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Médecine et technologie : n’oublions pas l’Homme !

Hier je lisais un article parlant de soigner les malades avec des ordinateurs. Science fiction ? Non , plus vraiment, les recherches de mathématiciens sont entrain de nous amener vers des horizons que l’on imaginait que dans des livres ou des films d’anticipation. Mais la médecine se résume-t-elle à la technique diagnostique et thérapeutique aussi géniale soit-elle ? Quelques exemples.

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Un scanner (Photo limp2 / FlickR / CC)

Madeleine est venue consulter mardi soir pour une rhino-pharyngite. Je me souviens bien d’elle , elle est la mère d’une de mes patientes et elle est de passage à Strasbourg. Elle était venue une première fois, il y a deux ans déjà,  pour un de ses petits-enfants qu’elle gardait. Madeleine m’avait marquée, parce qu’elle craignait les téléphones portables à l’époque, un médecin lui ayant dit qu’ils étaient dangereux avec son pace-maker. J’avais ri et lui avais dit de s’en acheter un si cela lui faisait plaisir. Pas de problème avec son pace-maker.

En fait ce mardi soir, elle esquisse un sourire un peu forcé et semble très fatiguée. Je l’examine, remarque qu’elle se néglige, elle est mal fagotée, pas maquillée alors que cette jolie femme de 60 ans était très pimpante la dernière fois que je l’ai vue. Je lui demande si elle vient pour garder ses petits-enfants : c’est les vacances. Et là de m’expliquer que son mari a une grosse tumeur pulmonaire métastasée au cerveau,  que son état s’est considérablement dégradé et qu’il ne peut plus marcher. Il est hospitalisé à Strasbourg pour une biopsie cérébrale.

En fait Madeleine va mal, elle est en détresse. Depuis plusieurs semaines, elle a du faire face à la dégradation lente et inexorable de l’état de son mari, qui ne marche plus et se grabatise complètement . Elle sortira de ma consultation avec une lettre pour un psychiatre (si elle a le temps d’y aller) et un traitement anti-dépresseur. Pour la rhino-pharyngite : de la poudre de perlinpimpin suffira.

Si la même situation s’était présentée devant un ordinateur-médecin, que se serait-il passé ? Le programma aurait analysé les symptômes et aurait probablement diagnostiqué une belle rhino-pharyngite. Une prescription idoine et circulez, il n’y a rien à voir.

Mathias en a plein le dos, comment le détecter ?

Mathias, lui,  a mal au dos depuis plusieurs semaines. Il a pris rendez-vous pour faire le point et traiter ce mal de dos qui lui pourrit la vie. Je l’examine : pas de signe de gravité , pas de sciatique juste une contracture lombaire douloureuse. Il n’a jamais eu mal au dos auparavant. Après l’examen,  je lui demande une nouvelle fois s’il a fait quelque chose de particulier qui puisse déclencher ses symptômes , il m’assure que non.

Puis après une pause, il  m’explique qu’il est fatigué par sa vie. Non, mais carrément sa vie… Plein le dos en somme. Une radio du dos ou un scanner peuvent-ils détecter cela ? J’en doute vraiment. Mathias bosse beaucoup, dur. Il a une profession libérale, rentre chez lui tard le soir, tout le monde s’en fout, et personne ne reconnaît la valeur de son travail. Il prendra un traitement pour ses lombalgies bien sûr, mais quid de son mal être ? Sera-t-il détecté par les examens high-tech ?

Rachid, lui, a 50 ans, il  est venu me consulter pour des douleurs des jambes à la marche en janvier.  Il claudique, c’est à dire qu’il marche 50m et il est obligé de s’arrêter en raison de douleurs des mollets. Rachid a de gros problèmes de santé depuis des années. Il est diabétique, très mal équilibré, il mange vraiment n’importe quoi, et surtout il fume énormément. Il fera successivement écho Doppler des artères des membres inférieurs où l’on détectera une artérite très sévère des artères iliaques (artères bouchées à 90%) , l’examen sera complété par une angioIRM (IRM où l’on va surtout voir les artères)  qui confirmera les lésions. Enfin, il sera opéré par un cador de la chirurgie vasculaire avec un mini robot. Toute la technologie moderne aura été mise au service de son traitement.

L’outil remplace le praticien

La médecine a fait des progrès époustouflants  ces dernières années, plus que pendant les siècles qui ont précédé . Les ordinateurs, scanners, IRM, pet-scan, et autre scintigraphies, coroscanners, robots chirurgicaux sont des outils extraordinaires dont on ne pourrait plus se passer. Mais il ne faut pas oublier que l’on traite l’être humain, d’une complexité absolue et d’un fonctionnement extrêmement délicat.

Quid également de la télémedecine que l’un de mes confrères (impliqué dans son développement)  vantait lors d’une soirée à thème ? J’imagine bien son utilité lorsque patients et médecins sont éloignés, mais imaginer le même système pour une consultation de médecine générale me semble illusoire. Proposer sa généralisation est tentant pour les économies réalisables, mais je ne peux imaginer un autre moyen de communication plus direct que la consultation en tête à tête avec le malade. Examiner un malade, le palper, parler avec lui entraînent une proximité qui permet à celui-ci d’exprimer ses craintes et son mal-être le cas échéant .

La clinique et l’entretien singulier avec le patient me semblent rester, malgré tout ces progrès, les piliers fondamentaux d’une médecine efficace et humaine. La technologie ne restant quelque soit la pathologie qu’un moyen d’arriver à diagnostiquer et à soigner. La mettre au premier plan serait une erreur fondamentale.


#médecine

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