu pour permettre aux entreprises du numérique de se rencontrer entre elles est proposée par Roland Ries (PS), Fabienne Keller (UMP) et même par le candidat indépendant Armand Tenesso. Tous voient ce regroupement d’entreprises dans les anciens locaux de la Coop, au Port-du-Rhin.

Cette démarche de type « cantine numérique » existe déjà à Paris, Rennes, Nantes, Toulouse… et un peu à Strasbourg avec La Plage Digitale. Ce lieu doit migrer à l’automne 2014 au Shadok, futur pôle des cultures numériques mis en place par la municipalité dont le mandat s’achève et situé sur la presqu’île Malraux. Mais le Shadok accueillera aussi des expositions, des résidences d’étudiants et un espace dédié au grand public. De nombreuses missions qui vont nuire au fonctionnement du Shadok, selon Fabienne Keller :

« J’ai vu ce qui se faisait à Bordeaux, à Barcelone… Ces lieux dédiés au numérique sont bien plus ambitieux que le Shadok, qui n’est pas à l’échelle des enjeux, 2 000 m², ce n’est pas suffisant. Il faut de grands espaces dans lesquels les acteurs des industries créatives puissent expérimenter, évoluer en taille à la vitesse d’Internet… Il y a une dimension « génie du lieu » qui doit être vivant. Ce sera possible à la Coop et avec un réaménagement de la gare basse. »

Roland Ries non plus ne se satisfait pas du Shadok. Outre la Coop, il promet aussi la création d’autres lieux dédiés au numérique et aux industries créatives, à la Manufacture des tabacs par exemple, un ensemble qui serait partagé cette fois avec l’université.

Consensus mou autour de la filière économique

Pour tous les candidats, la filière de l’industrie numérique est censée apporter une réponse au chômage par son développement. Tous promettent donc de la « soutenir » mais en se gardant bien de chiffrer ce soutien ou de le préciser. Alain Jund, candidat EELV, propose d’utiliser le numérique comme levier pour la transition écologique de l’économie mais aucun candidat n’a fait du numérique LE levier de croissance étendard de la ville, comme Nantes par exemple. Dans cette ville, qui se présente comme la 2e ville du web en France et qui dispute à Strasbourg la place de 6e ville française, le numérique emploie 18 000 personnes contre 7 500 à Strasbourg. Les candidats à la mairie de Nantes ont participé à un débat public uniquement sur cette question, avec pour certains des propositions réellement innovantes.

Pour Stéphane Becker, président d’Alsace Digitale et gérant de Method In The Madness, une entreprise de modélisation 3D, les candidats strasbourgeois ont manqué d’ambition pour leurs programmes :

« Les atermoiements à Malraux sont symptomatiques. On a peur du vide, alors au lieu de prendre tous les docks pour les remplir d’entreprises avec des locaux loués au prix du marché mais flexibles, le vrai besoin des entreprises du numérique, on y ajoute des habitations que personne ne peut s’offrir. En 2014, on nous propose du WiFi gratuit dans les lieux publics alors que ce dont les entreprises ont besoin, c’est d’un déploiement garanti de la fibre optique ! »

Même discours d’Olivier Kubler, gérant d’Advisa, une agence de développement multimédia strasbourgeoise :

« Je trouve étonnant qu’on parle de la Coop ou de la gare alors même que l’implantation des acteurs du numériques aux docks Seegmuller n’est pas finalisée. Strasbourg a une belle opportunité de regrouper les industries numériques à Malraux, le projet de Roland Ries comportait un incubateur sur le site, avec des baux commerciaux courts et abordables. Il est important de continuer et d’aller au bout de ce projet. Les 3/4 du chemin sont faits. Par ailleurs la ville pourrait s’illustrer en proposant le WiFi gratuit aux quartiers sensibles et sur toutes les voies publiques. Voilà qui serait à terme un levier pour l’accès au savoir, aux télé-formations et donc à l’emploi. »

François Loos propose la ville en « Free WiFi, comme Luxembourg et Bruxelles » tandis que Roland Ries propose un accès dans les mairies de quartier et sur certaines places. Le maire sortant promet en outre de « poursuivre le déploiement du très haut-débit » mais sans rien chiffrer.

Les deux entrepreneurs apprécient qu’au moins, quelques propositions sur le numérique aient fait leur apparition dans les programmes de certains candidats cette année, comme les paiements par téléphone portable qui ont vu le jour sous cette municipalité ou l’idée d’une carte « Mon Strasbourg », proposée par Roland Ries, pour regrouper l’accès aux services publics municipaux (piscines, médiathèques et transports). Autre idée de Roland Ries : créer un site web d’échanges et de mutualisation pour que les Strasbourgeois se partagent des objets rarement utilisés, comme des perceuses, ou plus utilisés comme des poussettes. Quant à Tuncer Saglamer, il propose un centre d’innovation dédié aux technologies mobiles.

Pour l’administration en ligne, des données municipales publiées en open data par défaut, une participation directe citoyenne aux décisions, il faudra donc attendre 2020, ou compter sur l’écoute et la bonne volonté des conseillers qui seront élus fin mars.


#élections municipales 2014

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