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Municipales : quel budget pour les candidats à Strasbourg ?

De 260 000 euros, en grande partie remboursés, à quelques milliers d’euros à perte. Les listes candidates aux élections municipales disposent des moyens très différents pour respecter les règles de financement. Rue89 Strasbourg a comparé les dépenses engagées ou estimées par chacune des équipes.

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« On estime la campagne électorale à Strasbourg à environ 200 000 euros. Mais qu’est-ce que les listes font avec tout cet argent ? », se demande Pascale Hirn, membre de l’Union Populaire Républicaine (UPR). À Strasbourg, commune de 280 966 habitants, le maximum de dépenses autorisées avant le premier tour est de 267 250 euros. Il est de 357 060 euros pour les candidats qualifiés au second. Si une liste obtient 5% des suffrages exprimés au 1er tour, l’État rembourse à hauteur de 47,5% du plafond de dépenses autorisées, soit 170 000 euros.

Emprunts, dons, participation des partis nationaux et apports personnels…Les moyens de financement de la campagne sont nombreux, mais encadrés par des règles strictes. Une fois la campagne achevée, la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP) vérifie le respect de ces règles. Selon elle, en 2014 un peu moins de 4 % des comptes ont été invalidés en France.

Discrimination des petits candidats

Créditée de 1% d’intentions de vote lors du seul sondage public, la tête de liste pro-Frexit Pascale Hirn compte « user avec parcimonie de l’argent ». Le financement se fera uniquement sur la base de dons faits au parti national (UPR) et répartis entre les villes qui présentent une liste. Pascale Hirn fait donc avec les moyens du bord :

« Je vais au marché avec d’anciens tracts d’information sur l’écologie, les communes, les grandes orientations de politique économique. Il y a aussi pas mal de jeunes dans l’équipe qui disent que c’est mieux de passer par Internet. »

Ainsi, la tête de liste envisage de n’imprimer que 500 tracts pour 110 euros, qu’elle financera elle même une fois la liste déposée. Enfin, l’UPR s’est engagée à financer les deux affiches officielles ainsi que les bulletins de vote : « On imprimera 10% de bulletins, qu’on déposera nous-même dans les bureaux de vote. » 

Campagne politique… et financière

Pour Mathieu Le Tallec, la campagne est « discriminatoire pour les petits candidats ». Le candidat du Parti ouvrier indépendant démocratique (POID) explique la situation compliquée de sa formation :

« Nous n’avons pas de subventions, pas de moyens, nous nous basons uniquement sur le financement militant. On mène donc une campagne financière en même temps qu’une campagne politique. »

Premier frein selon la tête de liste ouvrière, le matériel électoral (bulletins de vote, profession de foi) dont le prix dépend du prestataire (imprimeur) choisi par chacun des candidats. L’Etat ne rembourse ces dépenses qu’à posteriori selon les modalités de l’article R. 39 du code électoral et seulement si la liste obtient au moins 5%. « L’Etat devrait prendre ces frais en charge. De notre côté, nous pensons demander aux électeurs d’imprimer chacun leur bulletin de vote sur Internet », regrette Mathieu LeTallec.

Chantal Cutajar revendique l’absence de soutien d’un parti national : « Nous sommes une liste citoyenne », rappelle la tête de liste « Citoyens engagés ». Le budget prévu est de 100 000 euros, constitué d’emprunts répartis parmi les membres de la liste. Le mandataire financier compte 10 000 euros de dons à la mi-février. 

« Égalité Active » : les économies personnelles d’entrepreneurs

« Il faudrait qu’on ait tous la même enveloppe pour que ce soit équitable », affirme Patrick Arbogast, pour son mouvement « Égalité Active ». L’entrepreneur se présente comme le candidat des quartiers et finance presque la totalité de sa campagne grâce à ses économies personnelles, soit 70 000 euros : « C’est par conviction que je m’engage. Les jeunes des quartiers ne croient plus en rien, j’ai des projets concrets pour eux, pour tout de suite », affirme le candidat.

Sans parti ni élus derrière lui, Patrick Arbogast préfère ne pas solliciter ses colistiers. Néanmoins, il estime la participation globale des entrepreneurs présents sur sa liste à environ 20 000 euros. À ce sujet, la CNCCFP est intransigeante : seules les personnes physiques peuvent verser un don. Ce qui exclut les collectivités, les entreprises et les associations. Un entrepreneur pourra donc seulement participer en son nom propre. Par ailleurs, tout versement d’un membre de la liste après dépôt de la liste en préfecture est considéré comme un apport personnel du candidat et n’ouvre pas à une réduction fiscale, contrairement au don.

LREM : dons, prêt personnel et gadgets

Généralement, les candidats qui prennent plus de risques sont ceux qui sont à peu près sûrs d’obtenir les 5% au premier tour. Le candidat LREM Alain Fontanel a ainsi contracté un prêt personnel de 170 000 euros, soit la somme remboursée par l’État.

Sa liste a tablé sur un budget global de 260 000 euros pour l’ensemble de la campagne. Ils espèrent donc atteindre 90 000 euros de dons. La liste LREM a également mis en vente quelques gadgets (tote bag en tissu, pin’s) : « Le produit des ventes est assez minime d’autant que nous n’en avons pas vraiment fait la promotion », affirme le directeur de campagne Julien Midy. La liste ne devrait pas faire appel à la participation du parti national :

« Pour l’instant on a réussi a l’éviter. On ne l’avait pas exclu a priori, mais on préférerait pouvoir s’en passer. »

Pas de soutien financier de la France insoumise

Même discours du côté de la liste « Strasbourg en commun » qui n’a pas demandé de soutien financier à La France Insoumise. Kevin Loquais, 29 ans, a fait un apport personnel de 5 000 euros : « Ce sont les économies que j’ai réussi à réaliser lors de mes différents emplois-étudiants et lorsque j’étais salarié d’une association d’éducation populaire », explique la tête de liste. La liste alliée à Génération.s et au collectif Peps table sur un budget de moins de 30 000 euros, acquis grâce à des prêts personnels à Kevin Loquais (de 2 000 euros en moyenne) et des dons : 

« On ne sait même pas si on va tout dépenser, l’idée est de convaincre un maximum de gens en dépensant le moins. »

Selon le mandataire financier, Luc Huet, les dons sont en moyenne de 200 euros. Ils représentent pour l’instant environ 10% de la totalité du budget. 

Emprunt personnel, soutien logisitique d’EELV, dons…

Jeanne Barseghian, tête de liste « Strasbourg écologiste et citoyenne », a fait un emprunt de 150 000 euros en son nom propre, cautionné par douze personnes – pas forcément sur la liste – à hauteur de 12 500 euros. Le parti ne souhaite pas communiquer le montant des dons « les chiffres étant provisoires. » La liste a reçu un don de 500 euros du Parti communiste et le soutien logistique de EELV au début de la campagne : 

« Concrètement, lorsque nous n’avions pas encore de tête de liste ni de mandataire financier, Europe Ecologie les Verts (EELV) a signé le contrat de bail pour le local de campagne, ainsi que les contrats d’embauche des salariés. Le parti a également avancé les frais (5 000 euros). Une fois que nous avions un mandataire financier cela a été refacturé à l’équipe de campagne. »

Jeanne Barseghian

Emprunts et contribution des colistiers côté PS

Côté PS, l’ancienne tête de liste, Mathieu Cahn, a emprunté 134 000 euros. La fédération du Bas-Rhin complète avec, d’une part, un prêt de 36 000 euros pour atteindre le plafond de remboursement et de l’autre une contribution ferme, composée notamment de la participation facultative des colistiers. Le montant de cette dernière dépendra des dépenses engagées : « La contribution définitive c’est quand on dépasse le plafond remboursé par l’Etat », explique Caroline Barrière, 7ème sur la liste et co-directrice de campagne « Faire ensemble Strasbourg ».

La liste compte également sur les dons de particuliers : « Il y a une vrai tradition de dons chez le militant PS », affirme Pernelle Richardot, première secrétaire fédérale du PS du Bas-Rhin. À la mi-février « Faire ensemble Strasbourg » compte entre 20 000 et 30 000 euros de dons. 

Un Rassemblement national peu disert

Enfin le Rassemblement National, qui n’a pas souhaité rentrer dans les détails malgré nos relances, affirme simplement que :

« Le financement de notre campagne sera un mix d’apports personnels des candidats, d’un ou des prêts personnels de militants et d’élus et éventuellement de petits dons. (…) La somme devrait être comprise entre 20 et 40 000 euros maximum. »

La somme engagée est limitée pour le parti dont l’objectif à Strasbourg est simplement de garder ses deux élus d’opposition, voire d’en obtenir un peu plus.

La liste Les Républicains ne répond pas

La liste « Les Républicains » de Jean-Philippe Vetter quant à elle, n’a tout simplement pas répondu à nos questions. L’ouverture d’un grand local place Saint-Étienne, de Carnets Bleus pour recueillir des avis d’habitants, de tracts ciblés pour certains quartiers montre néanmoins que le parti de droite investit dans cette élection.

Principal budget : la comm’

De l’avis de tous les candidats, le poste le plus gourmand est celui de la communication. Patrick Arbogast dépense la quasi-totalité de son budget pour la communication, soit 70 000 euros. Il a fait appel à deux agences de communication qui s’occupent d’organiser les réunions, de produire et diffuser les vidéos, les photographies… La tête de liste « Égalité active » a deux directeurs de campagne : un homme et une femme.

Le budget de « Strasbourg en commun » est principalement utilisé pour le matériel de communication, les tracts, les affiches, la location de salle, le site internet et les remboursements des déplacements des militants.

Julien Midy affirme que pour LREM et ses alliés, « il faut compter deux tiers de dépenses de communication et le dernier tiers qui se répartit entre le local de campagne (environ 2 000 euros/mois sans les charges), l’organisation d’événements, de réunions publiques et les dépenses de personnels – un salarié, lui même- ainsi que des frais financiers » 

Pour le PS, ce qui coûte le plus cher, ce sont les impressions. La liste compte en effet entre 50 000 et 60 000 euros de tracts et programmes. Les deux co-directrices de campagne étant élues, aucun salarié dédié à la campagne n’est rémunéré : 

« Nous avions recruté une personne au niveau de la fédération du Bas-Rhin qui aujourd’hui travaille une partie de son temps pour les élections. Le compte de campagne remboursera donc une partie de son salaire. »

Caroline Barrière, colistière et directrice de campagne

Le PS utilise aussi les services d’une agence de communication. La liste de Catherine Trautmann préfère ne pas révéler le montant du loyer de leur local, rue de la Division-Leclerc :

« C’est forcément un peu plus cher que ce qu’on a payé sur d’autres élections, mais c’est très bien placé et ça remplace un certain nombre d’affiches qui vont être détruites. » 

De son côté, Chantal Cutajar compte 90% de budget communication et fait appel à des travailleurs à leur compte pour gérer la campagne. La liste a fait le choix de ne pas avoir de local de campagne.

Jeanne Barseghian, emploie une personne à temps complet pour la coordination, une personne polyvalente à mi-temps et une directrice de campagne à son compte. « Une agence de communication s’occupe de la conception et de la réalisation des supports de campagne ainsi que des conseils en stratégie de communication », affirme la candidate. Pour la liste « Strasbourg Ecologiste et citoyenne », la communication est le poste le plus coûteux (35% du budget), suivi par les salariés et enfin le local dont le loyer s’élève à 2 800 euros par mois. 

Frilosité des banques 

Il est obligatoire pour tout candidat d’avoir un compte de campagne, mais cela n’est pas possible dans toutes les banques. La plupart des listes regrettent la frilosité des établissements financiers. Ainsi, Mathieu Le Tallec a dû négocier avec une dizaine de banques avant d’en trouver une qui accepte de ne pas faire payer l’ouverture du compte.

La liste citoyenne de Chantal Cutajar a également eu des difficultés à emprunter : « Au départ, je pensais faire un prêt global en mon nom, mais nous n’avons pas trouvé d’établissement financier, même pas ma propre banque. » C’est pour cela, affirme la candidate, que la liste a opté pour une répartition de l’emprunt entre plusieurs colistiers. 

Jeanne Barseghian indique qu’elle n’a pas spécialement eu de problème pour l’ouverture d’un compte et le prêt : « Mais cela n’aurait pas été possible sans les garanties des cautionnaires », affirme-t-elle. Au PS, la banque a limité l’emprunt à 134 000 euros. « Le fait que ce soit plus difficile avec les banques participe à plus de sobriété », pense pour sa part la directrice de la campagne socialiste Caroline Barrière.

Mais Luc Huet de « Strasbourg en commun » n’est pas d’accord, il dénonce l’inégalité entre les candidats :

« Une campagne coûte de l’argent. Les deux façons de se faire financer facilement c’est les dons et le prêt de la banque. Or le prêt favorise une tête de liste qui va pouvoir montrer sa capacité d’emprunt, tandis que les dons favorisent les plus fortunés qui profitent ainsi de la réduction d’impôts de 66%. A contrario, quand on va défendre les quartiers, il y a des tas de gens qui ne payent pas d’impôts et qui ne sont donc pas concernés par la déduction fiscale. »

Selon Julien Midy, la problématique de l’équité est une vraie question démocratique : « Le prêt bancaire est très exigeant (…) effectivement pour les plus petites listes c’est plus compliqué. L’Etat devrait être garant », affirme -t-il. Pour le PS, il n’y a pas de faille démocratique, mais plutôt un garde-fou de la démocratie : « Quand on veut défendre ses idées ont peut aussi se rapprocher d’autres et essayer de se réunir. Tout autoriser c’est aussi faire de la dispersion massive. Est-ce-que la démocratie gagne a la dispersion massive ? Je ne sais pas », conclut Caroline Barrière. 


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