Dans un monde marqué par les aléas du libéralisme, l’art est la bouée de sauvetage de nos âmes. Quand cet art flirte avec des questions politiques c’est encore mieux. Dennis Kelly, auteur de la pièce joliment nommée « Love and Money », tombe à point nommé à l’heure d’un monde nouveau. De Strasbourg à Pékin en passant par Londres, il est de ces vérités dites dans cette oeuvre qui sont nécessaires.
Le matérialisme et l’ultra-modernité peuvent être fatales lorsqu’elles rencontrent les sombres chemins de la solitude. Les comédiens impliqués ont eu fort à faire pour montrer, à travers cette pléthore de saynétes engagées, à quel point l’ère de la consommation pouvait détruire des cerveaux inspirés.
Long voyage vers les enfers
Dès le premier épisode de ce qu’allait être une longue série, nos cœurs furent aux aguets : comédien qui pleure et qui cherche encore sa place dans le monde moderne, un couple de retraités jalousant avec aigreur et cynisme du couple voisin (jusqu’à mûrir pour eux de sombres desseins), une femme établissant une longue tirade (on aurait cru voir une déesse grecque…) sur l’origine de la terre en démontant au passage son expertise scientifique… Toute une série de romans dans une pièce de théâtre.
Sans dépeindre vulgairement une satire des dysfonctionnements d’un monde qui perd ses plus vives couleurs, la pièce sait utiliser des codes existants pour détruire l’argument néolibéral. Pièce éminemment politique, son cœur n’en est pas moins romanesque. Abordant avec sarcasme et gravité l’absence de dialogue avec les êtres.
Révolution amoureuse
Sous les lumières d’une grande ville nous sommes de plus en plus des figurants. Solitude, destruction de la nature amoureuse, destruction du mythe consumériste, les comédiens (excellentissimes) de cette pièce ont dit tout haut ce que des révolutionnaires secrets pensent tout bas. Cette pièce ressemble à Che Guevara : combatif jusqu’à la violence, romantique à outrance dans son idéologie.
Cette pièce a incarné la lutte pour sauvegarder les préceptes de cette religion nommée Amour. Petits contes cruels et ironiques, vous ne pouvez pas ne pas être scotchés par tant d’implication dans le jeu, jusqu’aux gestes et attitudes les plus infimes. Les dialogues entre hommes et femmes, profonds, nous tenaient en haleine, à la recherche de la plus belle indignation. Hommes et femmes faisaient semblant, comme le disait Antoine Blondin dans « L’Humeur vagabonde », de « continuer à jouer en double mixte le jeu de la société. »
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