Jeudi soir, à côté de la gare de Strasbourg, un attroupement se forme autour d’une camionnette blanche qui vient d’arriver. Quelques dizaines de personnes patientent en silence. Rapidement, une dizaine de bénévoles vêtus de gilets bleu frappés du logo de « Strasbourg Action Solidarité » descendent, sortent des cartons remplis de denrées alimentaires et installent en deux temps trois mouvements une rangée de tables.
Ils y déposent une série d’aliments destinés à former le repas des personnes qui attendent en file indienne : des pâtes, de la sauce tomate, du pain, du café et une viennoiserie. Puis le service commence et chacun vient chercher un repas. La distribution s’effectue dans le calme, malgré une brève altercation entre demandeurs. Une rangée de poussettes est disposée contre le mur, où certains enfants dorment. D’autres enfants jouent sur la place, près du Burger King.
« La situation est mauvaise »
Strasbourg Action Solidarité (SAS) fait partie des quelques associations qui poursuivent leurs actions auprès des personnes sans-abri pendant l’été. Chaque lundi et jeudi soir, à partir de 19h, elle organise une distribution de nourriture et enchaîne avec une maraude dans la ville. Tous les participants aux distributions de nourriture ne dorment pas dans la rue.
Le Collectif SDF Alsace maintient lui aussi son vestiaire mensuel le premier dimanche du mois. Cette distribution de produits d’hygiène et de vêtements attire 300 personnes en moyenne. Pour Monique Maitte, militante active dans ce domaine et qui dirige le Collectif, l’été est « une saison d’abandon » :
« Strasbourg est devenu une ville très difficile. Les associations ferment parce qu’elles prennent des congés, et si elles ne ferment pas elles tournent en effectif réduit pour la même raison. »
Assis à côté de la camionnette de Strasbourg Action Solidarité (SAS) pendant la distribution, Patrick Schmidt, en situation de grande précarité, porte, lui, un regard plus optimiste sur la situation strasbourgeoise :
« A Strasbourg il y a beaucoup d’associations qui distribuent à manger, comme SAS ou La maraude du cœur, le samedi (une initiative citoyenne, ndlr). Trouver de quoi se nourrir n’est pas plus difficile. »
A ses yeux, c’est davantage la question du logement qui relève de l’urgence, mais ce n’est pas spécifique à l’été.
Des associations au ralenti
Si les Restos du Cœur du Bas-Rhin organisent toujours une maraude mobile le lundi soir, le bus qui sert des repas place de la Bourse les lundis et mercredis est arrêté en août « faute de bénévoles », explique à regret son président, Daniel Bennetier. Le restaurant La Fringale, rue du Rempart, reste en revanche ouvert tous les matins et pour le déjeuner les lundis, mercredis et vendredis. De son côté, l’association Abribus qui propose des repas les jeudis, samedis et dimanches, arrête totalement ses activités de mai à septembre. Un choix par manque de moyens, mais aussi pour laisser ses bénévoles se reposer.
Si pour Monique Maitte la situation est aussi critique cette année, c’est en raison de la hausse du nombre de personnes à la rue. Un constat que partage Daniel Benettier, des Restos du Cœur :
« Nous avons 23% de bénéficiaires de l’aide alimentaire Restos du Cœur en plus par rapport à l’été dernier dans le Bas-Rhin. C’est en partie dû au fait que nous avons relevé notre barème [le plafond de ressources à partir duquel les personnes peuvent bénéficier d’une aide] pour atteindre 70% de celui d’hiver. Les étés précédents, ce barème était relevé à hauteur de 50% mais on ne trouvait pas ça logique, car la vie est aussi chère en été qu’en hiver. Mais c’est aussi dû à la hausse de populations migrantes à Strasbourg. »
Monique Maitte estime à 400 le nombre de personnes actuellement à la rue à Strasbourg, dont 35 enfants en bas-âge, entre trois semaines et deux ans et demi. Un chiffre qui a tendance à évoluer à la hausse d’après elle, selon les flux. Elle déplore des « dysfonctionnements qui existent depuis des années » et qui s’aggravent du fait de cette augmentation des personnes sans-abri.
Hébergement d’urgence et accueil de jour ouverts
Du côté de la Ville, le Centre communal d’action sociale (CCAS) maintient ses structures pendant l’été. L’accueil de jour reste ouvert et l’équipe médico-sociale de rue, familière de la situation et des personnes concernées, poursuit son action. En cas de canicule, l’action est renforcée, comme le souligne Nathalie Mouy-Lechenet, directrice adjointe du CCAS :
« On distribue de l’eau, des casquettes voire de la crème solaire aux personnes qui vivent dans la rue. On adopte une vigilance accrue pour les personnes dépendantes. Quand le dispositif canicule est déclenché au niveau national, on élargit les horaires d’ouverture de l’accueil de jour [qui est fermé le lundi et le jeudi après-midi en temps normal]. »
Les hébergements d’urgence de nuit situés rue du Rempart et rue Fritz Kiener sont toujours opérationnels, et proposent chacun une quarantaine de places. Si en hiver l’État ouvre des places supplémentaires à titre exceptionnel, en été, leur nombre a logiquement tendance à baisser puisque ces dernières ne sont pas maintenues.
Pour Nathalie Mouy-Lechenet, l’été est toujours une période difficile car aux risques qui pèsent sur la santé des sans-abri s’ajoute la diminution de l’offre alimentaire due à la baisse d’activité des associations, qui repose majoritairement sur l’action des bénévoles.
Chargement des commentaires…