Trois ministres étaient à Strasbourg mardi 3 mars. Après un passage à la Grande Mosquée, le Premier ministre Manuel Valls et ses collègues de l’Éducation, Najat-Vallaud Belkacem, et de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, se sont rendus à l’Université de Strasbourg (Unistra). Ils y ont rencontré des étudiants et formateurs des trois cursus en rapport avec les religions : un diplôme universitaire (DU) de droit, société et pluralité des religions et deux masters en Islamologie et en Finance Islamique. Six des laboratoires de Recherche de l’Unistra traitent également des religions.
Le nombre de formations doublé
Le but de cette visite était d’annoncer le doublement d’établissements qui proposent une formation similaire au DU strasbourgeois. Ce dernier enseigne « la place des religions dans l’État laïc » à des étudiants issus de toutes les confessions. Si Strasbourg était un pionnier en 2011, aujourd’hui six universités publiques ont imité son cursus. Elles doivent être douze à la fin 2015 et s’inspirer du cas alsacien. Les détails techniques ne sont pas encore connus et personne ne sait si l’Université de Strasbourg sera concernée. Etant donné qu’il s’agit d’un élargissement, pas sûr que Strasbourg soit la priorité.
Dans son discours, le Premier Ministre explique la nécessité d’une telle mesure :
« L’État ne s’occupera pas de théologie pour dire ce que sera l’Islam. (…) Au delà des rappels laïcs, est-ce une raison pour laisser la situation se dégrader ? Est-ce une raison pour n’avoir aucune réponse à apporter à nos compatriotes de confession aux musulmane qui s’inquiètent des interventions étrangères ? Qui voient l’influence de certains groupes, y compris dans cette région, souvent liés aux salafistes, aux Frères musulmans, dénaturer un Islam de France, mais qui voient aussi l’activisme de certaines fractions radicales faire et répandre un antisémitisme sans cesse plus violent ? Nous ne pouvons rester insensible. »
Voir un extrait du discours de Manuel Valls
Le professeur Francis Messner, qui dirige le master d’islamologie avec une spécialité en Finance islamique, a également remis un rapport sur la formation des cadres religieux musulmans. Manuel Valls a félicité le juriste pour ses travaux et « encouragé » l’Unistra de persévérer dans les programmes qu’elle a mis sur pied en lien avec les religions.
« Ce qu’il faut, c’est des moyens »
En amont de la rencontre, le président de l’Unistra Alain Beretz expliquait que pour répondre à ces demandes de formation, l’Université a les compétences, mais que les mobiliser a un coût :
« Nous n’avons pas besoin de créer une faculté de théologie musulmane (il existe déjà deux facultés de théologie catholique et protestante ndlr). Nos formations résultent de l’interdisciplinaritée, ce que seul l’université peut faire. Celles en lien avec l’Islam ne sont pour les musulmans, mais pour la compréhension de cette religion. Ce qu’il faut, ce sont des moyens pour avoir des intervenants et des chercheurs. »
Car comme toute institution publique, le budget de l’Unistra est de plus en plus contraint. Le vote a été reporté deux fois, malgré une légère hausse globale. La dotation de l’État à l’ensemble des universités française reste fixe (après de larges protestations lorsqu’une coupe était envisagée) et celle pour la Recherche diminue de 66 millions d’euros
Des demandes lors de la session d’échanges
Pendant environ 50 minutes, les trois ministres ont pu écouter des étudiants ou formateurs issus des trois parcours. Si les universitaires strasbourgeois ont pu mentionner tous les enrichissements qu’ils tirent de leurs enseignement, il y avait dans les rangs quelques des demandes :
Un doctorant remarque que la France a un avantage dans la Recherche sur l’Islam à ne pas perdre en augmentant les investissements dans ces laboratoires, car il y a encore beaucoup d’aspects à explorer. Un professeur de droit islamique, dont le poste a été crée grâce au financement de l’Etat, indique qu’il faudrait des intervenants équivalents pour les autres religions et donc trois postes supplémentaires. Enfin, la responsable du DU aimerait la reconnaissance de sa formation, qui ne compte que 8 à 9 personnes les mauvaises années, pour accéder à certains postes de culte.
La formation devient obligatoire
Sur le dernier point, le Premier Ministre semble avoir entendu Céline Pauthier. Il est vrai que cela ne coûte rien. Le chef du gouvernement a annoncé des conventions entre les universités et les établissements d’enseignements privés pour mettre en place des bi-parcours. Ces formations seraient obligatoires pour devenir imam ou aumônier. L’objectif est de coupler une approche théologique et une formation civique et civile, qui serait du ressort du service public.
Si les ministres allaient dans le sens des interventions, ce n’était ni le lieux, ni le moment pour décider d’un chèque sorti de nulle part. La Commission européenne a rappelé à la France que son déficit doit être réduit à 3%, d’ici 2017 et les nouvelles dépenses se comptent sur le bout des doigts. Najat Vallaud-Belkacem a dit qu’il fallait plus de postes dans ces domaines, mais seront-ils à l’Unistra ?
C’est en tout cas ce qu’espère Alain Beretz. Lors du discours de clôture, il a déclaré au Premier ministre :
« La formation des cadres de l’Islam nous demande de passer aux actes. Nous pouvons enseigner la langue française, l’Histoire et les fondamentaux de la République. Si vous nous le demandez, nous sommes prêts. »
Mais pour cela, il faudra des moyens. Strasbourg espère ne pas être oublié lorsqu’ils seront déployés. Pour continuer à être une référence dans ce domaine.
Aller plus loin
Sur Le Figaro : Formation des imams à la laïcité : Valls à l’université de Strasbourg
Sur 20 Minutes Strasbourg : Manuel Valls annonce la certification et la multiplication des diplômes universitaires liés à l’islamologie