« Nous aussi on a des examens, ce n’est pas notre faute si le gouvernement a fait voter une loi raciste la semaine des partiels. » Sur le campus Esplanade de l’Université de Strasbourg, les étudiants et étudiantes s’amassent jeudi 21 décembre. Depuis 6h, le bâtiment du Patio est bloqué par des poubelles et des grilles de chantier.
Au-dessus, une banderole dénonce les dispositions de la loi sur l’immigration, adoptée le 19 décembre par l’Assemblée Nationale, visant les étudiants étrangers (l’exigence d’une « caution retour » pour les étudiants non européens, l’augmentation de leurs frais d’inscription à l’université et la mise en place de quotas migratoires chaque année).
Les étudiants mobilisés prévoient d’organiser une assemblée générale devant le Patio, jeudi 21 décembre à midi puis un rassemblement devant la préfecture du Bas-Rhin, place de la République, à 19h.
« C’est un moment charnière »
Arnaud, 20 ans et membre du syndicat étudiant Solidaires, fait partie de ceux qui se mobilisent contre ce texte. « La préférence nationale pour les aides sociales, la caution pour les étudiants venant d’hors d’Europe et l’augmentation des frais de scolarité, c’est intolérable », assène-t-il. « Ce sont des mesures d’extrême droite et nous devons nous mobiliser contre, même si c’est la semaine des partiels », poursuit-il, décrivant « un moment charnière ».
L’action de blocage concerne un bâtiment dans lequel des cours et des examens sont prévus ce jeudi matin. Elle est organisée par deux syndicats étudiants et soutenue par plusieurs collectifs, tels que D’ailleurs nous sommes d’ici, l’Action antifasciste Strasbourg et Extinction Rebellion. Dès 7h30, un agent de l’Université vient à la rencontre des étudiants pour tenter de faire cesser le blocage :
« Expliquez-moi le bien fondé de cette action. C’est pour quoi, le blocage de ce matin ? Riposte anti-raciste ? Et mardi, c’était quoi, pour la Palestine ? Vous êtes ridicules. Ce qui me gêne, c’est que dès 8h, beaucoup d’étudiants ont des examens. On va faire en sorte que les étudiants puissent rentrer. »
Peu après 8h, le bâtiment est toujours bloqué par les étudiants et certains examens ont été reprogrammés après les vacances de Noël.
« On a des droits »
« Pendant un blocage, lorsque les étudiants n’ont pas accès, physiquement, au bâtiment, les examens doivent être reportés, déplacés annulés ou organisés en visio », détaillent deux militantes de la Fédération syndicale étudiante (FSE) de Strasbourg. « En tant qu’étudiantes, on a des droits », assènent-elles.
Pendant que les prises de paroles s’enchainent au mégaphone devant le Patio bloqué, des étudiants en Sciences et techniques de l’activité physique et sportive (Staps) s’approchent. Ils devaient passer des examens en licence 1, licence 2 et en master, dont certains viennent d’être décalés. C’est le cas de celui de Quentin, en deuxième année de licence.
« Le prof vient de nous dire que l’examen était reporté. Je ne savais pas qu’il y avait une mobilisation, je ne comprends pas trop de quoi il s’agit. Je sais juste que j’ai un exam et que j’ai envie de le passer car je suis venu exprès de Haguenau. Bon là, au moins, c’est juste reporté. »
Quentin, étudiant L2 Staps
Un peu plus tôt, son collègue de master Mattéo, regarde le blocage de loin. Encore un peu endormi, il prend le tract rédigé par les militants et écoute l’un d’entre eux expliquer qu’ils tenteront de demander une validation d’examen pour ceux prévus dans le Patio le matin. En un sourire, il se met légèrement à l’écart.
« J’ai entendu parler de la loi et je suis contre. Mais honnêtement, moi ça m’embête de ne pas pouvoir passer mon exam ce matin. J’ai un train pour Limoges à 15h et l’exam devait se finir à 13h. Et je suis obligé de le passer. Et en même temps, c’est important de manifester, donc je ne suis pas fâché. Si c’est reporté à janvier, il va juste falloir que je réapprenne tout ! »
Mattéo, 21 ans, étudiant en master Staps et Inspé
Dans la cacophonie des rumeurs, une étudiante lit également les raisons de la mobilisation. Une étudiante de 49 ans en master Métiers de l’enseignement n’a pas d’examen ce matin. « Mais j’avais pris les croissants pour le cours », sourit-elle. « Si j’avais su, je ne serais pas venue et j’aurais économisé l’essence », complète-t-elle.
Critiques des positions de la présidence
Laurence Rasseneur, co-secrétaire du syndicat d’enseignants-chercheurs Snesup-FSU et professeure de sciences du sport observe elle aussi la mobilisation, adossée à son vélo. « C’est bien que les étudiants s’organisent, pour celles et ceux qui ne mesurent pas encore les conséquences de cette loi », estime-t-elle. Les personnels enseignants ne participent pas au blocage.
Le président de l’Université de Strasbourg, Michel Deneken, s’est positionné contre la loi sur l’immigration (lire son interview). « Mais il n’a rien fait lorsque les frais d’inscription en master ont augmenté », raille Laurence Rasseneur. Pour Arnaud, militant Solidaires, « les raisons de son opposition, basées sur l’excellence universitaire, ne sont pas les mêmes » que celles portées par les étudiants.
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