Le Rallye de France ne devait s’installer dans la région que pour trois ans. Courue pendant 20 ans en Corse, la manche française du WRC (World rallye championship) s’est prise d’amour pour l’Alsace en 2010. L’engouement de la population, fascinée par le champion d’origine haguenovienne Sébastien Loeb, l’intérêt de disposer d’une grande palette de reliefs et paysages différents et l’appui financier des collectivités alsaciennes ont finalement rendu pérenne l’épreuve en Alsace.
300 000€ en subventions, 300 000€ en nature
Ce jeudi matin, la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) devrait adopter une délibération reconduisant la subvention annuelle de 300 000€ à l’évènement, qui se déroulera du 3 au 6 octobre 2013, avec une spéciale au Wacken, le 3 en fin de journée.
Selon le président de la CUS Jacques Bigot, cette somme, ainsi que l’aide logistique associée (voir ci-dessus) évaluée elle aussi à 300 000€, sont largement compensées par les retombées en terme d’image, au nom du fameux « marketing territorial », ainsi que par les retombées économiques générées. Ces dernières sont évaluées par une étude à quelque 18,7 millions d’euros en 2011 pour la région.
Cet événement sportif, qui fait la part belle à l’automobile et à la vitesse, ne fait cependant pas l’unanimité. Depuis sa première édition, un collectif baptisé « Ras le Rallye » tente sans trop de succès de faire entendre sa voix, par la multiplication de petites actions symboliques. Alain Jund, adjoint au maire EELV de Strasbourg, rappelle :
« C’est de l’argent qu’on jette par les fenêtres ! En temps de crise, alors que l’Etat appelle à la rigueur, les collectivités alsaciennes font l’inverse de ce qu’elles devraient faire en donnant de l’argent à un secteur qui n’a pas besoin de subventions publiques. Le Rallye, c’est Loeb, Total, le Crédit Mutuel et Citroën ! En plus, on fait toute l’année des campagnes sur la sécurité routière et on fait là l’apologie de la vitesse… Quant à la compensation carbone de l’évènement, c’est anecdotique ! »
« Ecoresponsabilité » ou greenwashing ?
Il est effectivement fait mention d’ »écoresponsabilité » de l’événement dans la délibération soumise au vote des élus aujourd’hui :
Pour les quatre éditions (2010, 11, 12 et 13), côté compensations, les services de la CUS indiquent :
« L’action choisie par la FFSA pour Strasbourg est celle qui consiste à baisser de 500 mètres cubes les volumes de coupe de la forêt de l’Oedenwald [l’une des propriétés de la ville en dehors de ses frontières communales] pendant 10 ans. Cette mesure permettra d’absorber 6 137 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions de CO2 de deux rallyes. La FFSA prendra en charge la totalité du coût de cette mesure pour la Ville de Strasbourg, à savoir le manque à gagner lié à la non-exploitation de ces volumes, estimé à 58 154€. Très concrètement, la FFSA versera cette somme à la Ville de Strasbourg. »
Echanges de tonnes de CO2, et d’argent
A noter que ces 58 000€ pour les quatre éditions sont pris sur une cagnotte de 120 000€, correspondant à la somme que la FFSA versera à la totalité des collectivités partenaires, au nombre de neuf ! Ce chiffre est à mettre en regard des 1,5 million d’euros annuels versés par ces mêmes collectivités à la FFSA… Alors, bien sûr, la mesure agace Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, membre du collectif Ras le Rallye :
« Les émissions de carbone constituent une partie seulement des impacts environnementaux du Rallye. Dans ces évaluations, on ne prend en compte les impacts sur la biodiversité engendrés par les milliers de personnes qui piétinent les prairies ou débarquent dans le massif en pleine période de brame du cerf ! Ces compensations financières, c’est du greenwashing, une façon de s’acheter une conduite à moindre frais… Concernant l’étude sur les retombées financières, j’aimerais en connaître le protocole. On l’a demandé mais on ne nous l’a jamais envoyée. »
« On ne peut pas rompre avec le Rallye »
Les élus écologistes comme les associations de protection de l’environnement au premier rang desquelles donc Alsace nature – qui avait attaqué l’autorisation préfectorale des déposes en hélicoptères en zone de montagne – n’ont pas fini de s’émouvoir. Jacques Bigot, président de la CUS, a en effet annoncé que ce financement serait reconduit en 2014. Il précise :
« On sera bien obligé de se prononcer avant les élections [municipales de 2014]. On ne peut pas rompre, parce que la région ne voudra pas rompre [avec la FFSA]. Le partenariat doit exister, je n’imagine pas la CUS se désengager. Il n’est pas non plus question d’augmenter cette subvention. »
D’autres régions seraient sur les rangs pour accueillir le Rallye. Mais rien n’encouragerait les organisateurs à faire des infidélités à l’Alsace.
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Sur Rue89 Strasbourg : comment le Rallye d’Alsace va éclipser le Forum mondial de la démocratie
Sur Strasbourg.eu : L’ordre du jour complet du conseil de CUS.
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