La gauche, Marc est tombé dedans quand il était petit. À 67 ans, le retraité est très fier de ne jamais en être sorti. Son père, cadre à la Sécurité sociale, s’est toujours engagé comme syndicaliste au sein de FO (Force ouvrière). Sa mère, au foyer et grande lectrice, s’était forgée une solide culture politique. La politique s’invitait régulièrement à table :
« Historiquement, génétiquement, on vote à gauche dans ma famille. Mais attention ! On a toujours combattu les extrêmes, de gauche comme de droite. »
Né après la guerre, cet enfant des 30 Glorieuses se considère comme un privilégié :
« Petit, j’ai eu le confort à la maison. Mon père a pu construire une maison. On partait chaque année en vacances. J’ai été embauché juste avec le bac. Si un patron ne me plaisait pas, je pouvais trouver autre chose. J’ai eu une chance incroyable que mes enfants et mes petits enfants n’auront plus. Il faut arrêter le libéralisme à outrance. Il y a huit milliardaires qui gagnent autant que la moitié des gens de la planète. Il faut une répartition plus juste. À 67 ans, je me bats encore parce que je ne veux pas laisser ce monde là à mes petits enfants. »
Conforté dans ses convictions grâce aux gens de droite
Ses petits enfants, le colmarien vient les voit chaque semaine, à Strasbourg. À quelques pas de la gare, il s’agace d’entendre que certains mettent la droite et la gauche « dans le même sac ». Pour lui, la différence est très claire :
« À gauche, ce sont les valeurs humaines qui priment. À droite c’est d’abord des valeurs de fric. »
Directeur de banque à la retraite, Marc reconnaît avoir été une exception dans son milieu professionnel, où il était de bon ton d’être de droite. Fréquenter des gens de droite et s’imposer parfois la lecture de magazines comme Valeurs Actuelles, n’a fait que renforcer ses convictions. L’autre phénomène qui l’a conforté dans ses opinions politiques, c’est la montée du Front National en Alsace, à laquelle il a assisté, incrédule :
« J’ai honte de mes compatriotes alsaciens. Quand je marche dans les rues, je me dis qu’une personne sur quatre que je croise vote FN. Je n’arrive pas à comprendre, surtout au regard de l’histoire de l’Alsace… Je me demande comment les gens votent ! Je me dis qu’on pourrait faire passer un petit test au gens avant qu’ils mettent un bulletin dans l’urne, avec quelques questions, juste pour être sûr qu’ils ont au moins lu les professions de foi des candidats. »
Le banquier ennemi de la finance
À gauche toujours, mais jamais encarté, Marc a décidé d’adhérer au Parti socialiste vers ses 40 ans. Mais son engagement au sein du PS s’est rapidement limité au paiement de sa cotisation « pour soutenir la cause » :
« J’ai dû coller des affiches par obligation. J’ai assisté à une ou deux réunions aussi. On pouvait discuter mais les grandes orientations du Parti sont décidées à Paris et ce qu’on disait ne remontait pas. »
Lors de la précédente élection présidentielle, le retraité a mis un bulletin François Hollande dans l’urne, même s’il avait soutenu Arnaud Montebourg à l’élection primaire. Il se souvient de son enthousiasme à l’écoute du discours du Bourget, le 22 janvier 2012 :
« Hollande a dit “j’ai qu’un adversaire”, sans préciser lequel dans un premier temps. Je me suis alors dit que Sarkozy allait en prendre pour son grade ! Et là, il a lancé : “c’est la finance”. J’étais emballé, j’avais retrouvé mes valeurs. »
Sa carte du PS renvoyée en petits morceaux
Le 6 mai 2012, le colmarien a débouché une bouteille de crémant pour fêter la victoire du septième président de la Ve République. Mais la gueule de bois n’a pas tardé. François Hollande est revenu sur sa promesse de renégocier le traité de Lisbonne. Le militant a déchiré sa carte du PS et l’a renvoyée en petits morceaux dans une enveloppe à l’adresse de son bureau :
« Hollande a tout renié. On a vite compris que c’était les lobbys, les grands groupes industriels français qui dirigeaient. On était loin du “mon ennemi c’est la finance”. »
Passée la colère, Marc s’est cherché une nouvelle famille de convictions. Il s’est nourri des publications du collectif Roosevelt et s’est retrouvé un temps dans le parti Nouvelle Donne, mouvement politique lancé par Pierre Larrouturou, en 2013. Puis peu à peu, ce sont les idées de Jean-Luc Mélenchon qui l’ont séduit :
« J’ai lu tous ses livres et son programme. C’est un humaniste. J’adhère à son projet de VIe République. Je me retrouve dans son combat contre la finance, les paradis fiscaux, dans son envie de remettre un genre de taxe Tobin. Mais je ne suis pas d’accord avec 100% de ses idées. Sur l’Europe, notamment, moi l’Alsacien et pro européen, je trouve qu’il est brutal quand Mélenchon dit qu’il va menacer Merkel de sortir de l’Europe pour la faire plier. Je n’y crois pas. Sur l’Europe, je suis plutôt Hamon. Mon autre point de divergence avec Mélenchon, c’est qu’il veut arrêter le Concordat. Il faut arrêter de financer les pasteurs, les prêtres, etc, en Alsace-Moselle, mais pour le reste, il y a plein de choses très bien dans le Concordat, comme le système de Sécurité sociale qui est le plus beau de France ! (C’est en fait une disposition du droit local alsacien mosellan, ndlr). Il ne faut pas supprimer ça, mais le généraliser. »
Jean-Luc Mélenchon aura donc sa voix au premier tour de l’élection présidentielle. Ni prophète, ni devin et ne croyant plus guère aux sondages, Marc assure pourtant que Marine Le Pen ne passera pas le second tour de l’élection :
« Il n’y a pas de réserve de voix pour le FN au second tour. »
Et si Marine Le Pen est au second tour, Marc précise qu’il votera pour un républicain, quel qu’il soit. L’homme de gauche a déjà voté une fois à droite, pour Chirac, au second tour, en 2002. Contre le père de la candidate FN :
« Je fais encore la différence entre le programme du FN et celui de Fillon ! »
Chargement des commentaires…