Un film hypo-gondriaque?
Réaliste mais plus léger que The We and the I (2012), très simple en apparence relativement à The Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) mais doté de personnages à la psychologie complexe, le teen-movie de Gondry s’avère au final très accompli. Pas de surenchère de l’onirisme ou d’effets spéciaux comme dans L’écume des Jours (2013), ni d’exagération du genre carton-pâte comme dans Soyez sympas, rembobinez (2008), ce dernier opus est en définitive « gondrissime » parce que le style autobiographique y résonne de partout.
La Bande-Annonce
L’image très travaillée rime avec la douce musique des sentiments fragiles aux accents ultras sensibles de la découverte de l’amour et de l’amitié. Sur la route des bricoleurs de l’existence, le chemin se fait dans le décor des plus beaux livres de notre enfance, et l’histoire de ces deux adolescents profondément attachants, s’érige en une fable universelle pleine de poésie.
Une crise d’adolescence aigre-douce centrée sur l’enfance
Contrairement à ce qui est représenté dans tant de films sur l’adolescence à l’usage des grands, dans Microbe et Gasoil, le cadre scolaire, les camarades de classe et les parents restent relativement secondaires dans le récit. Les parents de Daniel sont gentils, ouverts, mais lourdingues. Ils sont instruits et cultivés mais tellement à côté de la plaque.
Alors que Théo apparaît comme plus assuré et plus entreprenant, sa famille est plus bancale que celle de son ami : ses parents s’avèrent moins compréhensifs, voire méchants. Son frère a vécu sous l’emprise de l’alcool, et sa mère malade deviendra vite source de culpabilité.
Pour Gondry, les problèmes des parents existent mais ils ne doivent pas se confondre avec ceux de leur progéniture qui grandit et cherche à s’en émanciper. Le message est clair : les enfants ne pourront rien résoudre pour leurs aînés, car l’adolescence les enferme sur eux-mêmes et les confine dans un espace-temps qui les propulse hors de la réalité ambiante. Ils ont déjà bien à faire en cherchant à se détacher de leur cadre, ou à tenter de le fuir.
Prendre la route dans sa maison-mobile et ne jamais la rendre !
Le kitchissime mobile-home que Théo et Daniel se sont construit de toutes pièces, représente le fantasme que nous avons tous : partir au loin, vers nulle-part ou à la rencontre de nos souvenirs, avec notre maison sur le dos. L’entrée escamotable en fait un abri qui ne contient que le nécessaire, dépouillé de tout ce que le quotidien oblige à porter et à supporter.
Il ne s’agit pas de refaire le monde ou de le changer, mais bien de construire son propre univers afin d’y trouver refuge. Grandir c’est partir, s’éloigner, se perdre et chercher sa route. Changer quelque chose en soi, devient avant tout voir ailleurs, croiser d’autres nomades, et se confronter à ce qui nous permettra de raconter ce que nous sommes autrement.
Amour et amitié comme horizon de toute trajectoire
L’adolescent est ambivalent ; il résiste à la pression familiale et sociale, mais il est aussi prêt à tout pour briser la solitude dans laquelle ses questions existentielles et les changements de son corps l’enserre progressivement. Pour Théo, le refuge se trouve dans l’amitié quand elle se fait projet et projection hors de soi. Il s’agit de repenser l’ordre du monde et d’analyser l’interdépendance des relations humaines par la présence de l’autre.
Pour Daniel, l’urgence réside encore dans le besoin de résoudre les mystères du corps et du temps qui le transforme. Son apparence en fait un être transgenre : il n’est ni un adulte ni vraiment un enfant, mais il n’est pas plus un homme qu’il ne pourrait être une femme. Il entretient la confusion pour mieux saisir son essence, et rêve au grand amour qui lui révélera la nature de cette enveloppe encombrante dont il est le moteur.
Les angoisses de la finitude irréductible de l’humain qui traversent constamment Daniel donnent au héros de ce périple l’occasion de dépasser son narcissisme en lui donnant une forme universelle. Soucieux de sa représentation, notre Microbe cherche son image au bout de ce crayon qui croque son entourage et fait vivre ses questions.
Tel est aussi le travail de Gondry, éternel rayon de soleil du cinéma, insolent et irrésistible adolescent qui a fini par grandir dans sa machine à fabriquer des rêves, des fables et tant d’univers si poétiques.
A voir à Strasbourg aux Cinémas Star et à l’UGC Ciné Cité.
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