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Il ramasse des déchets dans la rue, la police le verbalise

Depuis 6 ans, Loïc Krun parcourt les rues de Strasbourg, en récoltant les détritus laissés par terre ou dans les interstices de la ville. Mais mardi, il a été verbalisé par la police pour « dépôt d’ordures sur la voie publique. »

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Dans l’après-midi du mardi 16 mars, le Strasbourgeois de 22 ans, Loïc Krun, arpente avec trois autres amis la rue de Koenigshoffen, dans l’objectif de débarrasser ses abords de déchets en tous genres. Le jeune homme pratique ces « opérations de nettoyage volontaire » pratiquement chaque jour. Ce mardi là, en une heure, la petite équipe a ramassé 14 kilos de bouteilles en plastiques, mégots, masques qui étaient dispersés dans la végétation, souvent dans des endroits qu’aucun service ne nettoie.

« On n’a même pas fait 100 mètres pour trouver toutes ces ordures. C’était juste dans l’herbe, derrière une grille, » raconte Loïc Krun. À la fin de la journée, les quatre camarades décident de déposer les 30 sacs poubelles résultant de leur opération, sur un trottoir de la rue de Koenigshoffen, à côté d’une poubelle publique, devant le bâtiment de l’Association d’accueil et d’hébergement pour les Jeunes.

Loïc Krun, près des sacs sur la photos, et trois amis ont récolté 14 kg de déchets, qu’ils ont entreposés rue de Koenigshoffen pour que la ville puisse les ramasser. Photo : Loïc Krun / doc remis

Mais vers 18 heures, des agents de police interpellent Loïc Krun. Ils lui disent qu’il n’a pas le droit de déposer des ordures sur le trottoir et qu’il doit les déplacer, soit dans des containers dédiés soit à la déchetterie. Les agents notent l’adresse de Loïc et l’avertissent qu’il recevra une amende d’un montant de 90€ pour « dépôt d’ordures sur la voie publique ».

Loïc Krun détaille : 

« Les policiers m’ont dit que je ne pouvais pas mettre des ordures devant ce bâtiment, qui est historique. J’ai expliqué que je faisais un acte citoyen en ramassant les ordures mais ils n’ont rien voulu entendre. »

Le lendemain à 6 heures, les poubelles n’ayant pas été ramassées, des policiers sonnent chez Loïc Krun :

« Dans la soirée, la Ville a ramassé ses propres poubelles mais pas les nôtres. C’est étonnant car on les place sur le parcours des équipes de propreté, et d’habitude ils les ramassent. Les déchets étaient donc encore là mercredi matin. Les policiers m’ont dit que si je ne les enlevais pas dans la journée, ils doubleraient l’amende. J’ai déplacé les 30 sacs un peu plus loin dans la rue pour qu’ils ne soient plus devant le bâtiment historique mais je ne peux pas les enlever, je n’ai pas de voiture pour amener tous ces sacs à la déchetterie. »

« Trois ou quatre amendes en 6 ans »

Loïc Krun s’étonne de ce renversement de la peine :

« Je n’ai rien fait de mal. J’ai fait un geste citoyen en ramassant les déchets donc je ne comprends pas bien pourquoi je devrais payer une amende. Ce sont les gens qui jettent des détritus par terre qui devraient être punis par une amende, pas moi. »

Pourtant, Loïc Krun a déjà reçu « trois ou quatre amendes » délivrées par les polices municipale et nationale, depuis qu’il a commencé ses journées de nettoyage dans Strasbourg il y a 6 ans, toujours pour l’interdiction de déposer des ordures sur la voie publique. Le montant des amendes varie entre 90 et 180 euros. À ce jour, Loïc Krun n’a payé aucune de ces amendes, et n’a pas reçu de rappel de l’administration. Il compte ignorer de la même manière l’amende de mardi, s’il la reçoit.

Les déchets laissés sur le sol rue de Koenigshoffen Photo : Loïc Krun / doc remis

« Depuis le début de la pandémie, il y a encore plus de déchets »

Loïc Krun a commencé à parcourir les rues de Strasbourg pour les nettoyer de leurs déchets car « il en avait marre de voir des ordures s’accumuler dans la ville. » Les DNA lui ont consacré le titre de « héros de l’ombre du ramassage des déchets. » En 6 ans, il estime avoir enlevé environ 10 tonnes de déchets à lui seul :

« Si je vois des ordures en me promenant, je les ramasse et je les jette directement à la poubelle. C’est juste normal pour moi. Si le nombre de déchets est trop important ou qu’ils sont trop volumineux, j’appelle des amis pour m’aider ou des personnes qui font partie du groupe de Cleanwalk – collecte de déchets – sur Facebook pour m’aider. »

Sans emploi, le jeune homme consacre environ 4 heures par jour à cette activité. « Je sors quand je suis motivé, et je le suis presque tous les jours, soit le matin, soit l’après midi, » précise-t-il.

Depuis le début de la pandémie, l’activité de nettoyage de Loïc Krun s’est intensifiée :

« Les gens jettent par terre leurs masques, leurs gants… Une fois, j’ai ramassé plus de 200 masques en 4 heures. Bien sûr, il y a aussi beaucoup de mégots de cigarettes mais je ne les compte plus. »

Lors de ses marches, le jeune homme ramasse aussi beaucoup de seringues et des couteaux. Pour se protéger, il a acquis au fil du temps un équipement de nettoyeur des rues :

« J’ai des gants, une pince pour attraper les objets au sol, des gants spéciaux pour l’amiante, une combinaison… »

30 sacs poubelles ont été remplis lors du Cleanwalk du mardi 16 mars Photo : Loïc Krun / doc remis

Soutien de l’ONG Octop’us

L’organisation non gouvernementale de dépollution Octop’us, créée en 2019, a apporté son soutien à Loïc Krun. Lola Ott, présidente de l’ONG strasbourgeoise, a proposé au jeune strasbourgeois de prendre à sa charge le montant de l’amende, s’il la recevait. Un geste motivé par les principes mêmes de son ONG :

« Notre but est de soutenir et d’inciter toutes les personnes qui mettent en place des actions de dépollution. Nous n’avons jamais vu une personne être sanctionnée pour avoir ramassé des déchets. C’est une aberration. Nous n’avons pas envie que Loïc se décourage et arrête de ramasser les déchets. »


#pollution

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