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Les Socialistes bas-rhinois déboussolés par le nouveau gouvernement

Déjà sérieusement ébranlés par les choix de François Hollande et du Premier ministre Manuel Valls, les socialistes bas-rhinois ont mal vécu l’éviction d’Arnaud Montebourg et de Benoit Hamon du gouvernement. Certains sont perplexes mais maintiennent leur solidarité. Pour d’autres, il est temps de sortir du PS.

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Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Élysée, a été chargée d’annoncer les bonnes nouvelles aux Socialistes et aux Français (Photo L. Blevennec / Elysée)

Pas facile tous les jours d’être socialiste. Depuis 2012, les militants et les élus vivent au rythme des reculades et des atermoiements du Président de la République François Hollande et de ses gouvernements. Mais lundi soir, les Socialistes ont vécu l’une des pires soirées de leur vie politique au moment de l’annonce du 2e gouvernement de Manuel Valls. L’éviction d’Arnaud Montebourg et de Benoit Hamon, classés à la gauche du PS, la promotion d’Emmanuel Macron, un ancien banquier jamais passé devant les électeurs, au ministère des Finances a sonné le glas de la « synthèse » et le resserrement de l’exécutif sur une ligne sociale-libérale.

Interrogés alors que plusieurs d’entre eux sont à l’Université d’été du parti à La Rochelle, les Socialistes bas-rhinois sont très partagés. Certains ont du mal à comprendre quel est le message que l’exécutif veut envoyer aux Français, d’autres ont peur de ne le comprendre que trop bien. Parmi ces derniers, Syamak Agha Babaei, premier secrétaire fédéral délégué du PS 67 :

« Ces nominations, c’est une fuite en avant. Je me sens dépossédé de la campagne que nous avons faite en 2012, de toutes nos promesses, par quelqu’un qui a réuni 5,53% des suffrages sur son nom lors des élections primaires de 2011 ! C’est le bras d’honneur de François Hollande à tous les Socialistes qui ne font pas partie de son courant de pensée. Je ressens une tristesse immense et une grave crise de confiance, on a tous été trompés. Hollande n’était pas mon candidat initial et pourtant, je suis allé défendre et présenter aux Strasbourgeois ses 60 propositions. On a l’air de quoi maintenant ? Quelque chose s’est brisé, je ne sais pas si je peux continuer à être dans le même parti que Manuel Valls si ça se rétrécit ainsi. Ils sont encore dans un socialisme productiviste, les yeux rivés sur la croissance, alors qu’il nous faut un socialisme du partage, en lien avec l’écologie. Ce putsch est une défaite de l’intelligence et de la pensée. »

« Solidaire de mes idées, je reste socialiste »

Syamak Agha Babaei se donne encore un peu de temps avant de prendre des décisions définitives mais sa réaction est symptomatique de celles des militants situés à la gauche du PS qui ont l’impression d’avoir été brutalement projetés dans l’opposition.

Pour d’autres, c’est l’idée même du socialisme de gouvernement qui est en danger. Mine Günbay, secrétaire fédérale au droit des femmes et adjointe au maire de Strasbourg, est très en colère :

« Un remaniement, dans la situation actuelle du pays et au regard de l’actualité internationale, c’est indécent. Et on essaye de nous faire croire que le problème viendrait de deux personnes alors que ce sont des problèmes de choix, de cap. On risque surtout d’envoyer le message aux citoyens que le socialisme n’est pas une réalité envisageable. On nous demande d’être solidaire du gouvernement, ce sera sans moi ! Je suis solidaire de mes idées, je reste socialiste. »

Secrétaire fédéral au mouvement social, Thomas Risser a lui aussi du mal à composer avec le gouvernement Valls 2 :

« Le pacte de compétitivité et le crédit d’impôt pour les entreprises, ce n’était pas dans les 60 propositions du programme de 2012… Ça fait un moment que le gouvernement s’est éloigné de sa base. Mais là, on passe d’un gouvernement social-démocrate, courant majoritaire au PS, à une ligne sociale-libérale, qui a toujours été minoritaire. C’est un hold-up institutionnel ! Quelle sera notre ligne économique du coup ? Celle du congrès ou celle de Macron ? Parce que ça risque d’être très éloigné… Je ne parle pas de trahison, le mot est trop fort, mais clairement en tant que socialiste, il n’y a plus personne dans qui je peux me reconnaître au gouvernement. »

« Il faudrait plus de députés aiguillons »

D’autres militants encaissent, comme Jean-Baptiste Gernet, membre du bureau fédéral du PS67 :

« Il est dommage que Manuel Valls et François Hollande aient choisi de se priver de toutes les sensibilités de la gauche, ils auraient pu essayer de mettre en place un dialogue au sein du gouvernement. Benoit Hamon, que j’ai soutenu lors du précédent congrès, n’avait pas franchi les limites de la solidarité gouvernementale il me semble… J’espère désormais que les députés socialistes vont pouvoir agir, par le biais d’amendements dans le débat parlementaire, pour continuer d’apporter toutes les idées des Socialistes… Dans notre situation, j’espère qu’on aura plus de députés “aiguillons” que de députés “godillots”. Je constate qu’il n’y a pas d’ouverture au centre, c’est à dire à droite. Pour moi, les bornes n’ont pas été dépassées. »

Une analyse que partage Anne-Pernelle Richardot, adjointe au maire de Strasbourg et en campagne pour être sénatrice du Bas-Rhin :

« Ce que je trouve inquiétant, c’est qu’on donne le sentiment de renoncer à l’action politique souveraine, que le pouvoir est impuissant. On risque de le payer lors des prochaines élections. Je laisse sa chance au nouveau gouvernement, je ne vais pas préjuger des actions d’untel à cause de son CV. »

« C’est encore un gouvernement de gauche »

Renaud Fausser, secrétaire fédéral à l’écologie, voit au moins un bénéfice à la constitution de Valls 2 :

« C’est vrai que les derniers jours n’ont pas été faciles à vivre mais au moins, ça a le mérite de la clarté. Finie la synthèse. Social-démocrate ou social-libéral, je ne vois pas trop la différence. Ce qui m’importe aujourd’hui, c’est qu’on protège les classes moyennes et populaires, que l’école, la justice, la santé soient des services publics préservés, etc. Tous les ministres sont à gauche, c’est encore un gouvernement de gauche. »

Premier secrétaire fédéral, et donc chef de tous les Socialistes bas-rhinois, Mathieu Cahn tente de garder les troupes rassemblées :

« On a tous été surpris par ce remaniement, annoncé à quelques jours de la rentrée. Mais je ne trouve pas aberrant qu’on exige un peu de solidarité au sein du gouvernement. Montebourg et Hamon jouent une carte personnelle, bon, ça les regarde mais ce n’est pas une raison pour que les expressions d’autres égos supplantent l’action que nous menons au niveau national et au niveau local. Pour ma part, je suis perplexe, surtout par rapport au choix d’Emmanuel Macron, propulsé ministre alors qu’il n’a jamais été élu. Je comprends la nécessité de s’entourer de conseillers compétents mais il y a un truc en démocratie qui s’appelle le suffrage universel, ce serait bien de le respecter. Pour la suite on verra, mais je ne vois pas d’inflexion dans la ligne du gouvernement, qui vise à redresser les comptes publics depuis 2012

Contre l’austérité en Europe, pour en France

Pour Nathalie Jampoc-Bertrand, élue à Schiltigheim et membre du bureau fédéral, cette crise survient parce que le PS n’a pas encore défini de ligne idéologique à l’heure de la société mondialisée :

« Le Parti socialiste souffre de trop de contradictions. Pour les élections européennes, on a fait campagne contre l’austérité et au niveau national, on se l’applique. Ça ne va pas, ce n’est pas possible, on est inaudibles. Il va falloir profiter de cette crise pour repenser le socialisme, réaffirmer nos valeurs parce que là, on est tous déboussolés. Il faudra du courage à nos élus pour lancer ce processus mais il est urgent et nécessaire. Parce que si les seuls qui parviennent à faire bouger le gouvernement, ce sont les membres du Medef, ça ne va pas être possible. »

Robert Betscha, membre du bureau fédéral, est lui déjà dans l’après :

« Après deux années, l’exécutif est enfin en cohérence avec leurs idées, sauf qu’on n’a pas voté pour celles-là. Ce n’est pas un remaniement, c’est un reniement. Face à cette situation, les Socialistes doivent se saisir des états généraux, prévu à l’automne, pour exiger qu’un congrès de refondation ait lieu. Si le parti n’est plus l’instance du débat, alors il faut poursuivre le débat ailleurs. »

Un congrès du Parti socialiste devrait normalement se tenir au printemps 2015. Mais les instances du PS ne sont guère promptes à lancer l’organisation de cet événement. En attendant, les ateliers de relaxologie et de sophrologie de l’Université d’été du PS à La Rochelle risquent d’afficher complet.


#Mine Günbay

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