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Les départements alsaciens alertent à nouveau l’État à propos des mineurs isolés étrangers

Après la crise de 2013 sur l’accueil des mineurs isolés étrangers, qui avait été stoppé net par le Département du Bas-Rhin, la collectivité soumet une motion pour tenter d’alerter à nouveau sur ce sujet.

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En 2013, Guy-Dominique Kennel (LR), alors président du Conseil général du Bas-Rhin, avait suspendu l’accueil des mineurs isolés étrangers (MIE), une obligation du Département. Près de quatre ans plus tard, le sujet revient à l’agenda de la collectivité.

La situation est cependant moins critique qu’à l’époque. Pas de retrait du dispositif de prévu mais les nouveaux présidents haut-rhinois et bas-rhinois, Éric Straumann et Frédéric Bierry (LR tous deux), feront voter par leurs assemblées une motion élaborée en commun, sur les difficultés auxquels ils font face. Les textes appellent à « une mobilisation collective des acteurs » concernés.

Ce genre de combat institutionnel avec l’État (comme sur l’hébergement d’urgence début 2016) est difficile à appréhender sans connaitre les subtilités administratives des compétences entre les collectivités locales et l’État central, mais il aura de grandes répercussions sur les personnes accueillies.

Des mineurs de  plus en plus jeunes

Le Bas-Rhin et plus précisément Strasbourg, est un espace frontalier, un carrefour de plusieurs routes d’immigration. Le Conseil départemental a toujours été en première ligne pour accueillir les mineurs qui arrivent en France sans leur famille. Une situation difficile, qui avait menée à la crise de 2013. Finalement, une circulaire de Christiane Taubira avait alors proposé une répartition de l’accueil des mineurs étrangers entre les 102 départements de France.

Mais certains Départements ont attaqué le texte, que Frédéric Bierry juge « équilibré », et malgré son application partielle, le nombre d’arrivées d’enfants repart fortement à la hausse dans le Bas-Rhin, qui doit accueillir 1,73% des personnes qui arrivent en France.

En 2016, le conseil départemental a pris en charge 213 personnes (le vocabulaire officiel a évolué, on parle désormais de mineurs non-accompagné, MNA), contre 90 en 2010 ou plus récemment, 199 en 2013, après la première application de la circulaire Taubira. Les six derniers mois de 2016, trois fois plus de MNA ont eu besoin d’aide que l’année précédente.

Depuis janvier 2017, 85 jeunes isolés se sont déjà présentées au service, tandis que le Bas-Rhin doit s’occuper de 19 personnes issues de la répartition. À ce rythme là, ce serait 228 nouveaux arrivants à accueillir et 400 au total en 2017 selon les projections du Département.

Pour le président du Bas-Rhin Frédéric Bierry (LR) les mineurs isolés ont envie de s’insérer, mais ils ne peuvent travailler (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Des causes complexes

Cet afflux est difficile à expliquer selon le Département. Les pays d’origine des mineurs concernés sont les mêmes qu’il y a quelques années : dans l’ordre Guinée, Afghanistan, Pakistan, Algérie et Mali. Autrement dit, pas d’afflux de jeunes venus des conflits en Syrie ou d’Irak. Le démantèlement du camp de transit à Calais n’a pas eu d’impact, puisque les 15 jeunes filles qui avaient un temps transité par Strasbourg ont finalement été prises en charge par la Grande-Bretagne ou se sont avérées majeures.

En revanche, les nouveaux arrivants sont souvent plus jeunes, parfois de 15 ans ou moins pour 42% d’entre eux, là où la plupart avait entre 16 et 18 ans par le passé lorsqu’ils arrivaient.

Comme souvent en politique, il s’agit d’une question d’argent. En 2017, le Département du Bas-Rhin prévoit 5,5 millions d’euros pour l’accueil de MNA, soit 1,5 million de plus (+34%) qu’en 2016 pour faire face. Des dépenses qui grèvent les marges de manœuvres déjà étriquées du budget du Département (1,1 milliard d’euros), puisqu’il n’y a pas de compensation de l’État. Surtout, le défi des migrations politiques, mais bientôt climatique, ne fait que commencer de l’avis de son président.

L’État appelé à « prendre ses responsabilités »

Pour Frédéric Bierry, « l’État doit prendre ses responsabilités » :

« Le gouvernement décide de la politique migratoire, mais c’est nous qui devons assumer les situations personnelles. Beaucoup de personnes arrivent avec un statut de réfugié, mais lorsqu’il est refusé ils ne sont pas expulsés et arrivent chez les travailleurs sociaux avec aucun droit. »

De plus, il est difficile d’aider ces jeunes dans les conditions actuelles :

« La plupart n’ont qu’une envie, c’est de s’insérer et de bosser. Mais l’accès à un travail leur est interdit. Il faudrait un statut pour qu’ils puissent travailler. »

 


#immigration

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