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Le 15 juin, une marche des visibilités divisée sur l’engagement contre l’extrême droite

Samedi 15 juin 2024, la marche des visibilités strasbourgeoise devrait réunir jusqu’à 20 000 personnes. Un cortège que l’organisateur veut « apolitique ». D’autres associations et collectifs assument un engagement contre le Rassemblement national.

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Marche des visibilités à Strasbourg en 2022.

Désormais traditionnelle dans le paysage militant strasbourgeois, la marche des visibilités (Gay Pride en anglais) a lieu le samedi 15 juin à partir de 13h30. Le départ de la manifestation est prévu à 14h place de l’Université. L’itinéraire de la marche passe par les places d’Austerlitz, Kléber et de la République avant de trouver sa destination finale place de l’Université.

Une pride rattrapée par la menace RN

Dissolution de l’Assemblée nationale oblige, les quinze associations et collectifs participants mettront en avant leur opposition au parti d’extrême droite du Rassemblement National (RN). Pour rappel, le parti d’extrême droite n’hésite pas à s’allier au Parlement européen avec des partis ouvertement homophobes et transphobes. Lors de sa campagne de 2017, Marine Le Pen promettait ainsi d’abroger le mariage pour tous. La fille de Jean-Marie Le Pen s’opposait à l’adoption par des parents de même genre ainsi qu’à la PMA pour les couples de femmes.

En Italie, le gouvernement de Giorgia Meloni, représentante du parti d’extrême droite Fratteli d’Italia et proche du RN, a tenté peu après son arrivée au pouvoir en 2022 d’interdire rétroactivement à deux femmes de pouvoir être mères du même enfant. Une initiative finalement retoquée par les tribunaux.

Pour l’édition 2024 de la marche, un petit train sera à disposition des personnes à mobilité réduite et handicapées, pour qui manifester « peut être difficile ». Une traduction en langue des signes des discours est aussi mise en place, encore une fois pour favoriser l’inclusivité.

Des collectifs contre l’extrême droite

Aux commandes de ce train, l’association Les audacieux et audacieuses, qui œuvre pour les séniors LGBTQIA+. « Ils se sont battus pour nos droits. On ne veut pas qu’ils retournent au placard. Donc on leur permet de participer », souligne Christophe Dercamp, coordinateur national de l’association :

« Nous avons signé la tribune de la fédération des centres LGBTQIA+ contre l’extrême droite, car nos identités sont en danger. On le voit en Italie. On le voit dans les tribunaux en France où certaines personnes disent avoir hâte de pouvoir nous casser la gueule. Nous accompagnons des personnes qui ont été agressées, qui ont vécu cette douleur. Donc il faut arrêter de fantasmer Jordan Bardella et réveiller les consciences sur ce que signifie voter pour l’extrême droite, concrètement. »

Christophe Dercamp se dit préoccupé. « Nous travaillons sur une maison de la diversité à Lyon. On aimerait faire la même chose à Strasbourg », explique-t-il : « Qu’arrivera-t-il à ces projets si l’extrême droite passe ? » Il estime qu’il est compatible de marcher pour défendre des identités tout en marchant contre des « valeurs nauséabondes » : « On demande juste à vivre notre différence. On ne gêne personne… »

« Une marche politique, par définition »

Sur et autour du char de l’association Hêtre, venue tout droit de Mulhouse et œuvrant en soutien des personnes LGBTQIA+, les messages politiques seront présents et militants. « Par définition, participer à une marche des visibilités, c’est politique », assène Odile Renoir, la présidente de l’association :

« Nous avons eu peu de temps pour préparer les pancartes, car le temps est court et les gens travaillent. Mais notre position est d’être vindicatifs, d’être politiques, de manifester contre l’extrême droite et contre le Rassemblement National, puisqu’il faut les nommer. »

À plus de 70 ans, la militante n’a pas peur de prendre position. « Je fais partie d’une famille queer. Ce sont mes enfants, mes petits enfants que je défends, soutient-elle, bien sûr que je me sens concernée par cette menace de l’extrême droite. »

Un cortège distinct de celui des syndicats

Après le départ de la marche des visibilités, un cortège syndical prendra sa suite contre l’extrême-droite. Pour Flora Giros, présidente de la Station LGBTI Alsace, basée à Strasbourg, la convergence des luttes est une évidence. « La première pride était une émeute et nos marches étaient protégées par les syndicats, à l’origine », détaille-t-elle :

« Nous sommes apartisanes mais pas apolitiques, car toute pride est politique. Toute l’année, on doit déconstruire les idées de l’extrême droite lorsqu’on fait des ateliers dans les écoles, pour protéger les jeunes qui sont rejetés par leurs familles. L’extrême droite veut nous retirer des droits. Le gouvernement en place lui organise une élection pour lui laisser la place. Bien sûr que nous nous mobilisons contre, c’est une nécessité absolue. »

Sans appeler à voter pour un parti en particulier, Flora Giros explique le travail d’éducation que les militantes et militants effectuent même en dehors de la période électorale. « On informe sur les groupes parlementaires, ce qu’ils font pour nos droits, et c’est le Front populaire qui en fait le plus », précise-t-elle. Avant de préciser comprendre que certaines personnes puissent être tentées de rester neutres :

« Mais il faut garder en mémoire qu’en Allemagne dans les années 30, il y avait des personnes LGBT qui soutenaient les nazis au début. Ils n’ont pas fini moins vite que les autres dans les camps. »

« Nous n’appelons pas à voter pour tel ou tel parti »

Président du collectif FestiGays, Matthieu Wurtz tient cependant à l’indépendance de sa structure vis-à-vis des partis politiques :

« Nous n’appelons pas à voter pour tel ou tel parti. Nous ne donnons pas de consigne de vote. Mais nous incitons les participantes et participants de la marche des fiertés à se poser la question de la place des personnes LGBTQIA+ dans les programmes politiques. »

Selon le président, l’essentiel de la marche des fiertés est de donner de la visibilité à la communauté, en dehors du spectre politique. « Notre but est de fédérer », souligne-t-il, insistant sur la diversité des engagements militants au sein même de la communauté LGBTQIA+.

L’association l’Autre Cercle Alsace (qui milite pour l’inclusion des personnes LGBTQIA+ au travail) se définit comme « apolitique ». Par écrit, son président Jean-François Lehougre, précise :

« C’est pourquoi, nous tenons à maintenir notre neutralité vis-à-vis de toute prise de position politique, qu’elle qu’en soit l’origine et la destination. »


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