Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Les candidats prêts à lâcher les millions au secours de l’Économie strasbourgeoise

Crise économique oblige, les candidats aux élections municipales intensifient leurs propositions pour atténuer le choc économique à Strasbourg.

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La santé de l’Économie ne dépend pas d’un maire. Mais ce dernier est aussi le dernier échelon d’élu, celui ou celle qui défend ses administrés. Et surtout, l’Eurométropole, avec son milliard et demi de budget, dont près de 300 millions d’investissement en 2019, peut nettement orienter la politique économique de l’aire urbaine.

Alors qu’une récession s’annonce à Strasbourg comme ailleurs, les trois listes ont débuté leur campagne sur ce thème, en musclant leurs promesses.

Lundi 8 juin, Catherine Trautmann a fait ses annonces sur un parking de grande surface au Neuhof, quartier populaire qui l’a placée en tête, avec de grosses réserves de voix chez les abstentionnistes. Les deux jours suivants, direction Cronenbourg chez les commerçants et artisans, puis la zone industrielle de la plaine des Bouchers à la Meinau pour Jeanne Barseghian. Dans ces deux secteurs, la liste écologiste l’a emporté le 15 mars, au-delà de ses bastions habituels du centre. Enfin, le vendredi 12 juin, Alain Fontanel (LREM), désormais allié à Jean-Philippe Vetter (LR), a choisi le centre-ville et la devanture du magasin Wolf Musique qui ferme ses portes après 195 ans d’existence. Le centre-ville n’est pas le secteur fort du premier adjoint, mais il multiplie les messages envers ceux qui y travaillent.

Chez les écologistes, allier écologie et emploi

À l’instar de sa fin de campagne de premier tour, Jeanne Barseghian s’est efforcée de passer le message « l’écologie, c’est l’emploi ». « Ceux qui opposent encore écologie et économie vont à rebours de l’histoire », assure la candidate. « Certains le découvrent, mais j’ai monté ma propre entreprise pour mon activité professionnelle. Jusqu’à la campagne, j’ai conseillé beaucoup de structures privées ou publiques, à Strasbourg ou ailleurs en Europe, pour qu’ils amorcent leur transition. Si on n’anticipe pas les directives européennes, les entreprises sont acculées », dit elle aussi pour rassurer.

Principale dépense nouvelle suite à la crise : un fonds d’urgence de deux millions d’euros. « On réserve cette somme, mais on préférera adapter selon les besoins réels. L’État, la Région ou le Département lancent déjà beaucoup de dispositifs et on ne veut pas de redondance. Cela pourra prendre la forme de bons d’achats, de baisses de loyer, d’accompagnement numérique, etc. », explique Anne-Marie Jean. Cadre à la Poste, c’est elle qui présente l’axe économique de programme et accompagne Jeanne Barseghian lors des rencontres avec les dirigeants économiques. Autre mesure de court terme pour les commerçants : la gratuité des transports les samedis durant l’été.

Le principal axe de son programme économique porte sur la rénovation énergétique de 8 000 logements, soit 2 400 emplois « pour des entreprises locales » sur la base de 30 000€ par rénovation, une projection de l’Ademe. À cela s’ajouteront des rénovations de bâtiments publics « en priorité des écoles » et la volonté d’utiliser les friches existantes plutôt qu’étendre les zones d’activités en périphérie.

En soutenant les filières de recyclage et de réemploi de matériaux, la liste écologiste promet de doubler la part des emplois dans l’économie sociale et solidaire (actuellement, 24 000 emplois dans l’Eurométropole, 18 000 à Strasbourg). Elle propose aussi de créer des points de vente directe et autres circuits de distribution en complément de marchés. La liste « Strasbourg écologiste et citoyenne » souhaite de nouveaux débouchés pour des maraîchers qu’elle aimerait voir s’installer dans l’agglomération, en transformant certains champs de maïs et de blé.

Au-delà d’un empilement de mesures, la liste écologiste veut intégrer des objectifs environnementaux, locaux et sociaux dans ses chantiers pour guider l’économie. La loi du marché et les investisseurs suivra-t-elle la volonté publique ?

« Ce n’est pas un programme décroissant », répond Anne-Marie Jean au tract d’Alain Fontanel qui affirme le contraire. Un raccourci qu’a aussi utilisé Catherine Trautmann en débat. « Mais ce n’est pas un soutien à une croissance tous azimuts et polluante », précise-t-elle.

Catherine Trautmann, des programmes et des réseaux

Face à la crise, la candidate socialiste veut « soutenir une relance par la demande ». Elle promet des baisses de loyers pour les commerces indépendants, y compris dans le secteur privé, via « un outil d’interface » (probablement une société publique), dans le but de s’approcher des tarifs des zones commerciales. Pour les artistes « durement touchés par la crise », l’ancienne ministre souhaite un fonds d’aide à la trésorerie. Pour les commerces, y compris des marchés, elle soutient une exonération des droits de place jusqu’à la fin de l’été.

Principale mesure de long terme, mise en place « dès juillet 2020 » : des programmes « Strasbourg code » dans le numérique et « Strasbourg construit » pour les chantiers d’insertion. Pour le second, il visera à produire ou rénover des logements pour les rendre plus écologiques. Autre nouveauté, la liste souhaite une application « Click & Collect » pour faciliter le retrait de commandes pour les commerces de proximité.

Pour aider les jeunes de moins de 25 ans, « du stage à l’emploi », la candidate propose enfin une plateforme en ligne et des moyens supplémentaires pour les Missions locales et la Maison de l’emploi.

Les candidats veulent tous sauver l’économie (photo Public Domain / Visual Hunt)

Concernant la gratuité du stationnement en surface, Catherine Trautmann la promet les premiers samedis matins du mois, auxquels s’ajouteront 10 jours de forte consommation à déterminer.

Par ses fonctions passées de députée, maire, ministre, eurodéputée et plus récemment vice-présidente à l’Eurométropole, Catherine Trautmann a de bons réseaux dans les milieux économiques, le numérique ou les investisseurs. Elle est d’ailleurs la seule à être favorable à un accès par le nord au Port-aux-Pétroles, le long de la forêt de la Robertsau. L’ouverture de cette route inutilisée et peu entretenue est réclamée depuis des années par les milieux économiques liés au port. En fin de campagne, la candidate appuie un peu sur le frein et parle « d’examiner la possibilité », pour délester l’avenue du Rhin. « Je ne peux pas dire si [ce projet] se fera », dit-elle au blog de la Robertsau.

Un autre aspect inquiète certains de ses concurrents. Pendant le confinement, Catherine Trautmann a eu une forte exposition, y compris sur les médias nationaux. « Durant le confinement, j’ai entendu les solutions préconisées par les entreprises et les partenaires. J’ai agi », appuie la candidate lors de son allocution de début de campagne. Certes l’idée de guider le déconfinement localement avec des tests sérologiques dès le début avril, quand bien même ces derniers n’étaient pas encore homologués, n’a pas abouti. La Région Grand Est a fondé une société en urgence, capitalisée à hauteur de 10 millions d’euros, mais ses commandes mi-mai n’ont jamais été utilisées en ce sens. Mais les électeurs retiennent-ils ce niveau de détail ?

L’idée des chèques alimentaires de 90€ pour les familles les plus modestes est bel et bien de son initiative au sein du conseil municipal. Un système de bons d’achats qu’elle souhaite poursuivre, comme les autres listes.

Aux côtés de Catherine Trautmann, difficile d’imaginer qui conduirait une telle politique. En dehors des personnes implantées dans les quartiers, la candidate fait peu exister médiatiquement ses compagnons de route.

À droite, le paquet pour le centre

Vendredi 12 juin, Jean-Philippe Vetter était entouré d’une dizaine de colistiers issus des deux équipes pour décréter « l’état d’urgence économique et social ». C’est notamment l’entrepreneur dans la restauration Éric Senet, l’ancien « Monsieur Attractivité » de la liste Vetter, qui s’est exprimé sur les baisses d’impôts, la mesure la plus utile à son sens pour « un choc de confiance ». À noter un absent parmi la brochette d’une dizaine de personnes, l’adjoint au commerce et au tourisme depuis 2016, Paul Meyer, plus marqué à gauche et issu de la liste d’Alain Fontanel.

Principales annonces : six mesures votées dès le samedi 4 juillet, le jour où le ou la nouvelle maire sera intronisée. Trois propositions concernent principalement le centre-ville : le retour de la gratuité du stationnement en surface entre 12h et 14h ; une grande campagne de promotion territoriale « Envie de Strasbourg » pour les touristes et enfin la suppression immédiate de taxes et redevances locales sur les enseignes et les terrasses jusqu’à la fin de l’année, et jusqu’à la fin septembre pour les marchés.

D’autres mesures s’appliquent à tous : la réduction de moitié de la cotisation foncière des entreprises pour les TPE et PME soit 5,5 millions d’euros d’impôts en moins. Elle concernera environ 27 000 commerces.

Autre promesse : des bons d’achat à durée limitée pour les familles modestes pour environ 1 million d’euros au total. Les détails (montant, familles concernées, type de commerces) restent à définir, mais l’idée est qu’ils soient conditionnés à un montant d’achat pour faire dépenser davantage (un « effet de levier »). Ils concerneront les commerces de proximité dans tous les quartiers. Enfin, une accélération des « investissements » de la collectivité est promis. Le recours à l’emprunt (parfois qualifié « d’impôts de demain » à droite) n’est pas exclu, mais dans des proportions moins grandes que les écologistes.

Vendenheim dans le viseur

Toutes ces mesures de court terme sont estimées à 10 millions d’euros. Un montant équivalent au soutien de l’Eurométropole à l’agrandissement et la rénovation de la zone commerciale de Vendenheim.

Quatre colistières, dont trois commerçantes de centre-ville, se sont même rendues sur place pour tourner une vidéo et critiquer cette décision de la coalition gauche-droite. Une manière de cibler le PS, qui présidait la métropole via Robert Herrmann, voire les écologistes (qui ont voté contre) en expliquant qu’un des colistiers, Syamak Agha Babaei, était l’un des vice-présidents. Ces camarades d’Alain Fontanel oublient un peu vite que leur tête de liste était aussi l’un des 20 vice-présidents et que la demande de soutien économique à la zone commerciale venait des maires du nord, étiquetés à droite et au centre comme eux. « Je peux comprendre le sentiment de ces colistières inexpérimentées mais je leur répondrais que la zone représente 450 millions de chiffre d’affaires et 8 millions de rentrées fiscales », indique Georges Schuler (LR), maire de Reichstett. En cas de victoire, on sent déjà poindre un clivage entre la droite du centre-ville et la droite des champs.

D’autres mesures concernent le moyen terme mais sont plus vagues. Parmi les plus consensuelles, plus de clauses locales dans les marchés publics, un marché de Noël « débunkerisé », un soutien à l’Université ou du « coaching » pour 1 000 jeunes de quartiers populaires. Plus marqueur de la droite et du centre, la création d’une « station F strasbourgeoise » sur l’îlot Citadelle, le soutien à l’aéroport et au sport professionnel.

Par ailleurs, le périmètre de sauvegarde des commerces et le moratoire sur les zones commerciales restent d’actualité. En revanche, le projet de parking souterrain dans le centre-ville promis par Jean-Philippe Vetter a été englouti avec la fusion.

Bas-Rhin et Grand Est lâchent déjà les millions

Jean-Philippe Vetter met en avant que sa liste capterait mieux les investissements du Département ou de la Région, car elle partage (presque) la même étiquette politique.

Mais pour Frédéric Bierry (LR), le président du conseil départemental du Bas-Rhin, qui annonce un « Plan Marshall » de 200 millions d’euros « essentiellement » financés par l’emprunt, le résultat des élections ne guidera pas ses choix :

« Pour les aides directes aux entreprises, ainsi que nos dépenses en direct (modernisation des collèges, chèques vacances aux 65 000 familles les plus modestes, etc. ndlr), cela ne fera aucune différence. Ce qui pourrait être plus impactant, ce sont certains choix politiques sur les logements, les routes et donc le niveau de commandes. Mais ça ne changera pas les moyens que l’on va distribuer. Toutes les sensibilités politiques devraient être favorables à ce qu’on aide les plus fragiles. »

La Région Grand Est a de son côté promis un plan de relance de 1,3 milliard pour le tourisme, dont une campagne de communication d’1 million d’euros. Sur les 536 millions déjà été investis, le Bas-Rhin a reçu la plus grosse part avec 167 millions d’euros.


#élections municipales 2020

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