« Si ces personnes sont là, c’est un choix politique », lance Tonio Gomez, figure historique du collectif D’ailleurs nous sommes d’ici (DNSI) 67. Depuis mars, des sans-abris ont installé un campement place de l’Étoile. Mercredi 14 septembre, ils sont plus de cent, dont environ 40 enfants. Tonio Gomez poursuit :
« Le gouvernement Macron a sorti des lois qui ont durci le traitement des migrants. Il assume de ne pas vouloir les accueillir. »
Un collectif de quinze organisations
Attac Strasbourg, DNSI 67, Pas d’enfants à la rue, Casas, la FCPE Bas-Rhin, Solidaires Alsace, la France Insoumise ou encore le NPA 67, quinze organisations en tout, appellent à manifester samedi 17 septembre à 14h, au départ du camp de l’Étoile. Le but initial était d’aller jusqu’à l’hôtel de la préfecture mais ce parcours n’a pas été autorisé selon DNSI 67. Elles ont décidé de créer le « Collectif de soutien aux migrant.e.s du parc de l’Étoile ». Vincent, de l’Organisation communiste libertaire (OCL), qui prend aussi part au mouvement, livre l’une des revendications principales de la manifestation :
« La Préfecture, qui agit sous les ordres de Darmanin, je n’en n’attends rien. Mais la municipalité de Strasbourg, elle, se dit de gauche. Et bien on attend qu’elle agisse et qu’elle cesse d’attendre que l’État le fasse, on a compris qu’il ne le fera pas. Elle doit prendre ses responsabilités. Il y a des bâtiments vides, il faut les réquisitionner. »
« La municipalité ne doit pas être la courroie de transmission de la préfecture car cela met en danger les migrants. On ne veut plus du tri dans les gymnases », ajoute Tonio Gomez.
Après un premier démantèlement du camp de l’Étoile en juillet, les sans-abris ont été emmenés dans un gymnase où leurs situations administratives ont été examinées. Une partie a ensuite été redirigée vers un centre « d’aide au retour » à Bouxwiller, pour les inciter à quitter la France. La plupart étaient donc de retour place de l’Étoile quelques jours plus tard. Ce procédé de la Préfecture consistant à diriger certains migrants vers de tels centres est devenu systématique depuis l’évacuation du camp de Montagne Verte en septembre 2021. Un nouveau centre de ce type a ouvert à Geispolsheim au début de l’été.
Des descentes de la police nationale
En théorie, l’État a la charge d’héberger toute personne qui le demande de manière inconditionnelle. Mais ce dernier compte supprimer 1 000 places d’hébergement d’urgence dans le Bas-Rhin d’ici fin 2022 alors même que de nombreuses personnes, parfois très vulnérables, appellent le 115 pour demander un toit mais ne trouvent pas de solution.
Gabriel, un militant pour le droit des demandeurs d’asile, dénonce aussi des passages réguliers des forces de l’ordre :
« Souvent ils viennent à trois ou quatre. Mais il y a aussi eu deux grosses descentes, une le 30 aout, l’autre le 9 septembre, avec des dizaines d’agents, dont certains de la police aux frontières, qui ont encerclé le camp et contrôlé tout le monde. Cela crée un climat très anxiogène. Plus d’une dizaine de personnes du camp ont choisi de quitter la France et d’aller en Allemagne suite à ces descentes. »
Fako est assis sur une chaise à quelques mètres, devant sa tente où il dort avec Miranda, sa concubine. « Pourquoi la police vient ? On ne sait rien », lance t-il. En allemand, il explique qu’il vient de Macédoine et qu’il bénéficiait d’un hébergement d’urgence jusqu’à début aout : « On a reçu une notification stipulant que notre prise en charge était finie. »
Des malades, des enfants en bas-âge
La plupart des personnes ici sont en demande d’asile ou de titre de séjour. Certaines ont reçu plusieurs refus et sont en bout de procédure. Hamza par exemple, doit dialyser trois fois par semaine, sinon il décède. Mais il montre, dépité, le papier attestant du rejet de sa demande d’asile. Il est Rom, et en Roumanie « l’accès au soin est très difficile pour sa communauté », explique t-il.
Bidash, pré-adolescent, n’est pas encore scolarisé comme environ 25 mineurs sur le campement d’après les militants. Il montre un papier attestant d’un rendez-vous vendredi avec le centre d’information et d’orientation qui devrait lui permettre d’intégrer un établissement scolaire. « Où est-ce qu’il fera ses devoirs ? », demande, inquiet, Alex du NPA 67.
Dans la tente voisine, Asia est assise sur un matelas avec son bébé dans les bras. Sa fille de deux ou trois ans joue à côté. Elle ne parvient pas à communiquer en anglais ou en allemand mais semble très fatiguée de ses conditions de vie. Selon Gérard Baumgart, militant membre du collectif, insiste sur le fait que de nombreux enfants en bas-âge vivent sur le camp, dont « un bébé né il y a deux semaines ».
L’humidité dans les tentes, les rats à côté
À l’approche de l’automne, les précipitations devraient se faire de plus en plus fréquentes, et augmenter l’humidité sur le camp. Bien que la Ville ait installé un point d’accès à l’eau et des toilettes sèches, après plusieurs mois, « les conditions sanitaires sont extrêmement préoccupantes », estime Gérard Baumgart. Les sans-abris témoignent aussi de la présence de nombreux rats sur la place.
La municipalité et la préfecture se sont renvoyées la responsabilité du camp de l’Étoile, mais le dialogue n’est pas rompu. Ce mercredi 14 septembre, une réunion s’est tenue pour évoquer l’avenir de ces personnes. Aucune des deux institutions n’a répondu aux questions de Rue89 Strasbourg au moment de publier l’article. Et en attendant, les migrants du camp de l’Étoile restent dans le flou, sous leurs tentes.
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