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L’État a bien le droit de payer les ministres du culte

Le Conseil constitutionnel a tranché : l’État français laïc a bien le droit de payer des ministres du culte en Alsace-Moselle. Saisie par une association de défense de la laïcité, la juridiction suprême a estimé que les rédacteurs des constitutions de 1946 et de 1958 n’avaient pas remis en cause les dispositions spécifiques aux cultes dans nos trois départements ; elle sont donc constitutionnelles. C’est une grande victoire pour les institutions religieuses, qui voient l’ensemble du droit local des cultes ainsi conforté.

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(Photo DrinksMachine / FlickR / CC)

Après la défaite de l’affaire des corporations, le droit local avait besoin d’une victoire. Et il en a obtenu une ce jeudi soir, éclatante. En (très) résumé, le Conseil constitutionnel a validé comme conforme à la République l’ensemble du droit local d’Alsace-Moselle concernant les cultes, un agrégat de dispositions en vigueur depuis Napoléon, notamment avec le fameux Concordat. Ce texte, que l’Empereur avait signé avec le Pape en 1801, chargeait l’Etat français de la rémunération des curés contre la faculté pour lui de nommer les évêques. Cette disposition a été étendue aux Pasteurs en 1802 (avec quelques aménagements) puis aux rabbins progressivement. Abrogé en France par la IIIe République en 1905, le traité ne l’a pas été en Alsace-Moselle car ces départements étaient alors allemands.

L’association Appel (Association pour la promotion et l’expansion de la laïcité) avait déposé le 19 décembre 2012 une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Selon l’association, l’article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X (1802) relative à l’organisation des cultes méconnaît le principe constitutionnel de laïcité, qui veut que la République ne reconnaisse aucun culte et que l’Etat demeure neutre.

Mais le conseil constitutionnel a répondu sur son site web :

« Aux termes des dispositions contestées, il est pourvu, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au traitement des pasteurs des églises consistoriales. Ces dispositions ont été maintenues en vigueur par la loi du 1er juin 1924 puis par l’ordonnance du 15 septembre 1944. Il ressort tant des travaux préparatoires du projet de Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même disposition, qu’en proclamant que la France est une « République Laïque », la Constitution n’a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l’entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l’organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte. »

La question tranchée en 1946 et 1958

Autrement dit, pour le Conseil constitutionnel, puisque le législateur a validé les dispositions spécifiques lorsqu’il a rédigé les constitutions de 1946 et 1958, elles sont constitutionnelles. Dans son commentaire (pdf), le Conseil constitutionnel rappelle que la laïcité de l’Etat est une « laïcité de cohabitation » et non une « laïcité de combat » et cite l’historien Maurice Barbier qui note qu’un « État peut proclamer la laïcité dans sa constitution et ne pas en tirer toutes les conséquences pratiques ».

Me Pierre-Etienne Rosenstiehl, qui défendait les églises protestantes, note l’innovation :

« Le Conseil constitutionnel a fait l’exact inverse de ce que j’avais plaidé. J’ai expliqué durant l’audience que le Conseil ne pouvait pas donner un caractère constitutionnel à la loi de 1905 de séparation de l’église et de l’Etat. Or ils l’ont fait ! C’est une nouveauté, qui évitera même à François Hollande d’avoir à réviser la Constitution pour garder notre statut particulier s’il veut inscrire le principe de la laïcité dans la Constitution. C’est une grande décision, très importante pour le droit local. »

Les églises d’Alsace-Moselle, ainsi que les consistoires israélites et protestants reconnus, poussent un « ouf » de soulagement car si le Conseil constitutionnel avait suivi l’association Appel, c’est tout le financement des cultes dans les trois départements qui aurait dû être revu, et probablement l’ensemble des autres dispositions comme l’enseignement religieux à l’école. Mais la décision du Conseil constitutionnel sanctuarise aussi un droit qui n’a guère évolué depuis 1924, et une inégalité de traitement vis à vis d’autres religion, comme l’Islam par exemple.

Les prêtres, pasteurs, rabbins sont payés comme des fonctionnaires d’Etat, selon la même grille indicielle, soit entre 1 736 et 3 112 euros par mois (selon la valeur du point d’indice au 1er janvier 2011). L’association Appel estime à 58 M€ par an le coût pour la collectivité des 1 393 prêtres catholiques, pasteurs protestants et rabbins juifs du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ainsi que les vacations pour environ 750 intervenants dans l’enseignement primaire et 175 professeurs dans le secondaire.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : voir l’audience du conseil constitutionnel


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