C’est une immense boite noire à quelques centaines du mètres du Parlement européen. Depuis plus d’un an, un nouveau théâtre s’érige, afin de déménager le Maillon du Parc des expositions, qu’il occupe depuis 1999. Le 7 place Adrien Zeller accueillera désormais un hôtel et le siège social de Puma France. Ce « moment charnière de l’histoire du Maillon », selon les mots du premier adjoint au maire en charge de la Culture Alain Fontanel, est majoritairement pris en charge par la ville de Strasbourg. Sur 29,8 millions d’euros, la municipalité de Strasbourg finance 24,5 millions, tandis que l’État apporte 3,3 millions et la Région Grand Est 2 millions.
La migration vers un espace enfin adapté
Ce déménagement, prévu depuis 2013, est l’occasion pour le théâtre de disposer enfin d’un espace adapté. Le Parc des expositions, occupé pendant 20 ans par le Maillon, n’était pas pensé pour accueillir des spectacles. Au début de chaque été, l’équipe technique était obligée de démonter entièrement la scène, les gradins, les lumières, les coulisses… Objectif : laisser la place à la Foire Européenne de Strasbourg. La programmation devait donc tenir entre octobre et mai.
Le nouveau théâtre, d’une surface de 6900m², comporte deux salles de spectacle. La jauge est plus importante que celle de l’ancienne salle : 700 spectateurs assis (contre 592) ou 1400 debout. Une partie des gradins est amovible afin de réduire la jauge à 538 places. La présence d’une petite salle, de 250 places, constitue un avantage inédit. Jusqu’ici, l’unique salle fonctionnelle du Maillon interdisait de présenter des spectacles tout en disposant d’une place suffisante pour des troupes en répétition
La présence de cette salle supplémentaire offre de nouvelles perspectives mais Barbara Engelhardt, la directrice du Maillon, tempère l’élargissement de la programmation :
« À budget constant, il sera difficile d’augmenter la programmation. Mais c’est inscrit dans le projet artistique du Maillon de développer le volet création, et aussi de proposer ce lieu comme un outil de travail, un lieu de résidence et de recherche. »
Le budget du Maillon ainsi que ses effectifs ne connaîtront aucune augmentation pour l’instant. Pour développer la programmation et les moyens du théâtre, Alain Fontanel évoque un « enjeu de partenariats et de mécénats » avec les entreprises installées dans le quartier d’affaires :
« La Ville de Strasbourg finance aujourd’hui 85% du budget du Maillon et nous sommes tout à fait ouverts à ce que d’autres partenaires viennent renforcer ces dynamiques. »
Accueillir le public dans la nouvelle demeure
L’une des principales préoccupations des équipes du Maillon est de déménager « l’âme » de son théâtre en même temps que ses meubles. Et d’éviter que le public craigne désormais de franchir les ports de cet imposant cube de béton, ce que l’on appelle, « l’effet seuil ». C’est un écueil que le Parc des expositions limitait grâce à son espace ouvert et son vaste bar au mobilier dépareillé. Le massif bâtiment en cours d’achèvement et son hall d’accueil de 500m² pourraient intimider.
Mais selon Barbara Engelhardt, cette adaptation se fera d’elle-même, après une période de rodage :
« Notre programmation est pluridisciplinaire et s’ouvre à des publics très différents. Cela permet qu’il y ait cette multiplication de générations et de publics. Je crois que ce sont les mêmes principes qui vont nous permettre de recréer une ambiance, une atmosphère, une ouverture vers la ville. Ce n’est pas la moindre des qualités du nouveau bâtiment d’avoir une telle ouverture dans son espace. »
Ceci n’est pas un théâtre
Ce bâtiment devra s’adapter aux évolutions de la création artistique et du public des prochaines décennies. Le projet de LAN Architecture, retenu parmi 155 dossier, a relevé le défi. Il rompt avec l’organisation traditionnelle des théâtres, composée de trois espaces distincts : la boite noire de l’espace scénique, les coulisses pour la technique et les artistes, et l’accueil pour le public qui est généralement un lieu de passage et d’achat. Pour le Maillon, il s’agit de favoriser une porosité entre les espaces et de stimuler les flux de circulation des spectateurs.
Le Maillon sera un espace physiquement modulable. Les grandes baies vitrées séparant le hall, l’espace de convivialité et la petite salle sont amovibles et pourront s’ouvrir pour fusionner les espaces. Le lieu est pensé comme une rue : une grande coursive de 800m² servira d’espace de circulation pour accéder aux salles ainsi qu’au bar du théâtre. Autour de cet axe central, les pièces sont des modules qui peuvent se rassembler ou se séparer. Les parois entre le bar, le hall de convivialité, la billetterie et le couloir de circulation peuvent elles aussi se mouvoir.
Le Maillon donnera son ultime représentation au Parc des expositions le samedi 30 mars, avant de quitter définitivement les lieux. En attendant de pouvoir investir ses nouveaux locaux, l’équipe administrative ira s’installer rue de Berne, afin de piloter le reste de la saison.
Les derniers spectacles seront présentés au Théâtre Jeune Public, au théâtre de Hautepierre mais aussi dans des lieux plus insolites comme un camion ambulant ou un parking souterrain de la Petite France. Ce chantier, débuté en octobre 2017, s’achèvera à la fin de l’été. La saison 2019-2020 débutera en novembre.
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