Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Municipales : le FN change de visage pour repasser les 15%

Nouvelle tête de liste, nouvelle liste, nouvelle stratégie… Le Front National strasbourgeois suit le Mouvement Bleu Marine et s’apprête à lancer une campagne municipale 2014 à l’opposé de celle de 2008. Notables décomplexés et jeunes nationalistes ont été appelés à la rescousse pour faire oublier le piteux score de 2008 et dépasser les 15% des suffrages en mars.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Me André Kornmann, ancien centriste, affirme pourtant avoir toujours été proche du FN (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Jusqu’il y a peu, le Front National à Strasbourg était représenté par le tandem formé par Christian Cotelle et Xavier Codderens, respectivement 28 et 25 ans de militantisme nationaliste au compteur. Mais ça ne compte pas aux yeux des nouveaux maîtres du FN, qui sont venus en janvier mettre la fédération bas-rhinoise au diapason du parti : dehors les vieux réacs, bonjour les jeunes souriants et les notables installés.

Le 15 janvier, Christian Cotelle, conseiller régional et secrétaire départemental, a été prié de lâcher la fédération bas-rhinoise qu’il dirigeait depuis 10 ans. A sa place, le parti a nommé Pascale Elles, « chargée d’une mission de reprise de la fédération » (sic) pour six mois. Candidat du FN aux élections municipales de 2008 à Strasbourg, Christian Cotelle était à nouveau partant pour 2014. Réponse du parti : « vous pouvez être tête de liste… à Matzenheim, là où vous habitez. »

A la commission d’investiture, Bruno Gollnisch, ancien vice-président du FN, s’est opposé par trois fois à l’éviction de Christian Cotelle. Ce dernier réagit en bon soldat :

« Je n’ai pas été surpris qu’on me refuse Strasbourg, on me l’avait plus ou moins laissé entendre depuis quelques semaines. Il y a une nouvelle direction nationale, un changement politique au FN. Je m’incline dans l’intérêt du parti. A 63 ans, c’est peut-être aussi pour moi le moment de prendre du champ. »

Professionnaliser le FN

À la manœuvre, Louis-Armand de Béjarry, secrétaire national adjoint aux fédérations du Front National, venu en Alsace en février pour « professionnaliser le FN » local, « ancrer les candidats dans la vie locale » et « profiter d’une hausse des adhésions pour faire des choix de candidats » aux élections municipales. De son côté, Julien Rochedy, directeur du FNJ, a entériné en juin l’éviction d’Olivier Garrecht à la tête du FNJ, jugé « trop instable », remplacé par Baptiste Pierre, assistant commercial de 22 ans d’Illkirch-Graffenstaden.

Et pour Strasbourg, le FN sort du chapeau en mai maître André Kornmann, un avocat de 50 ans installé au pied de la cathédrale depuis 20 ans. Pour l’ancrage local, Marine Le Pen pouvait difficilement rêver mieux.  Il y a juste un petit problème : le jeune André Kornmann a débuté son engagement politique aux côtés des jeunes barristes, au centre-droit en 1987 et en 2008, il était 26ème sur la liste Modem conduite par Chantal Cutajar.

La professeure d’université, aujourd’hui retirée de la vie politique, s’est étranglée quand elle a appris que son ancien colistier allait représenter le FN en 2014 :

« Jamais en ma présence, Me Kornmann n’a affiché des positions qui aurait pu me laisser penser qu’il était proche du FN. Dans cette liste, basée sur l’humanisme, on était tous pro-européens et avec un centre de gravité plutôt à gauche. Il donnait l’impression d’être un européen convaincu. J’ai l’impression que Me Kornmann cherche à exister à tout prix, il ne représente que lui-même. Mais on constate que l’entreprise de dédiabolisation du FN fonctionne, ce n’est pas le premier avocat à rejoindre les rangs du parti. »

« Sans enfant ni attache, libre pour la politique »

Et de fait, André Kornmann n’a rejoint le FN qu’en 2012 :

« Le Front National aujourd’hui, c’est le troisième parti de France, parfois le deuxième. Son image a changé, ce n’est plus celle d’un parti rassemblant la lie de la société comme les intellectuels bobos parisiens le décrivent régulièrement. Marine Le Pen a réussi à fédérer des gens très différents, dont des jeunes. Je me suis rapproché d’eux l’année dernière, par le biais de Florian Philippot. Je leur ai fait savoir que je souhaitais être sur la liste du FN en 2014. Le FN m’a demandé de la conduire, car j’avais un profil qui correspondait aux nouvelles orientations du parti : je suis issu de la société civile, en contact avec le public… J’ai été accepté par le conseil départemental, puis par le comité départemental et enfin investi par la commission du FN à l’unanimité moins une voix. »

Sans enfant ni attache, André Kornmann se dit « totalement libre pour la politique » aujourd’hui :

« Je n’ai pas d’enfant car je n’ai pas envie de faire subir à quelqu’un ce que ma mère narcissique et égoïste m’a fait subir. Mon père, pour lequel j’avais beaucoup d’affection en revanche, ayant quitté ce monde récemment, je suis prêt à m’investir totalement pour les Strasbourgeois. Je vais m’intéresser aux subventions accordées aux associations culturelles par exemple. On donne trop à des associations qui ne vivent que pour ces cachets. Et je pense qu’il faut rouvrir des parkings. On ne peut plus se garer dans cette ville et ça tue le commerce de centre-ville. On va mobiliser des places, y compris au pied des bâtiments historiques, avec des prix préférentiels pour les habitants de la CUS. »

Additionner les régionalistes et les nationalistes

Avocat d’Alsace d’Abord depuis plus de 10 ans, André Kornmann est bien placé pour additionner les voix de l’extrême-droite nationaliste et celles des régionalistes, deux courants qui s’ignorent à Strasbourg. En 2008, les deux listes atteignaient tout juste les 5% des suffrages mais en 2001, l’addition de ces voix dépassait les 15%, comme en 1995 et 1989. L’objectif d’André Kornmann est donc d’atteindre a minima ce score.

Le FN prépare donc une liste calibrée, subtil équilibre mixant quelques noms issus des quartiers strasbourgeois, pour la représentativité, quelques notables pour la respectabilité et des jeunes, pour renvoyer l’ascenseur à ces nouveaux militants qui composent l’essentiel des troupes du parti aujourd’hui.

Julia Abraham, nouveau visage du FN local, chargée de mobiliser les jeunes (doc remis)

En deuxième position, Julia Abraham, 21 ans, est chargée de réitérer ce qu’elle avait bien réussi à faire comme candidate aux élections législatives : mobiliser les jeunes et donner une image dynamique et souriante à ce parti. Elles portera les thématiques université et logement.

Pascale Elles précise :

« On ne va plus courir les maisons de retraite pour remplir la liste… Aujourd’hui, on veut qu’il y ait des quasi-professionnels de la politique, des gens qui sachent bien parler aux journalistes, qui ont fait des études… Et puis, si ce n’est pas le cas, ils seront formés à la communication à Nanterre pendant un week-end. »

Outre la conseillère régionale Huguette Fatna, la liste comptera aussi Brigitte Tinot, déjà présente sur la liste en 2008. Cette dernière devrait être profondément renouvelée et comprendre des personnalités qui ne sont pas membres du FN, ce qui inquiète Xavier Codderens, l’ancien colistier de Christian Cotelle :

« Si cette liste dépasse les 10% des voix, ce sera déjà très bien. Même à l’époque d’Yvan Blot (1995), on n’avait pas dépassé ce score. Il faut voir que les quartiers populaires sur lesquels s’appuie le FN ont beaucoup changé. Je ne sais pas si remplir la liste de notables est une bonne stratégie. On verra si l’alchimie prendra avec les classes populaires. Me Kornmann a été choisi par le parti, je respecte ça, je reste fidèle au parti. »

André Kornmann se donne encore l’été pour boucler sa liste de 65 personnes, dont le nom complet sera « Liste mouvement Bleu Marine, soutenue par le Front National ».


#André Kornmann

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile