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La livraison de colis, aimant à nouveaux clients pour les petits commerçants

Bureaux de tabac, pressings, fleuristes, supérettes, stations-service : de plus en plus de petits commerces deviennent des points de retrait de produits commandés sur Internet. Mal payés avec des commissions dérisoires, les commerçants espèrent attirer une nouvelle clientèle grâce à ce service supplémentaire, avec parfois des risques pour leur santé.

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Pascale, gérante de pressing, traite en moyenne 70 colis quotidiennement. (Photo Maurane Speroni)

Derrière le comptoir de Pascale, des dizaines de cartons sont empilés devant un immense lave-linge orné d’un autocollant représentant une serveuse new-yorkaise. La gérante du pressing du Polygone, dans le quartier de Neudorf à Strasbourg, est dépositaire de colis depuis sept ans. Le samedi, elle n’arrête pas : les clients venus récupérer un colis défilent dans sa boutique. La commerçante est équipée d’un petit scanner, qu’elle dégaine dès que l’un d’eux réclame un paquet. Quelques-uns viennent quand même déposer du linge.

Comme Pascale, de nombreux commerçants de proximité se mettent à la livraison de paquets. Avec l’essor du commerce en ligne, ce mode de livraison est de plus en plus plébiscité par les internautes. Et pour cause, il est moins cher et plus pratique (horaires d’ouverture plus larges et attente moins longue qu’à La Poste). Du coup, les points relais de proximité se sont multipliés en ville, surtout dans le centre. On en dénombre plus d’une soixantaine à Strasbourg.

Mondial Relay, Relais Colis, Kiala, Pick up, tous promettent aux commerçants une embellie de leur chiffre d’affaires, et tentent de les séduire pour densifier leur réseau. Sur son site internet, Relais Colis assure que le service « permet d’attirer de nouveaux clients, 25 par jour en moyenne, et de fidéliser la clientèle ». Laurent Soleilhac, le directeur marketing de Pick Up (le réseau de relais du groupe La Poste), renchérit :

« Le commerçant y trouve son intérêt dans le trafic supplémentaire, mais c’est à lui de capitaliser dessus. On estime qu’en moyenne, il va toucher entre 10 et 15% de chiffre d’affaires supplémentaire grâce au passage généré par les livraisons ».

Un « dédommagement » plutôt qu’un complément de revenu

Présente depuis 12 ans à Neudorf, Pascale compte bien dessus :

« Depuis de la ligne C du tram, la rue est devenue une espèce de “no man’s land”. Plusieurs commerces ont fermé le long de la route… L’activité colis, c’est ce qui m’a permis de ne pas baisser le rideau à mon tour. Les clients viennent chercher un colis puis font un essai au pressing, ils ramènent un pantalon. Depuis que je suis chez Mondial Relay, j’estime avoir augmenté de 10 à 12% mon chiffre d’affaires. Mais j’y consacre plus de deux heures par jour ! »

Réception, enregistrement informatique, rangement : Pascale opère un véritable travail de manutention. Chaque soir, elle déplace tous les colis pour les mettre en sécurité dans son arrière-boutique. Il y a quelques temps, elle chute après s’être pris les pieds dans un carton. Les ligaments de son épaule lâchent. Obligée de fermer boutique une demie heure plus tôt pour suivre des séances de kinésithérapie, elle fait face au mécontentement de certains clients. Et elle doit continuer à soulever les colis, péniblement.

Pour ce travail, les commerçants touchent une commission : 30 à 50 centimes d’euros (selon les réseaux) par colis délivré. Pour les retours de colis, c’est deux fois moins. Pascale réceptionne entre 60 et 70 cartons par jour avec des pointes avant Noël et pendant les soldes : en décembre 2014, elle a géré plus de 1 600 colis !

L’objectif de Pick Up est d’avoir un point de retrait de colis pour 10 000 habitants (Photo Maurane Speroni)

Pour fidéliser la clientèle, chez Pick Up par exemple, les conseillers soufflent aux commerçants des astuces, comme glisser un coupon de réduction du magasin avec le colis. Pascale l’a compris depuis longtemps : sous son comptoir, elle a toujours à portée de main des bonbons pour les enfants et des friandises pour les chiens. Peut-être la clé de sa réussite. Elle a aussi la chance d’être bien placée, au cœur du Neudorf, sans trop de concurrence. Mais pour d’autres petits commerçants, la situation est toute autre.

À peine 40 euros par mois pour certains commerçants

Gu Xiaonan gère avec son épouse, une maroquinerie située au centre-ville de Strasbourg. Il y a deux ans, un commercial franchit la porte de sa boutique et lui propose de devenir point de proximité pour le retrait de colis. Horaires d’ouverture amples, accès facilité (à pied et en voiture), réserve sécurisée pour stocker les colis : la maroquinerie remplit tous les critères. Dans l’espoir d’attirer des clients potentiels, Gu Xiaonan rejoint le réseau. Car depuis 2008, les affaires se portent moins bien. Alors, tous les moyens sont bons pour redresser la barre. Depuis deux ans et demi, le maroquinier réceptionne les colis chaque matin. Entre 100 à 150 chaque mois, pour 40€ mensuels environ. Dérisoire.

« Pour le travail que je fais [il y consacre une heure par jour, ndlr], la rémunération n’est pas suffisante. Mais ça fait connaître le magasin. Certaines clientes repéreront peut-être un sac dans la boutique. Ce ne sont pas des sommes énormes mais je pense que mon nombre de ventes a un peu augmenté. »

« Les sites de commerce en ligne : les grands gagnants »

Vincent, buraliste au centre-ville de Strasbourg est dépositaire de colis depuis l’ouverture de son affaire, il y a trois ans. Il voulait « générer du passage ». Lui aussi estime que 10 à 15% des personnes venues chercher un colis se laissent tenter par un achat à son comptoir. Pour autant, il ne semble pas satisfait, 30 colis par jour viennent encombrer sa petite réserve :

« Ça pollue un peu l’activité principale parce que ça prend du temps. Ce n’est pas une vraie diversification. À 30 centimes le colis, ça ne génère pas un revenu suffisant. Avec 200 à 400€ par mois, à part payer les petites factures, qu’est-ce qu’on peut faire ? Les vrais gagnants, ce sont les sites de commerce en ligne [qui peuvent proposer des frais de port moins chers à leurs clients, ndlr], ils pourraient nous payer un peu plus. »

Selon lui, aucun commerçant n’ose se rebeller, de peur d’être remplacé par son voisin.


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