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Municipales : les leçons d’un premier tour hors normes à Strasbourg

Dans le contexte de forte abstention, les écologistes ont su étendre leurs bastions grâce au vote des motivés, tandis que la République en Marche s’est effondrée dans le secteur Krutenau-Neudorf. Pour le politologue Philippe Breton, le centre-gauche a sur mobiliser « l’électorat pivot » de Strasbourg.

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Le second tour des élections municipales est reporté. Les 4 listes qualifiées à Strasbourg vont donc avoir de longues semaines pour s’observer avant de trouver d’éventuels accords. Les équipes distancées pourront affiner leur stratégie envers les abstentionnistes. Mais difficile d’imaginer dans quel état d’esprit repartiront les troupes militantes.

Le vote de plus de 49 000 strasbourgeois est compliqué à interpréter. Pour le politologue strasbourgeois Philippe Breton, il s’agit avant tout de l’expression des plus déterminés :

« Les personnes qui votent pour les écologistes sont motivés par des questions environnementales et pas seulement politiques. C’est aussi le même ressort pour le vote Catherine Trautmann qui est un épiphénomène local et qu’on ne peut pas rattacher uniquement à l’étiquette PS. »

Les écologistes élargissent leurs bases

Les écologistes ont enregistré leurs meilleurs scores dans les bureaux de vote du quartier gare, alors que l’adjoint de quartier, Paul Meyer, était sur la liste concurrente d’Alain Fontanel (LREM / 100% Strasbourg). « Strasbourg écologiste et citoyenne » élargit les bastions traditionnels d’EELV avec de forts scores au sud de Strasbourg (entrée Meinau), à l’ouest (Koenisgshoffen, Cronenbourg) et jusqu’à la Musau. Partout, notamment à Neudorf et la Krutenau, ses bons scores y sont aussi plus intenses qu’à l’accoutumée. La liste dépasse les 40% de voix dans 11 des 143 bureaux de vote.

« Nous faisons aussi des percées à la Robertsau », remarque la tête de liste Jeanne Barseghian au soir du premier tour. Sa liste est en effet au-dessus des 20% dans 5 des 10 bureaux de vote du nord (hors cité de l’Ill, à l’électorat plus abstentionniste et sociologiquement très différent). Néanmoins, elle ne parvient jamais à déloger le duo Vetter / Fontanel des deux premières places. Son point faible est Hautepierre.

La République en Marche se calque sur la droite

Pour son poursuivant Alain Fontanel (LREM), l’Orangerie, la Robertsau, le Wacken, le Tivoli, les Contades et le secteur République ramènent le plus de voix. Il s’agit de bastions habituels de la droite, avec une forte participation. Néanmoins, la « sur-mobilisation » est moins forte qu’à l’accoutumée. La liste « 100% Strasbourg » réalise aussi quelques pointes isolées dans un bureau de vote de trois quartiers populaires distincts (Elsau, Poteries et Neuhof).

Dans le deuxième quartier où elle compte un adjoint (le conseiller départemental Nicolas Matt, officiellement « conseiller municipal délégué »), LREM obtient des scores très différents : de bons résultats sur la partie Orangerie, Conseil des XV et certains bureaux de l’Esplanade, en revanche son score plonge sous sa moyenne de 19,86% pour le secteur Bourse-Krutenau.

L’équipe du premier adjoint fait des scores en-deçà de sa moyenne dans la Krutenau et Neudorf. Elle est systématiquement distancée là où la liste « Renaissance » s’était partagée les bureaux avec les écologistes lors des européennes en mai 2019.

Le manque de motivation d’une partie des électeurs a vraisemblablement nui au candidat au positionnement centriste. « Ce résultat risque d’un peu plomber l’image d’Alain Fontanel, qui avait déjà peu de dynamique », estime Philippe Breton.

Le vote LR proche de LREM avec quelques percées en plus

La carte des bons scores du candidat LR Jean-Philippe Vetter (4e, 18,27%) est similaire à celle d’Alain Fontanel. Un positionnement qui accrédite l’idée d’une alliance pour remonter. Seule différence notable, Jean-Philippe Vetter réussit des percées dans des quartiers populaires comme le sud de la Meinau et une partie du Neuhof, comme le Stockfeld. Le conseiller municipal profite vraisemblablement de l’ancrage du duo Maurer / Jurdant-Pfeiffer. Ces deux élus départementaux de longue date sont dans le top 10 de sa liste. « Un nouveau souffle pour Strasbourg » connait de plus grandes variations. Elle réalise une pointe à 43,07% et 38,24% dans les deux bureaux de vote de l’école maternelle du Neuhof, là où Alain Fontanel plafonne à 34,24% au lycée Kléber et 34,06% à l’Orangerie.

Alors qu’il a beaucoup fait campagne sur la défense des commerçants du centre-ville, Jean-Philippe Vetter fait des scores sous sa moyenne dans la Grande-Île. La dernière journée, il avait pris de nombreuses photos à leur côtés pour se montrer à l’écoute pendant la crise du coronavirus. Il plonge dans le quartier Gare, Neudorf et les quartiers ouest.

Le vote PS s’impose dans des quartiers peu mobilisés

« Le retour de Catherine Trautmann a un peu réveillé le vote dans des quartiers populaires qui ne votaient plus du tout, comme la Cité de l’Ill, Hautepierre ou des secteurs de Koenigshoffen », estime Philippe Breton. La participation y est faible, mais pas tellement plus qu’à l’accoutumée.

Mais surtout selon le sociologue, l’ancienne maire a capté avec les écologistes une partie de « l’électorat pivot » strasbourgeois, qu’il avait théorisé dans un article sur le site de l’Observatoire de la vile politique en Alsace (Ovipal). Une population qu’il situe parmi les actifs entre 30 et 45 ans, qui vivent à Neudorf et la Krutenau et représente « sans doute à peine 5% » de l’électorat. « Ils ont un peu à perdre, mais sont attachés à des valeurs sociales et environnementales. On a senti dans la campagne qu’ils hésitaient. » Et selon Philippe Breton, il a permis à Catherine Trautmann de finir 3e (19,78%) :

« L’électeur LREM venu de la gauche ne peut être que fâché par les tractations avec la droite qu’a laissé entendre le candidat. »

Enfin, le scrutin présentait une motivation supplémentaire pour une partie du centre-gauche, « une revanche pour ceux qui n’avaient pas aimé que Catherine Trautmann soit écartée et sanctionner Alain Fontanel qui y a participé ».

La carte des bons scores du PS se confond avec la carte de l’abstention, cantonnée dans les quartiers populaires. Catherine Trautmann remporte souvent les bureaux avec la plus faible participation, avec jusqu’à 46,50% des voix. Remporter ces bureaux au Port-du-Rhin ou au Neuhof colorie la carte des résultats, mais ne permet pas d’engranger énormément de voix d’avance dans le décompte final. Mais elle ne tombe jamais sous les 11%. Son plus faible score est au lycée Kléber (11,14%)

La plus forte abstention se situe à la cité nucléaire à Cronenbourg (école Paul Langevin, 11,98%), tandis que l’école Finkwiller à la Krutenau enregistre la meilleure participation (47,34%). Les meilleures mobilisations sont réparties entre plusieurs bureaux des quartiers Grande-Île, Krutenau, Laiterie, Conseil des XV, Tribunal ou Esplanade.

Strasbourg en commun souhaite continuer

Avec le Rassemblement national qui n’aura plus d’élu (pire score à Strasbourg depuis 2008), « Strasbourg en commun » est la grande battue de ce scrutin atypique. Elle avait été annoncée à 9% dans un premier sondage, lorsque Mathieu Cahn était encore le candidat PS. La liste était soutenue par la France insoumise, Generation.s, les mouvements « Pour une écologie populaire et sociale », « Révolution écologiste pour le vivant » et des citoyens non-encartés.

Pour son candidat Kévin Loquais, le contexte autour du coronavirus n’a pas aidé :

« On se doutait de ce faible score le jour-même, car les plus précaires et plus fragiles sont les plus impactés et donc hésitent à se déplacer. »

Pour autant, il ne met pas tout sur le compte de l’abstention record :

« L’arrivée de Catherine Trautmann a changé la donne. Une élection municipale est aussi une question de personnalité. Elle a fait de bons scores dans les bureaux qui nous ont été favorables en 2017. »

Ce juriste de 29 ans estime que « Strasbourg en commun a vocation à continuer ». « Nous avons une vision qui a eu un peu d’écho médiatique et beaucoup de personnes sont engagées dans des associations ». En cas de possibilité de fusion, la liste avait voté la tenue de discussions avec les autres listes si un accord « permettait de réduire les inégalités sociales ».


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