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Des locataires de Joseph Benamran toujours désespérés

Deux ans après nos révélations sur les logements insalubres loués par Joseph Benamran à Strasbourg, de nombreux problèmes persistent. Humidité, moisissures et installations douteuses continuent de peser sur le quotidien de plusieurs locataires.

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La cour intérieure rue Thiergarten (Photo Julian Oñoro/ Rue89 Strasbourg)

« Je préfère me doucher sur mon lieu de travail que chez moi » explique Jérémy (tous les prénoms ont été changés), désespéré face à la situation qu’il rencontre dans son appartement. En février 2012, Rue89 Strasbourg avait révélé l’état déplorable de certains logements appartenant tous au même propriétaire, Joseph Benamran, via des sociétés immobilières différentes. Après l’écho médiatique, des interpellations en conseil municipal, des agents de la Ville mobilisés et des mises en demeure, deux ans après, la situation dans les logements de plusieurs bâtiments reste critique, comme le montre notre enquête.

En 2012, 19 immeubles appartenant à Joseph Benamran ont été visés par des enquêtes des services sanitaires de la Ville. Deux de ces immeubles, le 1 rue de la Broque et le 6 place Sainte Aurélie ont été déclarés comme insalubres par un arrêté préfectoral pendant huit mois. Aujourd’hui, toutes les procédures visant les immeubles des sociétés immobilières de Joseph Benamran sont éteintes mais pour autant, la situation reste préoccupante pour plusieurs locataires, souvent des jeunes en mal de garants ou des étrangers. Sur Facebook, le groupe des locataires continue d’enregistrer des plaintes régulièrement.

Des réparations mais en surface

Ainsi au 1, rue de la Broque, près de la Laiterie, l’immeuble a été déclaré insalubre le 24 septembre 2012 après que les agents de la CUS aient repéré des fuites d’eau et des moisissures. Des travaux ont été réalisés entre temps, ce qui a conduit à une main-levée de l’arrêté d’insalubrité le 23 avril 2013. Nathalie, étudiante, s’est installée dans une colocation de l’immeuble avec son compagnon, en profitant de l’exemption de loyer pendant huit mois. Elle détaille :

« Lorsque j’ai emménagé il n’y avait plus de problèmes de coupures d’eau ou d’électricité. Je savais juste que la cave était scellée car des clochards venaient y dormir. Peu après mon installation un mur a commencé à moisir dans ma cuisine. Pour y remédier une plaque de plâtre a été posée deux mois après. Mais si on passe la main dessus, le plâtre s’en va et les moisissures sont toujours dessous. »

Guillaume, un autre voisin de l’immeuble raconte :

« Les murs étaient tagués et la cour était devenue une véritable déchetterie. Les déchets ont été enlevés, mais la façade de la cour présente toujours des installations électriques douteuses. »

La façade de la cour Rue de la Broque (Photo Julian Oñoro / Rue89 Strasbourg)

« Mon mari souffre d’asthme à cause des moisissures de la salle de bain »

Au 42 rue Benfeld à Neudorf, les locataires se plaignent également. La ventilation des pièces d’eau est bouchée depuis un an. Dans un des appartements, une famille de réfugiés politiques ayant 3 enfants, des moisissures sont apparues dans la salle de bain à cause de l’humidité. Deux membres de cette famille souffrent d’asthme, selon Nadia, la mère de famille, qui accuse l’état de l’appartement :

« M. Benamran prenait le problème à la légère lorsque je lui demandais d’intervenir d’urgence étant donné que mon mari et mon fils commençaient à tomber malades. Après plusieurs mois d’insistance une équipe de nettoyage s’est rendue à mon domicile. Elle s’est contentée de passer un simple coup de peinture sur les murs afin de faire disparaître les moisissures. Aujourd’hui, elles sont toujours présentes et le problème d’aération n’est pas réglé. Je continue à attendre l’intervention du propriétaire. »

Les parties communes de cet immeuble sont toujours très sales et de fortes odeurs se dégagent, notamment à cause des déjections de pigeons qui ont envahi la cour. Comme il n’y a pas de nettoyage régulier de l’immeuble, les voisins se sont mis d’accord pour balayer tour à tour la cage d’escalier et les parties communes mais les crottes de pigeons persistent. Une situation qui énerve Jacqueline, l’une des locataires :

« On paie 60 euros de charges par mois pour que les parties communes soient sales en permanence. Les locataires ont remplacé la femme de ménage, mais on la paie quand même ! »

Salle de bain rue Benfeld avec des moisissures sur les murs (Photo Julian Oñoro / Rue89 Strasbourg)

SDF dans les cages d’escaliers

L’immeuble du 26 rue du Tiergarten, près de la Gare, accueillait régulièrement des SDF dans les cages d’escaliers puisque la porte d’entrée était défoncée. Après trois années de plaintes, une nouvelle porte d’entrée a été installée il y a un mois. Mais comme le digicode ne fonctionne pas, les problèmes de squat continuent. Maxime, locataire d’un de ces appartements, explique :

« La nouvelle porte d’entrée est inutile puisqu’elle n’a pas de vitre. Il suffit de passer son bras à travers la porte pour l’ouvrir. »

La porte d’entrée Rue Thiergarten (Photo Claudia Beaudoin / Rue89 Strasbourg)

La tuyauterie de la cave qui explose en pleine nuit

Au 1 rue de Bouxwiller, dans le quartier des Halles, Jérémy y vit depuis septembre en collocation et il n’a qu’une envie, c’est de déménager :

« Tout a commencé par une fuite d’eau dans la salle de bain au mois d’octobre dernier. Après plusieurs mois de réclamations, un plombier envoyé par le propriétaire est venu. Il a fait des travaux afin de connecter mon tuyau d’eau à celui des voisins. Le travail a été bâclé laissant apparaître un trou au sol et au plafond de la salle de bain pendant un mois. Résultat, je pouvais voir mes voisins du dessus et du dessous dans leur appartement. »

Entre temps les trous furent rebouchés fin janvier mais il y a encore des fuites d’eau lorsque le voisin ouvre son robinet de douche. « Je suis obligé de mettre un seau lorsque le voisin se lave sinon ma salle de bain est inondée », raconte Jérémy.

Peu de temps après, en novembre 2013, Jérémy sera réveillé par une voisine, paniquée, parce que de l’eau commençait à inonder la cave. La canalisation d’arrivée d’eau principale de l’immeuble s’était rompue… Les pompiers ont été appelés pour stopper l’inondation, mais l’eau a été coupée pendant plus de deux jours.  

Des situations qui étonnent à la Ville

Pascale Rouillard-Neau, chef du service de l’hygiène et de la santé environnementale à la Ville de Strasbourg, n’est pas au courant de la persistance de problèmes de salubrité. Elle explique :

« Tous les immeubles ont été suivis de très près et des travaux ont été réalisés afin de mettre un terme aux problèmes d’électricité et d’humidité. Aujourd’hui, toutes les procédures sont éteintes. Il y a un sérieux problème d’identification des problèmes. Nous n’avons pas reçu de plainte dernièrement. Mais, au moindre signalement un technicien pourra intervenir sur place afin de faire une observation technique. On est en lutte constante contre l’habitat indigne. »

En avril 2012, Joseph Benamran avait adressé des formulaires aux locataires qui se plaignaient afin de recueillir leurs doléances. Daniel Benamran, fils de Joseph Benamran et dirigeant associé, avait repris en partie la gestion du parc immobilier familial. Il se dit aussi surpris par ces faits :

« On est sorti de la tempête médiatique après d’avoir réalisé plusieurs réparations dans les immeubles concernés. Il y a eu des grands changements depuis l’époque. Il faut savoir se rapporter à ce qui a été fait et ne pas faire d’amalgame. J’estime me montrer disponible pour les locataires et je  trouve intolérable que des personnes souffrent encore de problèmes d’eau chaude. Les locataires ont mon e-mail ainsi que mes coordonnées et je les invite à me joindre afin que nos équipes interviennent au plus vite. »

Il faut peut-être renvoyer une série de formulaires…

Claudia Baudoin
Pierre France


#Joseph Benamran

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