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Logement étudiant : les marchands de listes montrés du doigt

Après les résultats, l’été des nouveaux bacheliers est souvent consacré à la préparation de leur rentrée universitaire. Premier objectif: trouver un logement. Certains se dirigent vers les agences immobilières à la recherche de la perle rare, mais la vente de listes d’annonces continue de faire polémique.

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Certaines agences immobilières proposent des offres spécifiques pour les étudiants. (Photo JR)

Avec près de 45 000 étudiants, Strasbourg est l’une des principale ville étudiante de France. Comme tous les ans, les agences immobilières vont faire le plein en septembre. Certains étudiants ont prévu le coup et adressé une demande de logement auprès du Crous de Strasbourg. Mais les places sont rares : un peu plus de 5 000 lits en cité ou résidence universitaire. Par ailleurs, une partie de ces logements sont vétustes, d’autres peuvent être très bruyants et bon nombre d’étudiants préfèrent se diriger vers le parc locatif privé. L’ennui, ce sont les prix de l’immobilier, très élevés à Strasbourg. Thibaut Klein, président de l’Afges, association fédérative générale des étudiants de Strasbourg, dresse un rapide tableau de la situation de la ville :

« Nous avons réalisé plusieurs études qui révèlent que la majorité des étudiants strasbourgeois vivent en colocation. C’est un moyen économique et intéressant de se loger. Nous avons également remarqué que ceux qui vivaient en cité ou résidence universitaire ont tendance à souffrir de la solitude. Les colocations sont un excellent moyen de stimuler la vie sociale des étudiants. »

La place de Zurich, dans le quartier de la Krutenau. Idéalement situé entre le centre-ville et le campus de l’Esplanade, ce secteur est privilégié par les étudiants. (Photo JR)

Agences immobilières trop chères

Pour trouver un studio ou une colocation, les étudiants essayent d’éviter de passer par des agences, synonymes de frais importants lors de la signature d’un bail. Ils ont également la possibilité de se tourner vers le Crous, qui a mis en ligne un site réservé aux annonces de particuliers : lokaviz.fr. Bastien, étudiant à l’institut d’études politiques (IEP) de Strasbourg, évoque les difficultés qu’il a rencontrées pour trouver une colocation l’année dernière:

« J’ai commencé à chercher très confiant, car je connaissais des amis qui avaient trouvé très facilement, en une semaine, voire moins. Je cherchais une colocation avec un ami. J’ai effectivement trouvé pas mal de choses en 2-3 pièces, juste en regardant les sites des agences et en téléphonant quand je trouvais quelque chose. J’ai calé plusieurs rendez-vous sur une journée fin juillet. Lors de ma journée de visite, j’en ai retenu deux, mais je me suis fait griller la politesse à chaque fois. En fait, cette année-là, le marché était particulièrement tendu apparemment, selon les agents. De plus, les colocs étudiantes de deux garçons ont mauvaise réputation auprès des particuliers. Finalement, on a trouvé notre bonheur une semaine avant la rentrée de septembre chez Foncia, un appart juste en face de l’IEP. Ça n’a donc pas été évident, deux mois de recherche, mais on a pu trouver quelque chose de bien. »

Pressés par l’urgence, bon nombre d’étudiants se dirigent finalement vers les agences. Mais les agences immobilières ne font pas de « prix étudiants » : à chaque signature de bail, il faut s’acquitter de frais qui représentent environ un mois de loyer, Bastien a déboursé près de 500€.  Une somme hors de portée pour bon nombre d’étudiants qui se rabattent alors sur les marchands de listes d’annonces.

Ces listes, vendues entre 100€ et 200€, contiennent entre une quinzaine et une trentaine d’annonces. Les numéros de téléphone des propriétaires y sont inscrits. Aux étudiants de les contacter et d’organiser eux-mêmes des visites. S’ils concluent la signature d’un bail, ils n’ont plus de frais.

180€ la liste d’une quinzaine d’appartements, mais combien de vraiment disponibles ?

Ces listes sont vivement critiquées. D’une part en raison de leur coût important, surtout si l’on imagine qu’un client ne trouve finalement pas d’appartement, d’autre part, les biens répertoriés sont listés sans critère de qualité (appartements trop vieux, mal situés…). Pire, certaines agences ne mettent pas à jour suffisamment vite leurs listes et certains biens pourtant listés ne sont plus disponibles. Marie, ancienne étudiante à la faculté d’histoire de Strasbourg, estime avoir vécu une mauvaise expérience en achetant une liste d’annonces à l’agence immobilière Mil’Im.

« En 2006, avec deux copines, nous cherchions une colocation sur Strasbourg. Moi je n’avais aucune envie de passer par une agence, mais l’une d’entre nous a insisté donc nous sommes allées à Mil’Im. Nous avons dit ce que nous cherchions : un trois pièces situés dans le centre ou à l’Esplanade. Une agent nous a proposé une liste d’une petite quinzaine d’annonce, à 180€. Elle nous a prévenues que certains propriétaires seraient plutôt réticents à l’idée d’une colocation et plusieurs d’entre eux nous ont effectivement envoyées balader. Ça a déjà éliminé une partie des annonces. Au final, nous n’avons visité que peu de biens. Les beaux appartements étaient déjà loués ou exclus de la colocation et les autres n’étaient pas en bon état… Nous avons donc payé 180€ pour rien. »

Présente dans l’Est de la France, l’agence immobilière Mil’Im est vivement critiquée concernant ses ventes de listes. (Photo JR)

Les trois amies n’ont finalement pas trouvé d’appartement sur cette liste et Marie n’a pas fait partie de la colocation. Les deux autres ont trouvé un logement grâce au bouche à oreille. La jeune femme confie qu’elle ne passera plus jamais par un marchand de liste pour trouver un appartement. Elle préfère désormais utiliser les sites internet d’annonces comme Le bon coin et Vivastreet.

L’agence Mil’Im, située quai Kellerman à Strasbourg, est présente sur le marché national. Sur internet, les avis négatifs sur l’entreprise sont nombreux (voir par exemple les témoignages d’anciens clients sur les sites droit-finances.netyahoo.com et ciao.fr). Des internautes se plaignent des méthodes de vente de la société et des listes qu’elle vend. Les appartements ne conviendraient pas et beaucoup estiment que les agents les poussent à acheter des listes. Un responsable de l’agence  Mil’Im de Strasbourg estime que ces déclarations ne sont pas fondées:

« Ce ne sont que des mensonges. Nous demandons aux propriétaires toutes les semaines si leur bien est loué. Ces derniers savent très bien qu’ils doivent nous contacter dès que si leur bien est loué. Ce n’est donc tout simplement pas possible. Si les gens ne trouvent pas, c’est qu’ils ne cherchent pas correctement. »

Ce responsable ne se sent pas concerné par les critiques faites aux marchands de listes.  Selon lui, les agences Mil’Im étaient bien regroupées sous une franchise, mais depuis quelques années, chacune fonctionne indépendamment l’une de l’autre. Toujours selon ce responsable, les méthodes employées par les autres agences ne sont pas les mêmes que celle de Strasbourg. Pour ce qui est de la mise à jour des listes, une autre agence, La chaîne des propriétaires et des particuliers, située rue Sédillot, tient à rappeler leur fraîcheur :

« Nous sommes très attentifs aux disponibilités des biens à louer. Les propriétaires nous appellent toutes les 48 heures pour nous signaler tout changement. Nous ne vendons pas de listes contenant un ou plusieurs appartements déjà loués. La satisfaction des clients est fondamentale pour nous, nous devons donc proposer des services de qualité. »

L’agence immobilière La chaîne des propriétaires et des particuliers propose également des listes d’annonces aux étudiants. (Photo JR)

En 2009, Nicolas, étudiant à l’IEP, à ce moment-là, a lui aussi passé la porte de l’agence Mil’Im de Strasbourg. Il cherchait également une colocation avec trois de ses amis. La liste de l’agence strasbourgeoise n’aurait rien donné:

« On nous a donné une liste d’annonces et un code d’accès pour leur site, où nous pouvions consulter les annonces. Nous n’avons finalement visité que cinq biens, qui ne convenaient pas du tout. Il s’agissait d’anciens bureaux réaménagés en appartements. Mais c’était très mal agencé. En plus nous avions précisé que nous cherchions un logement à proximité du centre et du campus et les appartements étaient principalement situés à Neuhof ou encore près de la place de Haguenau. On est finalement passés par deux agences traditionnelles et nous avons trouvé notre logement avec l’une d’entre elles. On a été naïfs avec Mil’Im, ils font tout pour présenter leurs listes comme des bons plans. »

Au final, Nicolas et ses amis ont donc dû payer une liste et des frais d’agence. Certes, les marchands de listes permettent de payer moins que des frais classiques, mais les chances de trouver un bien sont loin d’être assurées. Les propriétaires, qui paient pour figurer sur ces listes, sont également en cause car ils omettent de préciser dans leurs annonces des caractéristiques qui excluraient leurs biens des recherches des étudiants.

Selon Gérard Durr, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) d’Alsace, le système des listes ne peut pas fonctionner, même avec les meilleures intentions de la part des marchands :

« Ce mode de fonctionnement est très difficilement fiable. Les méthodes des marchands de listes ne peuvent que leur porter préjudice. Certains récupèrent des annonces et les publient et ne maîtrisent pas certaines offres qu’ils proposent aux clients. Les mises à jour des listes ne sont pas assez régulières. Pour bien faire, il faudrait qu’ils contactent les propriétaires tous les jours. Si on imagine une liste avec une cinquantaine d’annonces, cela revient donc appeler cinquante personnes dans la journée. Et même lorsque le propriétaire doit avertir l’agence le plus rapidement possible, demeure le risque qu’un client entame des démarches auprès d’un propriétaire, alors qu’en même temps, des listes où apparaissent ce bien soient vendues. Ils ne peuvent donc pas aussi bien maîtriser les biens qu’ils proposent aux clients qu’une agence classique. Peut-être qu’il ne paye pas de frais, mais le client doit prendre conscience qu’il prend un risque. »

Gérard Durr ajoute que les marchands de listes sont moins représentés qu’il y a quatre ans sur le marché. Les plaintes faîtes à l’encontre des marchands de listes suivraient cette tendance. Généralement, les clients qui estiment avoir été victimes de méthodes douteuses se plaignent auprès de la Direction départementale de la protection des populations. Mais Philippe Recous, le directeur de l’administration comptabilise de moins en moins de plaintes, une à deux par an, en moyenne. Jusqu’ici, il n’y en a eu aucune pour cette année et la dernière mettant en cause Mil’Im date de 2010.


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