Il y a quelques mois, l’usine mastodonte de camions Mercedes à Woerth en Allemagne a annoncé avoir besoin de mille salariés supplémentaires. Or trouver ces employés en Rhénanie-Palatinat, où le taux de chômage oscille entre 3 et 4% relève de la gageure. Du coup, Mercedes s’est tourné en janvier vers les terres alsaciennes et ses 8% de chômeurs dans l’espoir de pouvoir combler ce manque.
Le centre de formation de Woerth est venu présenter ses attraits auprès de trois établissements scolaires alsaciens en janvier en présentant aux élèves tous les avantages qu’ils auraient à postuler en Allemagne. L’initiative a été plutôt mal perçue par les entreprises industrielles alsaciennes, qui rament aussi pour trouver leurs nouveaux employés et apprécient modérément qu’on vienne ainsi chasser sur leurs terres.
C’est Jean-Marie Joeger, un ancien cadre de Mercedes, qui a organisé l’opération:
« Effectivement, nous sommes allés présenter la filière Mercedes auprès de lycéens alsaciens. Les Alsaciens ont une bonne réputation en Allemagne, et d’ailleurs, c’est un Alsacien de Wissembourg qui a remporté en décembre le premier prix mécanique en Allemagne (l’équivalent du Meilleur ouvrier de France), Sacha Zimmermann, actuellement employé à l’usine de Woerth. On s’est aperçus qu’il y avait 2000 frontaliers français parmi les 12000 employés de l’usine de Woerth, mais seulement 1% d’Alsaciens parmi les apprentis du centre de formation. On est donc venus leur présenter ce centre mais je doute qu’on ait réussi à convaincre des jeunes qui ne se destinaient pas déjà à une carrière en Allemagne. »
Guy Borg, secrétaire général de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), confirme l’extrême tension sur ces compétences:
« Cette année, il a manqué 40 apprentis à notre Centre de formation (CFAI). D’un côté, il y a le chômage des jeunes, qui reste préoccupant, et de l’autre, des compétences très recherchées comme soudeur, usineur, chaudronnier… Nous aussi nous menons des actions collectives auprès des lycées alsaciens pour valoriser l’apprentissage industriel, mais nous sommes victimes d’une mauvaise image. Jamais dans les médias on ne montre une belle pièce mécanique ! Et pourtant, le TGV, c’est de la métallurgie. »
Chez Eiffage à Lauterbourg, 280 salariés, la directrice des ressources humaines (DRH) Simone Bogner préfèrerait que chacun reste chez soi:
« Je comprends les soucis de Mercedes, mais ils n’ont qu’à chercher leurs apprentis chez eux… Nous organisons beaucoup d’actions auprès des lycées et collèges de la région, c’est vital pour attirer des jeunes. Bon, Mercedes demande quand même des niveaux assez forts en allemand, ce qui empêche une fuite trop importante vers l’Allemagne. Et puis pour l’instant, la filière d’apprentissage est loin d’être opérationnelle sur l’aspect transfrontalier. Et heureusement d’ailleurs, parce que sinon, ce serait à nous de les former et ils iraient travailler en Allemagne. Trop facile ! »
Même l’usine de Mercedes à Molsheim, 560 salariés, subi cette concurrence effrénée, selon Estelle Oehri, la DRH de cette usine de transformation:
« Actuellement, nous sommes à la recherche de cinq salariés. Il va falloir qu’on lance une campagne de recrutement et faire de la publicité à la radio, parce que sinon, on ne les trouvera pas. On est aussi allés voir les entreprises en difficulté pour savoir s’ils seraient d’accord pour nous prêter les leurs. »
La bonne idée serait peut-être d’aller recruter en Allemagne ?
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