Le banquier Michel Lucas, le professeur Jacques Marescaux, l’industriel Pierre-Étienne Binschedler… Les « mentors » choisis pour accompagner la candidature de Strasbourg et Mulhouse au label French Tech, qui doit reconnaître les territoires innovants du monde numérique, ne sont guère représentatifs de l’univers des start-ups.
Le dossier de candidature au label French Tech du pôle métropolitain Strasbourg – Mulhouse doit être présenté à la presse ce mardi, en présence d’une partie de ces onze « mentors ». L’enjeu est d’importance puisque Strasbourg a raté la première phase de labellisation, qui a consacré tout de même 9 des 11 métropoles de France. Le retard pris par le dossier alsacien s’explique en partie par la volonté d’associer les deux agglomérations à cette démarche, une stratégie d’union qui a généré quelques couacs au démarrage et qui n’a pas porté chance aux Lorrains.
Mais surtout, la candidature alsacienne peine à trouver dans son écosystème de l’industrie numérique quelques étoiles filantes qui pourraient servir d’exemple à suivre. Du coup, le comité de pilotage (composé entre autres des universités, des pôles de compétitivité…) a demandé à ses membres de proposer des noms pour donner un peu de lustre au dossier alsacien. Le résultat est à l’image de la région.
La liste des mentors de French Tech Alsace
- Pr Jacques Marescaux, docteur en chirurgie et fondateur de l’Ircad (Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif), spécialiste de la télé-chirurgie,
- Michel Lucas, président de la fédération du Crédit Mutuel Centre-Est Europe (CMCEE),
- Corinne Spilios, directrice de l‘usine de Mulhouse de PSA (Peugeot),
- Pierre-Étienne Bindschedler, P-DG de Soprema, une entreprise internationale basée à Strasbourg spécialisée dans l’étanchéité,
- Véronique Cayla, présidente d’Arte,
- Patrick Rein, P-DG d’Activis, agence web à Mulhouse,
- Ivan Steyert, P-DG de Socomec, équipements électriques à Benfeld.
- Étienne Leroi, directeur général de NSC Schlumberger, équipement industriel pour la production de fibres textiles,
- Marie-Josée Navarre, directrice du développement stratégique chez Lohr Industrie,
- Thierry Meynle, dirigeant de Divalto, entreprise proposant des logiciels de gestion à Strasbourg,
- Alfred Jung, directeur technique de Clemessy, groupe proposant des équipements pour centrales électriques établi entre autres à Colmar et Mulhouse,
Des profils pour un peu tous les secteurs
Mis à part Patrick Rein et Thierry Meynle, le numérique est plutôt absent de cette liste de « mentors », ce qui n’a pas manqué d’interroger. Le Pr Marescaux doit sa présence à la notoriété mondiale de ses formations à la télé-médecine et à son implication dans les start-ups médicales. La santé connectée est le premier axe que devrait porter la candidature French Tech Alsace, avec notamment le bâtiment PH8 qui a vocation à accueillir ces start-ups au milieu du site de l’ancien hôpital civil.
Président du Crédit Mutuel et patron de presse (dont les DNA, L’Alsace, l’Est Républicain…), Michel Lucas est issu de l’informatique bancaire. Il fait partie des mentors parce qu’il a des ressources financières infinies (le Crédit Mutuel a bouclé 2013 avec un bénéfice net de 2 milliards d’euros) et qu’il soutient une série de start-ups, comme Fivory, du « shopping connecté ». Approché par les élus porteurs du dossier, Michel Lucas a indiqué qu’il ne viendrait que « s’il y a de la valeur, y compris pour moi. » Voilà donc tout le monde prévenu.
La présence de la directrice d’Arte est plus difficile à expliquer. Certes, la chaîne franco-allemande n’est pas la dernière sur le numérique, elle a notamment publié de nombreux web documentaires remarqués (comme Prison Valley ou Fort Mc Money), des reportages interactifs comme Réfugiés, et publie de nombreux contenus entièrement consacrés au web (comme Arte Creative) mais son rôle dans l’univers des start-ups reste à éclaircir. Quant à Pierre-Étienne Bindschedler, il doit apporter tout son poids industriel, considérable, à la filière d’excellence sur les matériaux du futur, que porte notamment l’Université de Strasbourg.
Les pôles de compétitivité alsaciens comme Alsace ÉnergieVie et véhicule du futur ont eux aussi poussé leurs champions, ce qui aboutit à cette liste finale très hétéroclite. On est très loin de l’exemple bordelais, agglomération labellisée dès le premier tour et où les « ambassadeurs » sont tous issus de l’univers du numérique. Un observateur du dossier remarque :
« Le dossier French Tech alsacien est très politique. Les élus sont très impliqués, ce qui explique que les « mentors » aient tous des profils de poids-lourds. Mais la décision finale à Paris ne se fera pas sur cette liste. »
La French Tech Alsace pour l’entreprise du futur ?
La décision finale, prise par le ministère de l’Économie, consacrera une stratégie cohérente, d’envergure, et mobilisant tous les acteurs de l’économie numérique. Mais l’Alsace a du mal à choisir. Les trois axes du dossier French Tech seront la mobilité (avec le pôle véhicule du futur, Peugeot, Lohr Industries), la santé (avec le PH8, l’Ircad, etc) et le bâtiment du futur (avec ÉnergieVie, Soprema, Socomec, etc), ce qui fait beaucoup de pistes à suivre.
Mais ce qui pourrait réunir tous ces acteurs, c’est leur implication vers l’usine connectée, aussi appelée usine 4.0. Sur ce dossier, dont les implications sont infinies, l’Alsace dispose d’une véritable légitimité en raison de son histoire industrielle, et du poids que représente encore l’industrie dans son économie. Elle dispose aussi de quelques pépites dont certains dirigeants sont présents dans la liste des « mentors ». Ce serait aussi l’occasion de réconcilier l’économie traditionnelle avec l’économie numérique. Un beau défi.
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