Jeudi 9 décembre, P. (son initiale), découvre sur Actu.fr que les jeunes de moins de 16 ans seront soumis à un couvre feu pour Nouvel an après 22h, à Strasbourg et alentours. Une décision prise par la préfète du Bas-Rhin Josiane Chevalier pour prévenir les violences lors de la nuit de la Saint-Sylvestre. Vers 21h30, l’apprenti boulanger de 15 ans publie sur son profil Facebook :
« Josiane Chevalier, couvre feu à 22h le soir de nouvel an pour les moins de 16 ans, sérieux ? Je vous chie à la raie vous et votre couvre feu. »
Une autre personne commente : « Chevalier au fond du Rhin ». À ce commentaire, P. répond : « Au fond d’un trou dans un cimetière plutôt ».
Le lendemain, vendredi 10 décembre à 20h30, P. lance une vidéo en direct sur Facebook depuis la patinoire de Strasbourg dans laquelle il annonce :
« Mon père m’a dit de rentrer, il y a la police qui est chez moi, ils sont entrain de fouiller ma chambre suite aux commentaires et au post Facebook contre la préfète que j’ai fait. »
« Vous êtes placé en garde à vue pour menace de mort »
À 20h49, il diffuse une nouvelle vidéo en direct sur Facebook. « La police est chez moi, dans mon appartement. Je ne veux pas que mes parents subissent quelque chose de mauvais. » On le voit monter un petit escalier et franchir le pas de sa porte pour entrer chez lui.
Des policiers l’accueillent. L’un d’eux prend la parole :
« Il est 20h50, vous êtes placé en garde à vue pour menace de mort. Vous voyez de quoi je parle ? Ton téléphone, tu me le donnes. J’espère que t’es pas en train de filmer sinon ça va m’énerver. »
La vidéo s’arrête. P. est connu pour filmer régulièrement les manifestations strasbourgeoises. Il est engagé notamment contre le gouvernement actuel et les violences policières. Il publie très régulièrement ses vidéos depuis plus d’un an sur son profil personnel Facebook avec 250 « amis » et sur Snapchat. Joint au téléphone, il raconte :
« Ils ont retourné ma chambre, fouillé mon ordinateur, mon téléphone et mes cartes mémoire. J’ai passé la nuit au commissariat. Ils m’ont permis de voir un médecin et m’ont interrogé vers 11h30. Je leur ai tout dit. De toute façon, c’était sur Facebook. On a supprimé mon post et les commentaires à ce moment là. Je suis ressorti vers 14h30, après presque 18 heures de garde à vue. »
« Des insultes sur les réseaux, il y en a des milliers tous les jours »
Le jeune homme est libéré avec une convocation, que Rue89 Strasbourg a pu consulter, pour un « jugement devant le juge des enfants » le 5 janvier. Il est poursuivi pour « menace de mort » et « injure publique » à l’encontre de Josiane Chevalier, préfète du Bas-Rhin. Me Emmanuelle Florentin, qui le représentera, n’a pas souhaité répondre à nos questions, même chose pour la police nationale.
P. s’étonne des conséquences de ses propos :
« J’ai dépassé les limites de la liberté d’expression, ok. Mais perquisitionner un jeune chez sa famille, à 21h un vendredi soir, je pense que c’est abusé. C’est choquant pour mes parents. Des insultes sur les réseaux sociaux, il y en a des milliers tous les jours. J’ai sincèrement l’impression qu’ils voulaient me faire taire parce que je suis un militant. »
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