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Deux projets pour mettre fin à l’abandon de la Maison du bâtiment

Ces projets en rade 1 – Abandonnée depuis 2008, la gigantesque Maison du bâtiment est le premier immeuble à l’entrée nord de Strasbourg. Après 7 ans d’inutilisation pour cause de litiges, deux permis de construire vont bientôt être soumis à la Ville, prête à céder son parking pour permettre un projet de logements.

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Aux abords de l’autoroute, place de Haguenau, Arnault Pfersdorff, président de l’association des résidents du Tivoli la qualifie « verrue ». Une verrue de 48 mètres et 13 étages et, surtout, à l’abandon. La dernière fois que la Maison du bâtiment a servi, c’était lors du procès du meurtrier en série Pierre Bodein, dit « Pierrot le fou ». Une cour d’assises exceptionnelle avait été installée en juillet 2007. En 2008, le promoteur alsacien Spiral rachetait le bâtiment à une dizaine d’organisations professionnelles de BTP et à l’assureur Camacte.

Jamais la tour n’a servi depuis. En cause, un conflit entre le groupement de propriétaires et l’acheteur. Le permis de construire de 2008 prévoyait la conversion de la tour en bureaux, commerces et logements. Entre temps, un nouveau projet incluait une destruction de la tour, qu’il fallait désamianter avant.

Les copropriétaires ont demandé des dommages et intérêts pour l’absence de réalisation de la promesse de vente, tandis que Spiral la considérait valable. À part un incendie en mars 2015 ou le rajout de grilles après un orage en juillet 2014, il n’y a guère d’agitation autour du bâtiment construit en 1968. Même les pompiers n’y font plus d’exercices. Lorsque nous avons approché les lieux fin juin, une odeur de brûlé se dégageait des petits immeubles.

Le permis de construire de 2008 (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

L’affaire a longtemps traîné en justice, mais aujourd’hui, deux projets immobiliers sont sur les rangs, un pour la tour elle-même et l’autre pour les locaux devant. Jacques Avenel, directeur général de Spiral, explique la situation :

« Nous avons gagné au tribunal en première instance et en appel, mais nous avons scindé la propriété en deux. L’avant, c’est-à-dire les anciens bâtiments de la banque, est à nous et la tour en soi reste aux propriétaires initiaux. Nous déposerons une demande de permis de construire d’ici la fin de l’année. Ce sera une offre de logements. Nous détruirons les bâtiments existants pour reconstruire. »

Un projet pour les bâtiments devant et la tour. (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

« Un tour à énergie positive, avec de la verdure, des terrasses et balcons »

Et pour la tour, le promoteur local Edifipierre a signé une promesse de vente avec l’assureur et les bâtisseurs. Edifipierre avait notamment participé à la réhabilitation du Shadok. Son président Francis Meppiel détaille à son tour le projet :

« Ce sera une tour principalement d’appartements, dont une part de logements sociaux, et quelques bureaux. L’apparence n’aura plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui, ce sera une tour à énergie positive. Nous allons l’épaissir et rajouter des terrasses et des balcons. On pourra voir à travers et la façade sera végétalisée. Le permis de construire sera déposé dès cet été. On aurait aimé mettre un restaurant panoramique au sommet, mais la réglementation est trop compliquée. »

Plus question de détruire l’immeuble, comme ce fut un temps évoqué. En revanche, une grande réhabilitation sera nécessaire. Si le permis est accepté, les logements seraient disponibles dès le premier semestre 2018. Actuellement, l’entrée est interdite, mais cela n’empêche pas le lieu d’être régulièrement squatté, quoique « c’est plus calme », raconte un employé de l’hôtel Villa d’Est, juste en face. L’herbe n’est plus entretenue et les fenêtres intactes relèvent de l’exception. Dans la tour, les cuivres, les radiateurs ou les robinets ont été volés.

Maison du bâtiment – Qui possède quoi ?

Exit le grand parking municipal

Du côté de la municipalité, qui n’est pas propriétaire des bâtiments, on apprécie que des initiatives émergent enfin. Seul le parking à l’arrière de la tour appartient à la collectivité. Les quelques places sont accessibles, mais jonchées de débris de verre et aux risques et périls des usagers. Si un coup de vent traverse la tour, il est possible de se prendre des débris sur le pare-choc, voire sur la tête.

En 2012, Robert Herrmann, alors premier adjoint au maire de Strasbourg (PS) attendait que le conflit soit résolu pour un proposer un grand parking, qui devait remplacer celui des Halles. Son successeur Alain Fontanel est, lui, prêt à céder le terrain pour faciliter la réalisation du projet :

« Il y a un problème de stationnement dans le secteur, mais ce n’est pas à nous de construire des places que les autres ne font pas. Ce terrain est un levier pour permettre à un ensemble cohérent de se réaliser. Nous délivrerons un permis pour un projet qui s’insère en harmonie dans le secteur. Nous souhaitons simplement qu’il n’y ait pas d’hôtel. Ce frémissement est encourageant, et si ça ne se fait pas là, la tour risque de retomber dans l’abandon pour plusieurs années. »

Les contacts sont en tout cas bien avancés pour que la demande d’Edifipierre, qui travaille dessus « depuis des années » corresponde aux attentes de la mairie.

L’engageante entrée du parking, dont le terrain appartient à la Ville de Strasbourg (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Un support pub depuis 5 ans

La seule fonction de la tour depuis 2010, est de servir de support de publicité. Une bâche de 657 m² couvre le haut de la façade. La société AMB Grand format paye un loyer, qu’elle ne communique pas. D’après les DNA, les pubs se monnayent 30 000€ par mois. Le journal local avait justement acheté une bâche en janvier 2014.

JC Decaux qui a parfois sous-loué a même produit des études très précises pour vanter l’emplacement : 474 000 véhicules parjour, ainsi que 22 000 passagers en TGV. Pour un cadre d’AMB Communication, petite entreprise strasbourgeoise, il s’agissait avant tout d’une manière de se faire connaître :

« C’est plus une vitrine pour montrer notre savoir-faire qu’une source de revenus, entre le loyer, les frais d’installation et les taxes sur la publicité. On dé-soude les portes quand on arrive, puis on les remet pour éviter que l’intérieur soit squatté. La bâche, on l’accroche de l’intérieur, après être monté par les escaliers puisqu’il n’y a plus d’ascenseur. »

Depuis juillet 2014, un grillage est posé autour de la structure (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Bien que l’on voit à travers ses bâches, l’agence risque de devoir trouver une autre vitrine, puisque si le permis est accepté, les travaux commenceraient dans 7 à 8 mois, une fois les délais de recours terminés. Mais l’idée devrait réjouir l’ensemble des occupants des premiers numéros de la rue Jacques Kablé, pour qui le spectacle du délabrement de la tour a fait son temps. Pour l’hôtel Villa d’Est, la perspective d’un nouveau concurrent s’éloigne.

Diaporama

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Aller plus loin

Sur Archi-strasbourg : la fiche de la maison du bâtiment
Sur 20 Minutes.fr : la très longue agonie de la maison du Bâtiment (en 2012)


#maison du batiment

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