Alignés sous des tonnelles, la Fédération des chasseurs du Bas-Rhin, l’Automobile Club ou encore l’Inrap (Institut de recherches archéologiques) s’exposent dans un « village d’animations », à la barrière de péage d’Ittenheim. Ils prennent part, samedi 13 novembre, à une opération de communication de Vinci : les portes ouvertes du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg, dont le chantier est presque terminé. L’autoroute de contournement est accessible tout le week-end, à pied, à vélo et à trottinette.
Trois cyclistes s’élancent sur le bitume. « Vous roulez sur un cimetière de nature », crient des anti-GCO, qui marchent dans les champs voisins. L’un des cyclistes répond par un doigt d’honneur. Pas sûr que le message soit passé. Une centaine d’écologistes affluent, les pieds dans la boue. Ils répondent à l’appel d’une vingtaine d’associations et collectifs, dont GCO non merci, Alsace Nature, Greenpeace et Alternatiba. Bruno Dalpra, l’un des organisateurs, dénonce l’écoblanchiment (ou greenwashing en anglais, le fait de se donner une image écologique trompeuse, NDLR) de la multinationale :
« Le GCO est un désastre écologique. Des dizaines d’hectares d’arbres centenaires ont été rasés. Des zones humides ont été détruites. Les mesures compensatoires annoncées sont une vaste arnaque. Et aujourd’hui, ils essayent de se donner une bonne image, en invitant les marcheurs et les cyclistes. Pour nous, une autoroute ne sera jamais écologique. Le GCO est prévu pour accueillir des poids lourds qui font du transit international. »
Une dizaine d’anti-GCO déploient une banderole sur l’autoroute
Jean-Luc Fournier, directeur de la communication du GCO, interpellé par un opposant dans le village animé, se défend : « Regardez, il n’y a pas de stand qui parle d’écologie. Où est-ce que vous voyez du greenwashing ? » Il indique ensuite tout de même que les visiteurs peuvent monter dans des bus qui les baladent sur l’autoroute et montrent les passages à faune construits par le géant du BTP. Ils s’agit de ponts ou de tunnels que les animaux sont censés emprunter.
Cet après-midi, le site est quasi-désert. La pluie n’aide pas. Cela attise les moqueries des anti-GCO, qui y sont allés par petits groupes toute la journée. Vers 14h30, environ 80 personnes sont postées le long de l’autoroute et accrochent leurs étendards aux barrières. Ils huent les quelques voitures et cyclistes qui se rendent aux portes ouvertes. Un autre groupe, d’une dizaine d’activistes, réussit à atteindre le GCO. Ils déploient une banderole avec laquelle ils marchent sur un kilomètre. La route est presque vide, elle aussi.
« On a déjà tout dit en 20 ans de lutte »
Sur la parcelle d’Anny Barth, opposante à l’autoroute expropriée comme elle avait des terres sur le tracé, quelques prises de paroles se succèdent. Dany Karcher, ancien maire de Kolbsheim, où des Zadistes ont occupé une forêt aujourd’hui éventrée par le béton, revient avec émotion sur la lutte menée jusqu’alors :
« Quand j’ai réfléchi aux slogans et aux discours que je voulais faire aujourd’hui, je n’ai rien trouvé de nouveau à dire. En 20 ans, on a déployé tellement d’arguments. Tout a été dit maintes fois. La justice nous a donné raison le 20 juillet, alors que la route est quasiment prête. »
Le tribunal administratif de Strasbourg a demandé de nouvelles études d’impact. Il statuera à nouveau en mai 2022. En attendant, le GCO ne peut pas être mis en service. Mais l’État et Vinci ont fait appel. Ils espèrent obtenir l’autorisation d’ouvrir l’autoroute. La cour administrative d’appel de Nancy doit donner sa décision mardi 16 novembre. Bruno Dalpra annonce :
« Même si la Cour d’appel autorise la mise en service, Alsace Nature saisira le Conseil d’État. Nous lutterons jusqu’au bout. »
Les anti-GCO espèrent être entendus par les juges
François Giordani, président de la FNAUT Grand-Est, une association des usagers des transports, prend la parole :
« J’espère que les magistrats sauront nous entendre. Nous les appelons à ne pas céder au discours de Vinci. L’autoroute ne permettra pas de répondre au problème des bouchons, et encore moins à celui de la qualité de l’air, c’est documenté par de nombreuses études. Cette autoroute est une aberration démocratique et écologique. »
La majorité des personnes présentes viennent des villages alentours. Quelques écologistes strasbourgeois ont fait le déplacement. Ludivine Quintallet, conseillère à la Collectivité européenne d’Alsace pour EELV, prend le micro et apporte son soutien. Quelques militants de la France Insoumise et du NPA sont là aussi, plus discrets.
« On pourrait transformer l’infrastructure en voie ferroviaire »
L’air grave, les bras tendus, les militants montrent leurs pancartes. L’opération de communication de Vinci a t-elle fonctionné ? Pas sûr. Jean-Luc Fournier joue l’optimiste : « On a eu des visiteurs toute la journée ! On fait ça pour tous les chantiers, ce n’est pas spécifique au GCO. » Pour Me François Zind, avocat d’Alsace Nature, cela pourrait être mal perçu par les magistrats de la Cour administrative d’appel : « Ils ouvrent l’autoroute malgré toutes les polémiques et l’interdiction de mise en service… »
Le soleil commence déjà à se coucher vers 17h. Bruno Dalpra, toujours déterminé, conclut :
« Maintenant que l’infrastructure est construite, il y a encore des possibilités de limiter la pollution. On pourrait transformer la route en voie ferroviaire pour le fret par exemple. Alsace Nature a lancé des études en ce sens. »
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