Finalement, il n’a pas plu et de toutes façons, ce ne sont pas quelques goutes qui auraient refroidi les ardeurs des dizaines de milliers de personnes venues manifester samedi 15 juin à Strasbourg. Toujours sous le double choc d’une dissolution de l’Assemblée nationale prononcée au moment où l’extrême droite progresse jusque dans les villes, de nombreuses personnes s’étaient promis de manifester poing levé contre l’extrême droite. Ils étaient 3 000 selon la police, 10 000 selon les syndicats et environ 8 000 selon les observations de Rue89 Strasbourg.
Place de la République, les manifestants ont été accueillis par les élus et les candidats du tout nouveau Front populaire, l’alliance inespérée à gauche formée dans la hâte au soir de la dissolution. Malgré de nombreuses fractures, des fossés parfois, elle est parvenue à présenter des candidats uniques dans chacune des 577 circonscriptions en moins d’une semaine pour les scrutins des 30 juin et 7 juillet. Parmi eux, Sandra Regol, députée écologiste sortante et candidate du Nouveau Front populaire (NPF) à Strasbourg centre. Elle a scandé aux manifestants « on se réveillera le 8 juillet dans une France de gauche ! »
La CGT, qui organisait la manifestation, a ensuite passé la parole à Emmanuel Fernandes, député insoumis qui se représente à Strasbourg – sud et au candidat investi par le NPF à Strasbourg – nord, le socialiste Thierry Sother. Après ces discours de campagne, c’est à la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, qu’il est revenu d’inscrire la manifestation dans la gravité du moment : « Ce que nous redoutions depuis des années est arrivé : l’extrême droite aux portes du pouvoir, 80 ans après la libération de Strasbourg du joug nazi. »
Si le cortège a mis un peu de temps à démarrer, c’est parce qu’il attendait le départ de l’autre manifestation du jour, la Marche des visibilités. Organisée depuis 22 ans comme point d’orgue du mois des fiertés, en hommage aux émeutes de Stonewall en juin 1969 aux États-Unis qui ont permis aux minorités sexuelles de dénoncer les discriminations qu’elles subissaient, la Marche a accueilli entre 15 et 20 000 participants.
Le retour de la politique à la Pride
Malgré les efforts d’une partie de ses organisateurs pour l’exclure du contexte politique, une bonne partie des personnes qui ont manifesté ont arboré des slogans hostiles à l’extrême droite, voire appelant à voter pour le Nouveau Front populaire. Une partie du cortège, appelée pink bloc, a même tenu à affirmer la convergence des luttes entre le combat contre l’extrême droite et l’avancée des droits des personnes LGBTQI.
Aux sons diffusés à pleins volumes par les chars sponsorisés par des lieux nocturnes de Strasbourg, la Marche des visibilités s’est élancée dans cette ambiance de club de nuit en plein jour qui lui est familière.
Le cortège syndical a pris la suite, probablement entraîné par la bonne humeur et la joie qui régnaient dans la Pride. Mais les poings levés ont vite repris le dessus, notamment lorsque des rumeurs ont fait état de présence de groupes d’extrême droite aux abords du cortège.
Les deux cortèges se sont dispersés vers 17h, place Kléber pour la manifestation contre l’extrême droite, place de l’Université pour la Marche des visibilités. Des syndicats ont annoncé leur volonté de se mobiliser dans les prochains jours dans les entreprises, les usines, les administrations et même en porte à porte partout en Alsace, pour dénoncer l’imposture sociale du Rassemblement national et appeler à voter en faveur du Nouveau Front populaire.
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