La colère du personnel hospitalier ne retombe pas malgré le « Ségur de la santé« . Cette concertation lancée par le gouvernement avec divers représentants du personnel soignant devrait se terminer mi-juillet. Malgré les promesses de réforme et de revalorisation salariale, une dizaine de collectifs hospitaliers et de syndicats appellent à une grande journée de manifestation sur tout le territoire mardi 16 juin. À Strasbourg, les soignants, paramédicaux et leurs soutiens sont invités à se réunir à 14 heures sur la place Kléber.
Les manifestants se dirigeront ensuite vers l’Agence Régionale de Santé (ARS), située 14 rue du Maréchal Juin. Une fois sur place, les syndicats et représentants du personnel soignant rencontreront la directrice générale de l’ARS, Marie-Ange Desailly-Chanson pour faire part de leurs revendications. Durant le cortège, les organisateurs appellent à respecter les règles et mesures d’hygiène, comme le port du masque et le respect d’une distance d’un mètre entre chaque personne.
Hausse des salaires et plus de moyens
Dans un communiqué commun, les organisations syndicales AMUF, SNIP CFE, CGC, CGT, FO, SUD, UNSA, les collectifs Inter Urgences, Inter Hôpitaux, le printemps de la psychiatrie et la coordination nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et des Maternités de proximités demandent précisément :
- Une revalorisation générale des salaires de tous les personnels et une reconnaissance des qualifications des professionnels de santé.
- Un plan de formation pluridisciplinaire et de recrutement
- Un renforcement des moyens financiers significatif pour les établissements, avec une augmentation des budgets
- L’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits
- Des mesures garantissant l’accès, la proximité et l’égalité de la prise en charge pour la population.
Selon le panorama de la Santé 2019, la France est classée 28e sur 32 parmi les pays membres de l’OCDE sur les salaires infirmiers, en comparaison au salaire moyen du pays.
Comme l’affirmait dans nos colonnes Christian Prud’homme, secrétaire général du syndicat Force Ouvrière (FO) des hôpitaux universitaires de Strasbourg, entre 200 et 300 lits ont été supprimés ces 4 dernières années dans la capitale alsacienne.
Une aide-soignante strasbourgeoise à l’initiative
À l’initiative de cette manifestation à Strasbourg, une aide soignante en Ehpad depuis 15 ans, en collaboration avec le syndicat Force Ouvrière du Bas-Rhin :
« Cela fait plus de 10 ans qu’on manifeste pour plus de moyens, mais là, c’est de pire en pire… La covid a au moins permis à tout le monde de se rendre compte qu’on est vraiment pris pour des cons ! On ne peut plus continuer à travailler dans ces conditions ! »
Un travail dans la peur et sans matériel
Dans son Ehpad, elle a dû s’occuper de 5 résidents testés positif au covid-19 et de 22 cas isolés pour suspicions. Un travail qu’elle a dû faire la peur au ventre et en manque de moyens matériels :
« On était en rupture de tout, de gel hydroacoolique, de masque, de blouse… Si on a tenu, c’est uniquement grâce aux dons des entreprises et des particuliers ! J’avais les mains qui saignaient à force de me les laver… Et le soir quand je rentrais chez moi, je me douchais au « Dakin » (solution antiseptique)… J’avais peur de transmettre le virus aux patients ou à ma famille parce qu’on travaillait dans des conditions exécrables. »
Durant la pandémie, de nombreux personnels hospitaliers ont alerté sur les faibles stocks de masques dans les hôpitaux alsaciens. Une pénurie gérée par les autorités sanitaires en appliquant de faibles standards de protections, mettant ainsi en danger le personnel soignant.
Les citoyens encouragés à soutenir les soignants
C’est précisément cette colère qui a poussé cette aide-soignante à organiser cet événement. Quand elle a entendu que les syndicats et collectifs appelaient à une manifestation nationale pour les soignants, elle a créé un événement Facebook pour un rassemblement à Strasbourg : « Il faut que les choses bougent ! On a besoin d’être enfin entendus, compris et valorisés ! » explique-t-elle.
L’organisatrice de la manifestation espère que cette fois, en plus des soignants, les citoyens strasbourgeois seront là pour les soutenir : « Les applaudissements c’est bien beau, mais ça ne fait pas changer les choses ! » lance-t-elle.
Un cadre juridique encore incertain
La demande de manifestation a été déposée à la préfecture la semaine dernière avant d’être refusée une première fois. Cette ancienne aide-soignante se dit écœurée par cette décision :
« Sous prétexte que les rassemblements de plus de 10 personnes sont interdits, on nous empêche de manifester. Mais on est des soignants, et on est les premiers à connaître l’importance des gestes barrières ! Cela fait plus de 10 ans qu’on manifeste et il n’y a jamais eu aucun débordement. Cette décision est juste un moyen de nous faire taire ! »
Lundi 8 juin, la députée Martine Wonner a adressé une lettre à la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, pour lui demander d’autoriser de la manifestation. Mercredi 10 juin, la candidate Parti Socialiste aux élections municipales Catherine Trautmann a aussi écrit à la préfète afin que les soignants soient autorisés à manifester. Le syndicat FO, lui, a réitéré sa demande mardi 9 juin, également dans une lettre ouverte adressée à la préfecture. À ce jour, aucune réponse officielle n’a été transmise.
Manifestation maintenue dans tous les cas
« Quoi qu’il en soit cette manifestation aura lieu ! », renchérit l’organisatrice. Si nécessaire, elle explique que les manifestants se rejoindront ailleurs, sûrement devant un hôpital et défileront en petits groupes de 10 jusqu’à l’ARS. À ce jour, presque 800 personnes ont indiqué participer à la manifestation sur l’événement Facebook.
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