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Monsieur le Préfet, que font ces enfants dans la rue ?

Des dizaines d’enfants dorment dehors à Strasbourg, malgré des températures extérieures négatives. Alors que le préfet du Bas-Rhin est sommé de réquisitionner un gymnase, Jacques Witkowski garde un silence glaçant.

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Une mère seule et sa fille dorment dehors en plein hiver.

Monsieur le préfet, vous avez dernièrement montré un intérêt fort pour la responsabilité des parents de mineurs interpellés pour des violences urbaines en fin d’année. Vous avez beaucoup communiqué sur ce sujet auprès des médias. À l’AFP, vous résumiez ainsi les courriers envoyés aux parents : « J’ai donc souhaité les interpeller vivement : que fait votre fils dans la rue ? » Depuis le début de l’année 2025, plusieurs associations vous interpellent sur le sans-abrisme à Strasbourg. Toutes font face à votre silence sur la question suivante : « Que font des enfants à la rue en plein hiver ? »

Au parc Eugène Imbs, 31 enfants dorment dehors

Il a fait -5° dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 janvier. Avec des températures du même ordre prévues les jours suivants, la préfecture du Bas-Rhin a annoncé l’activation du niveau 1 du plan « grand froid ». Des places d’hébergement d’urgence supplémentaires ont été ouvertes, d’après un communiqué de la préfecture. Combien de personnes ont pu en bénéficier ? Nos questions auprès du service de communication de la préfecture restent sans réponse. Une chose est sûre : au parc Eugène Imbs, près d’une centaine de personnes, dont deux femmes enceintes et 31 enfants, continuent de dormir dehors. Monsieur le Préfet, que font ces enfants dans la rue ?

Depuis le mois de décembre 2024, des parents d’élèves appellent à l’aide pour héberger 12 enfants scolarisés à l’école Saint-Jean. Ils ont tout d’abord manifesté devant l’établissement. Le collectif Pas d’enfants à la rue vous a envoyé un courrier ainsi qu’à la Ville de Strasbourg pour demander l’ouverture d’un centre d’hébergement d’urgence. Faute de réaction des services de l’État, le collectif de la rue des Bonnes-Gens est passé à l’action en occupant deux salles de classe dans la nuit du 13 janvier pour héberger deux familles. Elles auraient dormi dehors sans la solidarité de ces parents d’élèves et des militants et militantes œuvrant pour le droit au logement. Monsieur le Préfet, que font ces enfants dans la rue ?

Sont-ils exclus parce qu’étrangers ?

Selon l’adjointe en charge des solidarités Floriane Varieras, la Ville de Strasbourg a indiqué à la préfecture que plusieurs gymnases sont prêts à accueillir des personnes sans-abri. L’année dernière, à la même période, les températures minimales avoisinaient aussi les moins quatre degrés. Deux gymnases avaient été ouverts pour une capacité totale de 160 personnes. Les deux structures avaient été rapidement saturées. Elles le seraient sûrement cette année encore.

Les sans-abris du camp Eugène Imbs ou de l’école Saint-Jean sont-ils exclus des dispositifs d’hébergement parce qu’ils sont étrangers ? Le code de l’action sociale et des familles dispose, dans son article 345-2 : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. » Ainsi l’hébergement d’urgence est inconditionnel en France. Monsieur le Préfet, que font donc ces enfants à la rue ?

Mais voilà, la préfecture n’a toujours pas ouvert un seul gymnase. En matière d’hébergement d’urgence, l’État n’a pas d’obligation de résultat. Mais force est de constater que l’obligation de moyens n’est pas respectée. Selon nos informations, la première phase du plan « grand froid » n’a permis que l’ouverture de 13 places d’hébergement supplémentaires…

Un silence glaçant

À moins que la situation actuelle ne soit que l’application d’une doctrine nouvelle ? Le refus d’héberger des êtres humains sans abri par grand froid viendrait-il de la hausse des expulsions d’étrangers exigée par le ministre de l’Intérieur lors d’une réunion en octobre 2024 ? Serait-ce la suite logique de la déclaration du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur l’État de droit, qui ne serait « pas intangible, ni sacré » ?

Si la disparition de l’hébergement inconditionnel en France est désormais officielle, il conviendrait de sortir de ce silence glaçant monsieur le Préfet. Et si ce n’est pas le cas, que font ces enfants à la rue ?


#Hébergement d'urgence

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