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La littérature prend le soleil aux Bibliothèques idéales

Le couvre-feu se fane, les masques tombent et les Bibliothèques idéales rouvrent leurs portes pour un temps fort estival. Sur la scène de l’Opéra national du Rhin, une petite cinquantaine de grands noms de la littérature viennent poser leurs mots et leurs engagements, du 25 au 27 juin.

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Le confinement aura rappelé l’amour que les Français portent aux livres. Pas seulement à la littérature, telle qu’on peut aisément la consulter en ligne, mais bien à l’objet livresque. Bloqués chez eux, les gens ont pris le temps de développer d’autres habitudes, et de se replonger dans leurs bibliothèques. La fermeture temporaire des librairies a soulevé des vagues de protestation, preuve d’un attachement certain, presque rituel, à l’acte de feuilleter un ouvrage. Avec la réouverture générale cet été, les Bibliothèques idéales répondent à une rage de lire qui clame son nom depuis plus d’un an.

Tout ce que peut le roman

Comme à chaque édition, le bouillonnement de ce festival affirme l’impact politique comme humain de la littérature. Cette année encore, ce sujet vient creuser des préoccupations pressantes. Depuis le défi écologique discuté par Hugo Clément jusqu’aux mécanismes démocratiques en crise que dissèquent Barbara Stiegler et Emmanuel Todd, allant jusqu’à interroger l’essence du débat, dans un échange entre Pierre Nora et Jean Birnbaum. L’ouverture même du festival met le doigt sur la question de la résilience, avec un plateau rassemblant Camille Kouchner, Sophie Chauveau et Catherine Robert. Comment se reconstruire après le choc, telle est la douloureuse question abordée par leurs livres, libérations de la parole pour les victimes d’inceste.

Les Bibliothèques quittent la Cité de la Musique et de la Danse pour l’Opéra, un lieu pourvu des mêmes passions. Photo : document remis

Le féminisme sera de nouveau mis à l’honneur du festival, ainsi que les luttes intersectionnelles dont il est devenu difficile de le séparer. Plusieurs plateaux convergent vers une même nécessité. Celle de donner leur juste place aux personnes discriminées. Se discerne un questionnement fort sur la cité, la ville, et par extension sur toute la société, sa violence et ses exclusions. Elisa Rojas, Emanouela Todorova et Astrid Toulon portent notamment cette parole, chacune avec ses mots et ses armes : le droit, le militantisme, les réseaux sociaux. Le journalisme quant à lui est autant mobilisé par Lauren Bastide que par Rokhaya Diallo, et la littérature sert de relais à toutes les autrices engagées du programme.

Les plateaux des Bibliothèques idéales sont de formidables creusets à débats. Photo : document remis

Un élément marquant des Bibliothèques idéales réside dans leur polyphonie. La littérature implique, bouscule, et, parfois même, fâche. De débats en controverses, des auteurs et autrices croisent la plume, autant sur les plateaux télé que dans les rayonnages. Le festival strasbourgeois s’attache à préserver une pluralité de voix, sans pour autant chercher les étincelles.

Si des adversaires politiques clairement identifiés sont au menu de l’événement, chacun aura son plateau pour librement dérouler ses mots. Ainsi, si Rokhaya Diallo dialoguera avec Lauren Bastide le 26 juin, Rachel Khan et Raphaël Enthoven joueront leur duo le lendemain. Le dénominateur commun de toutes les personnes conviées réside dans leur usage de la littérature. Les mots ont une force, et le livre un pouvoir sur le réel et ses mutations. Les joutes d’idées et de lettres qui animent la vie culturelle ne sont qu’autant de façons de voir le monde qui s’affrontent. Dans chaque roman, il y a un projet de société, et l’enjeu est d’en saisir le meilleur.

La poésie célébrée sans modération

La musique est indissociable des Bibliothèques idéales, et cette édition ne fera pas exception. Le rappeur et poète Oxmo Puccino s’essaye à l’art romanesque tandis que le spectre indémodable de Georges Brassens est convoqué par l’inénarrable Maxime Le Forestier. La scène d’un opéra est un parfait endroit pour porter la voix, et les notes. Morceau le plus lyrique de la programmation, un concert proposera des extraits de Madame Chrysanthème, opéra d’André Messager tiré du roman éponyme. Et pour conclure ces trois intenses journées, un concert cosmopolite accompagnera des lectures de poèmes signés Claude Vigée. La musique est autant vectrice de sens que les mots, et s’y associe volontiers pour servir les cœurs de ses interprètes

Gringe était venu en 2020, lui aussi rappeur versé dans la littérature romanesque. Photo : document remis

Autres camarades des lettres, les bulles remontent à la surface de la programmation. C’est l’occasion d’une rencontre avec Riad Sattouf, un dessinateur qui insuffle ses cases de tout ce qu’il côtoie. Les pages truculentes de Pascal Brutal qu’il publiait dans Fluide Glacial portent autant de réel que les chroniques des Cahiers d’Esther. Les dessins comme commentaires sont aussi l’apanage de Coco. Témoin de l’assassinat de ses confrères lors de l’attentat de Charlie Hebdo, elle porte sur le dessin de presse un regard unique, dont l’écho traverse toute la profession. Son intervention se déroulera en compagnie du romancier et journaliste Yannick Hanenel. Sa démarche de consigner l’histoire dans ses pages s’est appliquée au procès qui a suivi l’attentat de 2015. C’est un témoignage précieux et puissant, porté par deux regards croisés.

L’accès à ces événements est soumis à réservation. Malgré l’amélioration des conditions sanitaires, les règles restent strictes. La jauge de l’Opéra contiendra près de 700 personnes à la fois, et la salle devra se vider entre chaque événement. Une partie des plateaux sera filmée et diffusée, tant en direct qu’en différé. Une démarche à saluer pour la conservation des moments d’intérêt que constituent les Bibliothèques idéales.


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