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Faute de budget, le Maillon prévoit un mois d’activité en moins l’an prochain

« On est arrivé au bout du rouleau ». Les mots de Bernard Fleury, directeur du théâtre Le Maillon devant ses abonnés jeudi soir. Devant faire face à une augmentation de ses dépenses et à une stagnation de ses moyens, la situation financière du Maillon est devenue critique, au point de raccourcir la saison prochaine.

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De gauche à droite, Thierry Baechtel, administrateur, Christophe Winckel, président de l’association des abonnés, et Bernard Fleury, directeur. (Photo FW / Rue89 Strasbourg)

« Pour la première fois depuis la création du Maillon en 1978, nous n’avons pas pu voter le budget en novembre », a déclaré jeudi soir Michel Reinhardt, président de l’association qui régit le théâtre du Maillon, devant environ 300 personnes lors de l’assemblée générale des abonnés du théâtre. Selon l’équipe dirigeante du Maillon, il manque plus de 80 000€ pour boucler le budget 2014 et proposer une saison complète. Faute d’une subvention exceptionnelle, le théâtre ne démarrera sa programmation qu’en novembre 2014.

L’état des finances du Maillon préoccupant

Depuis deux ans déjà, les subventions sont en baisse, selon l’analyse de l’équipe dirigeante du Maillon, avec des conséquences directes sur la programmation et la production des spectacles. « Nous réduisons le champ de l’offre auprès de notre public. Je crains que plus le temps passe, moins vous pourrez bénéficier de notre programmation… », a avoué Christophe Winckel, président de l’association des abonnés. « On a pas envie de vous dire que nous sommes pessimistes, mais parfois, nous sommes en colère. »

Car l’équipe en veut à la Ville, pourvoyeur des recettes du Maillon à plus de 75%, et l’accuse de rester silencieuse face aux alertes. Sans rallonge budgétaire, la programmation 2014 / 2015 ne se fera plus que sur sept mois au lieu de huit, comme l’a expliqué Michel Reinhardt aux abonnés :

« On ne s’engage pas si le budget ne suit pas. Ce n’est pas pour vous faire peur, car l’excellence de notre programme restera la même. La question est de savoir comment dépenser. La municipalité prévoit de construire un nouveau théâtre pour le Maillon, à deux salles, en 2017 mais ne nous donne aucune réponse sur une éventuelle aide financière pour aujourd’hui. À ce jour, depuis novembre 2013, pas de réponse. Je ne comprends pas. »

En 2007, l’écart entre les recettes et les besoins du Maillon pour assurer sa programmation était de 39 156€ pour une subvention municipale d’environ 2,4 millions d’euros. Cet écart a doublé entre 2011 et 2012, puis a encore doublé entre 2012 et 2014, malgré une revalorisation de la subvention de 1,5% en 2013. Le manque de financement s’élève à ce jour à 257 856€ pour rétablir le niveau de fonctionnement de 2006.

En 2017, la construction d’un nouveau théâtre

Depuis 1999, le Maillon est pour ainsi dire « sans locaux fixes », squattant une partie du parc des expositions depuis son déménagement de Hautepierre en 1999. C’est donc peu dire que l’équipe, actuellement dans des bâtiments préfabriqués, attend ardemment la construction du nouveau théâtre, qui devrait être inauguré en 2017. Mais pour le directeur du Maillon, Bernard Fleury, l’implication des collectivités publiques pour ce nouveau théâtre devra suivre :

« C’est bien de construire une nouvelle structure, avec deux salles de spectacles. Mais là, on se dirige vers la baisse de l’offre sur une seule salle ! Le problème vient des subventions qui ne sont jamais actualisées, alors que nos charges augmentent. D’abord, la masse salariale, mécaniquement (+30 000€), puis la location des préfabriqués (15 000€ par an), la taxe complémentaire sur les salaires dont on va devoir s’acquitter en 2014 (53 000€), la taxe sur les transports (15 000€)… Les contrats de plan avec l’État mentionnent l’évolution du Maillon en scène nationale depuis 1998, mais on ne voit rien venir… La Ville doit se bouger maintenant, on ouvre un nouveau théâtre, c’est quand même important ! »

Les choix de la Ville critiqués

Lors de l’assemblée générale, Christophe Winckel et Michel Reinhardt ont vertement critiqué les choix de la Ville :

« Il faut secouer cette municipalité ! On nous a baladés pendant des mois. Si la Ville pense que Le Maillon, c’est fini, qu’elle le dise ! Le fait de maintenir des budgets à euros constants n’est pas une réponse. Des idées sans carburant ne servent à rien. Alors où trouver ce carburant, si ce n’est à revoir la politique culturelle de la Ville ? Strasbourg sera au mois de février, période de la Saint-Valentin, la « capitale de l’amour », ce qui engendrera des festivités à des coûts importants (400 000€ financés par la Ville, ndlr)… Si ça ce n’est pas effarant. »

De son côté, Daniel Payot, adjoint au maire en charge de la Culture, est un brin agacé par les appels insistants du Maillon :

« Pour équilibrer un budget, il y a d’autres solutions que raccourcir la saison. Le Maillon peut acheter des spectacles moins chers, développer les coproductions, améliorer ses partenariats, etc. Le budget culture a été stable durant l’ensemble du mandat, il n’y a pas d’augmentation. Tout le monde est soumis à des limites budgétaires. De plus, la subvention du Maillon a augmenté de 35 000€ en 2013, ce n’est quand même pas rien. Quant au projet qui conviendra pour le nouveau théâtre en 2017, il n’est pas encore discuté aujourd’hui et dans tous les cas, il faudra renouveler le modèle économique. On ne peut pas continuer avec une collectivité contribuant seule à plus de 90% des subventions de fonctionnement ! »

Mobilisation pour les élections municipales

Quant au classement du Maillon en scène nationale, Daniel Payot avoue « être assez pessimiste » sur cette évolution, à la suite des contacts qu’il a eu au ministère de la Culture. L’État n’étant guère porté à la dépense par les temps qui courent, surtout qu’une scène nationale bénéficie d’au moins 500 000€ de subvention.

Du coup, l’équipe du Maillon a appelé jeudi soir à la « mobilisation » de ses 2 300 abonnés, ayant en tête les rendez-vous électoraux à venir. Christophe Winckel :

« En tant qu’abonnés, il faut revendiquer et exprimer en votre nom, votre volonté concernant les programmes, la mise en place d’une scène nationale et européenne et d’obtenir tous les budgets du fonctionnement. Je ne veux pas de manifestations, pas encore, mais des débats, des actions pour montrer que le Maillon est présent et vivant. »

Cet appel a été très majoritairement approuvé par les membres présents. A l’issue de l’assemblée générale, les abonnés ne cachaient pas leur inquiétude pour l’avenir de leur théâtre préféré. Certains craignent que le prix des places n’augmente, même si cette option ne comblerait pas les besoins, même avec des places à 100€.

(édité par Pierre France)


#Bernard Fleury

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