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Marchés publics : tempête dans les téléphones de la CUS

La CUS change son système de téléphonie. Après une procédure d’appel d’offres qui a duré deux ans, la collectivité a choisi finalement une solution plus chère de 50%, sans pour autant expliquer ce choix. Du coup, la société arrivée deuxième conteste en justice la préférence de la CUS, l’accusant d’avoir violé les règles du code des marchés publics.

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Hold all my calls (Photo Furryscaly / FlickR / CC)

Il était question de gros sous vendredi au tribunal administratif de Strasbourg. Devant le juge des référés précontractuels, la société Aastra contestait l’attribution d’un marché de renouvellement de téléphonie à la société NextiraOne par la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS). Aastra s’étonne que son offre, moins chère de 400 000€ sur un marché d’environ un million d’euros, ne soit arrivée que deuxième lors de l’attribution alors qu’elle est techniquement équivalente à celle de son concurrent. Aastra a demandé la grille de notation à la CUS, pour savoir où elle avait péché mais la CUS a refusé de lui fournir. L’action devant le juge des référés vise à obtenir cette fameuse grille de notation, comme l’explique Bernard Etchenagucia, directeur général d’Aastra France :

« Je ne suis jamais allé en justice auparavant quand Aastra perdait un marché. Mais là, on a un écart de prix de 50% sur de la téléphonie sur IP pour une administration, c’est injustifiable. Ces offres sont matures et les écarts de prix sur ces marchés sont très très serrés… Et si un compétiteur a le moindre sentiment qu’il pourrait perdre à cause du critère prix, il s’aligne. Donc pour avoir une telle différence au final, c’est que NextiraOne savait qu’il serait l’attributaire dès le départ. C’est pourquoi on demande à la CUS de bien vouloir nous donner la grille de notation. »

C’est vrai qu’en ces temps de disette de la dépense publique, le choix de la CUS peut paraître surprenant. Dans un fax daté du 4 avril, la CUS répond à Aastra que la société a perdu à cause de sa note technique, qui compte pour 60% de la note finale (le critère prix composant les 40% restant).

Mais les explications avancées par la CUS surprennent, notamment lorsque la collectivité met en doute les capacités de l’intégrateur d’Aastra, la société strasbourgeoise Atelio. Car cette dernière a installé la solution de téléphonie actuellement utilisée par la CUS en 1995, et qu’elle est titulaire de tous les contrats de maintenance depuis. Son PDG, Silvano Trotta, précise :

« Atelio vient d’intégrer le Top100 des entreprises intégratrices de télécoms en France. Nous installons des solutions de communications bien plus complexes que celle qui concerne la CUS régulièrement. Alors que nous sommes au coeur de la téléphonie de la CUS depuis plus de 15 ans sans problème, nous faire un procès en incompétence montre que la CUS ne sait plus quoi dire pour justifier son choix. »

Une maintenance près de deux fois plus chère

Autre souci, la maintenance de la nouvelle installation sera facturée 265 000€ par an pendant 10 ans par NextiraOne alors qu’elle n’aurait coûté que 137 000€ par an via Aastra, soit une différence de 1,28 M€ sur dix ans quand même… A nouveau les mêmes questions se posent : les écarts de prix sont-ils justifiés par des performances ou des fonctionnalités supérieures ? Contactée, la CUS se retranche derrière un prudent « le dossier est en justice, on ne communique pas. »

Des fonctionnaires proches du dossier précisent néanmoins que la solution de NextiraOne, basée sur du matériel Alcatel, est plus éprouvée et qu’une différence de 400 000€ sur une installation prévue pour durer 15-20 ans n’est pas énorme. Quant au silence sur la grille de notation, il s’expliquerait pas la volonté de la CUS de ne pas donner à Aastra la possibilité de contester point par point des dizaines de critères, ce qui repousserait de plusieurs années le déploiement du nouveau système.

Mais d’autres fonctionnaires ont été étonnés des notes techniques finales attribuées à Aastra, d’autant que les phases de maquettages (tests de déploiement sur un petit nombre de postes) se seraient mieux déroulées selon eux pour Aastra que pour NextiraOne.

Si Aastra réagit fermement, c’est aussi parce que cette affaire dure depuis plus de deux ans. Lorsqu’en 2009, la CUS décide de faire évoluer sa téléphonie vers une architecture IP (qui permet de lier la téléphonie à l’informatique), elle décide de passer par une procédure appelée « dialogue compétitif » (délibération du 22 septembre 2010, point 11). Cette forme d’appel d’offres permet aux compétiteurs de faire évoluer les besoins exprimés par la CUS, les échanges sont donc permanents entre les parties. A titre d’exemple, la CUS avait prévu 1,9 M€ pour cet équipement…

Or la CUS reproche à Aastra un « manque de clarté » sur certaines fonctionnalités. Un reproche impossible à faire selon l’avocat d’Aastra, Me Alexandre Ciaudo, car la CUS  se doit de poser autant de questions que nécessaire à un compétiteur afin d’évaluer son offre. De son côté, la CUS répond dans son mémoire en défense que les mêmes questions ont été posées à tous les compétiteurs, dans un souci d »équité de traitement.

Le juge des référés doit rendre son délibéré dans 15 jours. Il ne se prononcera pas sur le choix de la CUS, qui sera éventuellement discuté lors d’une affaire au fond, mais sur les manquements aux obligations de publicité et de concurrence relevés par Aastra.


#CUS

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