Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Entre Famas et allées désertes, drôle d’ambiance au Marché de Noël

L’état d’urgence fait planer un drôle de calme sur les premiers jours du marché de Noël. Pour les visiteurs qui ont bravé la peur et les dispositifs de sécurité, c’est l’occasion de profiter d’une ambiance de Noël particulière, sans jouer des coudes, entre les gilets pare-balles et les fusils d’assaut.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Patrouilles et foule éparse, drôle d’ambiance au Marché de Noël 2015 (Photo CG / Rue89 Strasbourg / cc)

La capitale de Noël semble tourner au ralenti quelques jours après l’ouverture du marché de Noël. La Ville de Strasbourg et la préfecture ont multiplié les mesures de sécurité pour prévenir tout mouvement de foule en ces temps de psychose post attentats du 13 novembre.

Mais pour l’heure, de foule, il n’y en a pas. Au contraire, une impression de très grand calme saisit le visiteur, mardi après-midi dans le centre-ville de Strasbourg. Les militaires surarmés, les policiers nationaux et municipaux croisent les badauds dans les rues. Parmi eux, personne pour contester les mesures de sécurité, ni même leur ampleur. Les clients des grands magasins se plient sans broncher aux contrôles systématiques des sacs à l’entrée. «Il faut bien ça.»

Sur la place Kléber, les visiteurs continuent de se recueillir à la mémoire des 130 victimes des attentats de Paris du 13 novembre. (Photo CG / Rue89 Strasbourg / cc)

Sur la place Kléber, la statue du général de la Révolution transformée depuis les attaques parisiennes en lieu de recueillement à la mémoire des 130 victimes, attire autant les visiteurs que le grand sapin, illuminé quelques dizaines de mètres plus haut.

Parfois, le passage d’un groupe de touristes étrangers vient réveiller la place pour quelques minutes. Tom Anthony est venu d’Inde avec sa famille. Strasbourg est une étape dans leur séjour en France. Comme toutes les personnes croisées au cours de notre promenade, le père de famille indien n’a subi aucun contrôle lors de sa visite du centre-ville. Et la présence des forces de l’ordre le rassure mais ne l’impressionne pas. « Là d’où nous venons, la pression sécuritaire est bien plus forte. Nous n’aurions pas pu traverser une telle place sans nous faire contrôler…»

Quelques touristes se photographient devant de grand sapin. (Photo CG / Rue89 Strasbourg / cc)

« Comme dans les pays de l’Est dans les années 1960 »

Plus loin, les bouquinistes font grise mine. « La fréquentation n’a aucun rapport avec les autres années. Les gens ont peur de venir, ils se disent qu’on ne sait jamais », se désole Francis. « On se croirait dans les pays de l’Est dans les années soixante.» Son collègue confie que les policiers font du zèle et exigent parfois de contrôler les caisses de livres rangées sous les stands.

Malgré leurs badges donnés par la Ville, les marchands ne peuvent pas approcher leurs camions avant 20h pour remballer. La veille, l’un d’entre eux a quand même tenté le coup et s’est fait poursuivre par les policiers.

Francis, bouquiniste, a du mal à faire valoir son badge de commerçant pendant le marché de Noël. (Photo CG / Rue89 Strasbourg / cc)

Pas de voitures sur la grande-île. C’est le mot d’ordre. Au Pont du Corbeau, le barrage filtrant de la police nationale n’a pas encore été mis en place dans la matinée. « Les CRS ont beaucoup de missions à remplir en même temps », justifie un policier municipal. Du coup les automobilistes, bloqués à l’entrée de la rue du Vieux-Marché-aux-Poissons, peuvent s’engager rue de la Douane.

Et malgré l’interdiction de stationner, quelques voitures y sont encore garées. Dont celle de Sophie, qui a négocié de rester cinq minutes pour récupérer sa fille à la crèche. Pour les autres, c’est la fourrière.

Une voiture se fait embarquer par la fourrière, rue de la Douane. (Photo CG/Rue89 Strasbourg / cc)

Passages en chenille des check points

Pour rire un peu de la situation, un collectif a organisé un concours de « passage de check points » : chenilles, moowalk et pas chassés pour dérider les militaires et tester « cette nouvelle tradition du Marché de Noël » indique Guillaume, l’un des instigateur de l’événement « un check point presque parfait » :

« On a testé la qualité de l’accueil, le glamour des palpations et la rapidité des contrôles. Bilan : 8 sourires de militaires récoltés et une info : ils connaissent les paroles de la chenille de Bezu.»

Passage en chenille des points de contrôle ? Check. (doc remis)
Strasbourg 2015 souvenir ! (doc remis)

Poussettes et vélos entre les chalets

Autour de la place du Marché-aux-Cochons-de-Lait, l’ambiance de Noël nous gagne enfin. Pas un policier à l’horizon, les odeurs de vin chaud et la décoration des magasins l’emportent, sur le court chemin qui mène au marché de la Cathédrale. Mais très vite, l’uniforme refait son apparition, entre les chalets.

À l’intérieur, les marchands attendent le client. À l’entrée de la cathédrale, deux agents de sécurité vérifient les sacs des visiteurs. Nadine n’a pas eu de chance. Le chalet de cette exposante venue de Clermont-Ferrand se trouve juste en face de l’habituelle sortie de l’édifice. Mais cette année, la sortie a été transférée place du Château pour limiter les attroupements. Pas un chat à l’horizon. Comme elle, Souane « subit ». « C’est la première année que je vais avoir des dettes, c’est la catastrophe », prévoit la vendeuse d’objets en bois.

Au marché de la Place Broglie, on peut même s’y promener à vélo. (Photo CG / Rue89 Strasbourg / cc)

Place Broglie, le traditionnel Christkindelsmärik est tout aussi calme. Derrière les stands de saucisses et de vin chaud, le personnel attend bras croisés, regards dans le vide, que le temps passe. « Il faut dire aux gens qu’ils peuvent venir », conjure Micheline.

Pour les quelques visiteurs qui se sont aventurés dans les allées dégagées, les conditions sont idéales pour profiter du spectacle et chiner quelques décorations, loin du bain de foule habituel. Quelques parents promènent leurs petits en poussettes, sans encombre. Un enfant conduit tranquillement son tricycle entre les chalets.

Place Broglie, pas la peine de jouer des coudes pour choisir ses décorations de Noël; (Photo CG/cc)

Maurice fait aussi son petit tour, sans angoisse. « Toutes ces mesures de sécurité, ça me fait bien rire. Samedi au pont de Kehl, il y avait des militaires avec des mitraillettes pour contrôler les voitures. Il y avait tellement de bouchons que j’ai préféré contourner par la frontière au niveau d’Erstein, et là je n’ai vu aucun contrôle. C’est absurde !»


#état d'urgence

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile