Quelle santé pour l’économie locale après une année de crise sanitaire? Organisme chargé de collecter les cotisations sociales, l’Urssaf vient de compléter ses données sur l’année 2020 grâce aux chiffres du 4e trimestre. Elles révèlent une baisse de 1,7% des effectifs salariés en France, et 1,6% dans le Grand-Est, soit 22 000 destructions de postes.
Des disparités entre Bas-Rhin et Haut-Rhin
L’Alsace accuse une baisse de 1,7% des effectifs salariés, soit 9 200 postes en moins par rapport à 2019. Mais sous ce chiffre se cachent d’importantes disparités entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin. Le premier département accuse une baisse de 2,8% des effectifs salariés – soit 5 600 postes détruits – contre 1% – ou 3 600 postes – pour le second. Soit le plus fort recul d’emploi et la meilleure résistance parmi les 10 départements du Grand Est.
Près de la moitié des destructions de postes dans l’hotellerie
La part la plus importante de ces destructions de postes a eu lieu dans le domaine de l’hébergement-restauration, avec une chute de 11,5% des effectifs salariés entre 2019 et 2020 en Alsace (contre 11,1% au niveau national). Le secteur concentre près de la moitié des emplois détruits en Alsace en 2020 tous secteurs confondus, alors que « l’hébergement-restauration est d’ordinaire un secteur porteur pour l’économie alsacienne », détaille Arnaud Boulliung de l’Urssaf Alsace. Dans ce domaine précis l’hébergement est le plus impacté avec deux tiers des pertes d’effectifs contre un tiers pour la restauration.
Du côté de l’intérim, deuxième domaine le plus touché, le premier confinement a entraîné la destruction immédiate d’un poste sur deux en Alsace. Sur l’année 2020 toutefois, l’Urssaf Alsace fait état de 6,3% d’effectifs salariés en moins, un peu plus que la moyenne nationale (5,3%). Ainsi, 1 600 postes ont été supprimés en 2020 par rapport à 2019.
L’industrie est un autre secteur particulièrement concerné en Alsace, avec 2,4% de baisse des effectifs salariés contre 1,9% au niveau national. Sont plus particulièrement touchées les industries agro-alimentaires, la fabrication de matériel de transport et la fabrication d’équipements électriques. L’industrie pharmaceutique tire en revanche son épingle du jeu en restant créatrice d’emploi.
Création d’emplois dans le secteur de la construction
Concernant le secteur du commerce, les effets du second confinement ont été plus mesurés que le premier. L’Urssaf relève au final une diminution de 0,7% des effectifs salariés par rapport à 2019, soit 650 postes détruits. A titre de comparaison, la moyenne nationale est de 1%.
Pour ce qui est des autres services, les secteurs des télécommunications et des arts des spectacles sont les plus touchés par les destructions de postes. Dans le domaine artistique, 560 postes en moins ont été enregistrés (-9,7%). Dans les télécommunications, secteur moins développé en Alsace, la décrue concerne 190 emplois, mais une baisse de 11,5%. Les secteurs des activités informatiques et de l’éducation sont en revanche marqués par des créations d’emploi: +6,5% pour les premières, soit 500 postes et +4,5%, soit 400 postes pour le second. « Sans doute en lien avec la généralisation du télétravail », juge Arnaud Boulliung.
Le secteur de la construction affiche 1,7% d’effectifs salariés en plus en 2020 par rapport à 2019. C’est moins qu’au niveau national, ou cette hausse est de 2,2%, mais cela représente tout de même 750 postes supplémentaire. Cette évolution est portée par la croissance des effectifs dans le domaine de la construction spécialisée (+2,4%), qui vient compenser les baisses dans ceux du génie civil (-0,9%) et de la construction de bâtiment (-1,8%).
Baisse des défaillances et des dossiers de surendettement: un paradoxe de la crise
Pour aider les entreprises à faire face à la crise sanitaire, l’Urssaf a facilité le report du paiement des cotisations sociales pour les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour les auto-entrepreneurs et les travailleurs indépendants. Conséquence: un reste à recouvrir, c’est-à-dire des cotisations dues mais non-réglées, d’un niveau record. L’organisme de recouvrement a également mis en place une aide financière exceptionnelle pour les artisans et commerçants pendant les confinements. Elle a été distribuée sans que les bénéficiaires aient à la demander.
Si la crise sanitaire a eu impact très élevé sur l’économie, la Banque de France relève toutefois deux éléments qui peuvent à priori sembler contre-intuitifs. Pour commencer : une baisse de 40% du nombre de défaillances d’entreprises par rapport à 2019. Pour Laurent Sahuquet, directeur de la Banque de France Grand Est, cette baisse des défaillances s’explique sans doute par les nombreuses aides publiques (chômage partiel, prêt garanti par l’État, etc.) mises en place cette année, mais aussi par la fermeture des tribunaux de commerces, ne permettant plus les procédures de liquidations et cession de paiement. « Cela signifie aussi que des entreprises qui auraient dû fermer en 2020 ne l’ont pas fait, ajoute Sabine Karst. Lorsque tout va reprendre, il pourrait être difficile de distinguer les entreprises qui ont fermé en raison de la crise sanitaire de celles qui auraient fermé de toute façon ».
Du côté des particuliers, le nombre de dossiers de surendettement enregistre une baisse de 25% du nombre de dossiers en 2020. La tendance était d’une baisse de 10% en moyenne ces dernières années. Mais cette baisse accrue pourrait s’expliquer par la fermeture d’un certain nombre d’administrations au cours des deux confinements. La Banque de France se prépare à un éventuel rattrapage. Mais elle n’est pas certaine que ce phénomène ait lieu. Depuis le début de l’année 2021, la baisse du nombre de dossiers de surendettement se poursuit en effet.
Des reprises rapides
À plus large échelle, Laurent Sahuquet se veut toutefois positif.
« La crise a paradoxalement entrainer un surplus d’épargne du côté des ménages. On sait que ce surplus est très inégalement réparti, puisque cette crise a également accentué la précarité. Mais il semble que les différentes mesures mise en place ont amorties les effets de la crise sur le pouvoir d’achat des ménages. »
Les données nationales de la Banque de France font en effet état d’un surplus d’épargne des ménages de plus de 110 milliards d’euros en 2020. « Les prévisions annoncent une reprise française qui devrait être la plus importante de la zone euro en 2021, poursuit le directeur. Et les dernières mesures sanitaires ne remettent pas en cause ce scénario pour l’instant. » Le dernier élément que tient à souligner Laurent Sahuquet est la « résilience de l’économie française »: « On constate une reprise forte et immédiate de l’économie française après chaque levée des mesures sanitaires. Elle a mieux résisté qu’on ne l’avait prévu. »
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