Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Le ministre de la Ville découvre l’Elsau à quatre mois d’une réunion cruciale pour l’avenir du quartier

Dans la matinée du lundi 7 janvier, le ministre de la Ville et du Logement s’est rendu dans le quartier de l’Elsau à Strasbourg. Face à des habitants souvent désabusés, Julien Denormandie a annoncé la réunion du comité d’engagement de l’Agence nationale du renouvellement urbain (Anru) pour la fin mars. À cette date, le projet de rénovation et son financement pourraient être arrêtés dans leurs grandes lignes.

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Le ministre de la Ville et du Logement s’est rendu dans le quartier de l’Elsau dans la matinée du lundi 7 janvier. S’ils attendaient une quelconque promesse concrète, les Elsauviens ont de quoi être déçus… Cette visite de Julien Denormandie n’a donné qu’une annonce : le comité d’engagement de l’Agence nationale du renouvellement urbain (Anru) se réunira à la fin du mois de mars pour entériner le projet de rénovation évalué désormais à 150 millions d’euros (et non plus 186 comme cet été).

Dans quatre mois, les grandes lignes du chantier et son financement seront donc arrêtées. Une étape cruciale, certes, mais trop abstraite pour des habitants qui demandent depuis des années des réponses face au manque de services de proximité, l’insécurité, le chômage des jeunes et l’insalubrité de certaines logements.

Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, face aux acteurs associatifs locaux au centre socioculturel de l’Elsau. (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)

« Pouvoir rentrer chez soi »

Au collège Hans Arp, le ministre a exprimé son souhait « d’élargir la bulle » dans laquelle vivent les Elsauviens. Première erreur d’appréciation. De nombreux habitants du quartier ne veulent pas du « désenclavement » promis par les pouvoirs publics. Ils craignent l’arrivée d’une nouvelle route et de nombreuses voitures au cœur d’une zone où le trafic reste apaisé. Une enseignante de l’établissement critique aussi cet objectif :

« J’enseigne l’histoire-géographie depuis huit ans ici. C’est bien beau de vouloir élargir la bulle. Mais je ne sais pas si vous avez vu les cages d’escalier délabrées, les vitres cassées et les problèmes d’insécurité. Pour profiter de son collège, il faut déjà pouvoir rentrer chez soi, avant même de sortir de son quartier. »

Vers 11h, Julien Denormandie s’est rendu à pieds au centre socioculturel de l’Elsau. Au cours de cette « déambulation », de nombreux responsables de l’Eurométropole de Strasbourg, des bailleurs sociaux et de la préfecture lui ont présenté les rénovations à venir. En passant sous un sombre tunnel reliant le collège Hans Arp au quartier, Mathieu Cahn a décrit une nouvelle partie du projet : 1,2 million d’euros seront dépensés pour éclairer et élargir ce passage emprunté tous les jours par les collégiens.

Pendant moins d’une heure, Julien Denormandie s’est rendu compte du fort besoin de rénovation urbaine dans le quartier de l’Elsau. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Dialogue de sourds

Face aux membres du conseil citoyen de l’Elsau, la visite ministérielle prend un air de dialogue de sourds. Julien Denormandie veut « échanger sur la question de la rénovation urbaine. » Une habitante aux courts cheveux gris demande que « l’avis du conseil citoyen soit pris en compte, avec des réponses concrètes. » Mais le membre du gouvernement vient de découvrir les grandes lignes du projet sur des plans. Il n’a rien à répondre. Mathieu Cahn (PS), vice-président de l’Eurométropole en charge du renouvellement urbain, s’en charge. Il réitère sa promesse de revenir vers le conseil citoyen fin janvier. Il devra préciser le calendrier des travaux et répondre aux revendications des Elsauviens concernant l’installation d’un distributeur automatique de billets et le retour d’un supermarché. À l’heure actuelle, les négociations autour du dernier dossier restent au point mort…

Puis le président de l’Association des résidents de l’Elsau (Arel) prend la parole. Daniel Vidot n’a guère favorisé la démocratie participative dans le cadre de la rénovation du quartier. Sa question concerne le centre commercial, vacant depuis plus de trois ans : « Est-il possible d’envisager une expropriation pour utilité publique ? » Le ministre rétorque, pessimiste : « Rien ne me paraît plus difficile qu’une expropriation… »

La visite de Julien Denormandie a des airs de coup de communication. Le ministre a martelé à plusieurs reprises les dernières mesures-phares du gouvernement à l’égard des quartiers défavorisés : aide à la recherche d’un stage de troisième, baisse du nombre d’élèves en CP et CE1 dans les quartiers prioritaires de la ville ou investissement dans la formation professionnelle des jeunes… Mais les Elsauviens attendaient des mesures précises, concernant leur lieu de vie. « On reste dans le théorique, alors que nous voulons du pratique », souffle Charles Conrad, membre du conseil citoyen.

Des avis citoyens pris en compte

Les habitants de l’Elsau ont aussi des raisons d’espérer. Ce déplacement ministériel décidé le 4 janvier, soit en dernière minute, masque des avancées intéressantes dans la prise en compte des besoins des citoyens. Les habitants des immeubles situés entre le 21 et le 29 rue Martin Schongauer ont réussi à infléchir le projet initial. Leurs logements devaient être détruits, entre autre pour créer des places de stationnement. Face à leur opposition, Philippe Bies, le président du bailleur social CUS Habitat, qui contribuera à la rénovation à hauteur de plus de 100 millions d’euros, a accepté de renoncer à ces démolitions.

De même, le projet de « maison des services publics » est inspiré des propositions du conseil citoyen. François Desrues, directeur de projet à l’Eurométropole de Strasbourg, en décrit les grands lignes :

« La maison des services publics réunira les services municipaux comme la médiathèque, l’antenne médico-sociale, la mairie de quartier et le bureau de la direction territoriale (et probablement des accès à la CAF, Pôle Emploi et à la Caisse primaire d’assurance maladie, ndlr) L’adresse d’un tel établissement reste à définir mais il se situera sans doute à l’entrée du quartier, entre le centre socioculturel et la rue Watteau. »

Julien Denormandie s’est abstenu de donner une date pour le début effectif de la rénovation de l’Elsau. « Mais certains travaux peuvent démarrer avant que le projet soit complètement finalisé », assure le ministre qui, optimiste, a ajouté : « Benoît Zeller est le directeur opérationnel de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Il était directeur pour la politique de la ville à Strasbourg (il y a deux ans, ndlr). C’est un peu le loup dans la bergerie. »


#Elsau

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