« On fait face à un plan social sans précédent. » Olivier Jung, secrétaire de l’Union départementale du syndicat Solidaires Justice, ne décolère pas face aux coupes budgétaires auxquelles la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) doit faire face. La direction a annoncé le 30 juillet « une économie de 1,6 à 1,8 million d’euros » entraînant jusqu’à 480 suppressions d’emplois de contractuels en France. « En Alsace, 17 contrats ne seront pas renouvelés sur 31 », chiffre Olivier Jung. En tout, 220 personnes travaillent à la PJJ dans la région et les contractuels représentent 8% de la masse salariale.
Une quarantaine de personnes se sont mobilisées devant le tribunal judiciaire, jeudi 8 août à 9h30. Sur leurs pancartes, des messages sans équivoque : « Contractuels méprisés = équipes dépossédées, jeunes négligés », « On a besoin de nos collègues », « La PJJ ne sait pas compter = contrats non renouvelés »…
Des contrats non-valables
Christine est éducatrice en charge de l’unité éducative en milieu ouvert (UEMO) du secteur Strasbourg-sud. Le 11 juillet, elle a signé, sur proposition de sa direction, un avenant de reconduction. Pourtant, comme d’autres contractuels employés par la PJJ, elle a appris moins d’un mois plus tard que son contrat, qui se termine le 31 août, ne serait finalement pas renouvelé.
Mercredi 7 août, elle en a été avertie par un courrier de la Direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Grand Est :
« Nous sommes confrontés à une situation inédite où la direction nationale de la PJJ impose à chacune des directions interrégionales des restrictions budgétaires conséquentes, dans des délais restreints. […] Je me vois contrainte dans l’urgence de renoncer à un certain nombre de recrutements, contrairement à ce que j’avais autorisé durant le mois de juin et juillet. Aussi, je ne suis pas en mesure de renouveler votre contrat de travail à compter du 1er septembre 2024″.
Dans la fonction publique, le délai de prévenance doit pourtant être d’un mois, lorsque la durée du contrat précédent est égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans – ce qui est le cas de Christine.
Ce revirement suscite chez elle l’interrogation :
« On nous dit que ces contrats ne sont pas valables car ils n’ont pas été contre-signés par la direction. Pourquoi nous a-t-elle proposé ces contrats, alors qu’elle était au courant de ces restrictions ? »
« Je ne sais pas comment je vais faire »
Christine, agente PJJ licenciée
Dans ce même courrier, les contractuels se sont vus notifiés que la prime de fin de contrat leur sera versée fin octobre, soit plus d’un mois après la fin de leur mission. « C’est laconique, il y a une maltraitance évidente et une incompétence de gestion », estime le syndicaliste Olivier Jung.
Face à cette situation, Christine, qui n’en est pas à son premier contrat à la PJJ, se trouve désemparée :
« C’est assez fou ce qu’il se passe. C’est la première fois que cela m’arrive. Je ne me sens pas bien du tout. On a très peu de temps pour se retourner, je ne sais pas comment je vais faire. Financièrement, l’allocation chômage ne règle pas tout ».
Ce jeudi 8 août, elle devait être de permanence éducative au tribunal judiciaire mais se sent incapable de s’y rendre :
« Je n’ai pas le moral. On a un jeune qui doit être déféré devant le tribunal. Le juge doit statuer avec l’écrit de la permanence éducative proposant un suivi éducatif adapté en fonction de la situation. Sans cela, il ne peut se prononcer ».
90% du personnel en situation de travail mobilisé
Pour Olivier Jung, secrétaire de l’Union départementale Solidaires Justice :« Cette décision a été prise en catimini. C’est la première fois en vingt ans de carrière que je suis confronté à quelque-chose d’aussi indécent. Il en va de la dignité de l’institution ». Il en appelle au ministre de la Justice :
« Éric Dupond-Moretti est le premier à s’enorgueillir du budget de la Justice. Il faut qu’il s’explique, il est trop silencieux. »
De nombreux fonctionnaires ont décidé de se mobiliser en soutien à leurs collègues. « C’est l’une des rares fois où les cadres sont présents. On touche plus de 90% du personnel en situation de travail. Notre mouvement est massif », observe Paula, une autre éducatrice.
En milieu de matinée, le rassemblement devant le tribunal judiciaire s’est transformé en un cortège, en direction de la Direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ), boulevard du Président-Poincaré. « On va leur signifier notre colère et notre détermination afin que la parole engagée en juillet soit respectée », indique le secrétaire de l’Union départementale Solidaires Justice. En vain, regrette-t-il : la direction indique ne pas avoir de nouvelle « trajectoire » et ne pas donc revenir sur les suppressions de postes. Les syndicats se tournent à présent vers un appel à la grève nationale, prévue le 14 août.
Chargement des commentaires…