Une fois passée l’information principale de la soirée peu après 20h (victoire du Rassemblement national devant La République en Marche), les yeux des élus strasbourgeois étaient rivés sur les résultats des 143 bureaux de vote la commune, dont le dernier résultat est arrivé à minuit.
Ce scrutin proportionnel à un tour donne la cote de sympathie des électeurs pour les « étiquettes », toutes représentées ou presque. À dix mois des élections municipales, c’est une indication précieuse pour mieux cerner le rapport de force local des formations qui veulent conquérir la ville.
Écroulement PS et confirmation d’En Marche
Premier enseignement, certes attendu, le Parti socialiste s’écroule. En tête à Strasbourg en 2014 (23,35% avec 13 575 voix) à une époque où le gouvernement Hollande-Ayrault connaissait déjà des difficultés (13,98%), il se classe cette fois 4ème avec 7,70% et 5 294 voix. En manque de tête de liste charismatique, le parti à la rose était cette fois-ci allié au jeune mouvement « Place publique », lancé par l’essayiste Raphaël Glucksmann. Compte tenu de sondages qui annonçaient un temps cette union sous les 5% et donc sans élu, le résultat laisse l’impression d’une casse limitée.
Pour les prétendants à l’investiture du PS cet été à Strasbourg, Philippe Bies et Robert Herrmann, ce score démontre qu’il faudra convaincre bien au-delà du noyau dur des soutiens restants à la formation pour espérer emporter la mairie. « Les sociaux-démocrates, auxquels j’appartiens, font ce soir un résultat modeste, mais résistent. Cela démontre, s’il en était besoin, que le rassemblement est nécessaire pour constituer une alternative crédible au duel entre libéraux et nationalistes« , remarque d’ailleurs à ce sujet Robert Herrmann, qui souhaiterait un attelage avec le centre-droit et la gauche face à En Marche.
Largement en tête à nouveau, La République en Marche confirme ses bons scores de 2017 avec 27,75% et 19 077 voix. La seule question qui devrait préoccuper le premier adjoint et probable candidat Alain Fontanel sont les possibilités d’alliance, au premier et surtout au second tour, notamment si 3 ou 4 listes devaient se qualifier ou être en mesure de fusionner. Car les relations avec le PS local, qui a bien insisté sur le fait que la liste LREM accueillait son opposante historique de droite et maire entre 2001 et 2008, Fabienne Keller, sont très tendues, sans être forcément meilleures avec les écologistes.
« Il faut d’abord se féliciter de la hausse de participation avec un niveau semblable à des élections municipales. Les Strasbourgeois ont choisi l’Europe avec la liste de Nathalie Loiseau. Les anciens partis de gouvernement sont à 15% cumulés, ce qui montre leur marginalisation et que la recomposition entamée en 2017 se poursuit nationalement et localement. Le score confirme aussi l’importance grandissante des questions environnementales dans nos villes. »
Alain Fontanel
Les Verts moins solitaires
La percée du soir vient des écologistes qui deviennent la deuxième force politique de la ville. Force sans candidat à la présidentielle et force secondaire lors des législatives, régionales et départementales, EELV recueille cette fois 20,68% des suffrages, soit 14 220 voix, le double de 2014 (7 465 voix et 4è, soit 12,84% en 2014). C’est une inversion dans la hiérarchie avec son allié habituel, le PS local.
« Les écologistes sont en tête à Schiltigheim et au-delà de 30% dans certains bureaux de vote. Cela nous oblige pour la suite à prendre nos responsabilités autour du pôle écologiste, ce qui dépasse juste le cadre du parti EELV. Ces thèmes surgissent aussi dans la sphère locale. »
Alain Jund, adjoint au maire et ancien candidat
Une stagnation et une chute à droite
À l’instar de sa débâcle française (8,3%) et même alsacienne, la droite
divise son score par plus de deux (7,29% et 5 017 voix contre 19,20% en 2014 soit 11 162 voix). Elle s’écroule même dans ses bureaux de vote fétiches au nord de la ville, où La République en Marche cartonne. Nul doute que les candidats déclarés Jean-Philippe Maurer et Jean-Philippe Vetter auraient aimé un parti en meilleure forme pour incarner « l’alternance ».
Sur sa droite, le Front national devenu Rassemblement national reste 3è avec 12,77% des suffrages, soit 8782 voix et, de fait, stagne à Strasbourg (3è avec 14,64% soit 8 507 voix en 2014). À Paris, le parti a estimé qu’il ne présenterait plus de liste aux municipales, car les chances de victoire sont nulles. Dans la capitale alsacienne, où ses deux élus locaux sont très discrets, le constat pourrait être similaire face à l’absence d’alliés potentiels.
La gauche poussée à s’unir ?
À gauche, la France insoumise, non-représentée au conseil municipal, n’émarge qu’à 6,89%, là où elle avait dépassé les 12% aux législatives de 2017. C’est certes un peu mieux que les standards strasbourgeois de l’ancien Front de gauche, mais pas meilleur que le score national du mouvement (6,6%). Lors des municipales, un tel score serait tout juste suffisant pour fusionner avec une autre liste au second tour (comme à Schiltigheim lors de l’élection anticipée en 2018, ce qui ne s’était pas fait), sachant que le mouvement n’a pas encore de visage emblématique localement. Cette position fragile peut mettre fin à sa stratégie de non-alliance, car ce score ne permet plus de se présenter comme incontournable à gauche, à Strasbourg comme ailleurs.
Septième, la liste Génération.s de Benoît Hamon, soutenue par l’adjoint au maire de Strasbourg, Paul Meyer, et les trois autres élus de la Coopérative recueille 3,99% des voix. En l’état, ce ne serait pas assez pour figurer au second tour. Il n’y a même pas un sursaut particulier pour le score strasbourgeois comme cela avait été le cas à l’élection présidentielle. Là aussi, l’isolement serait risqué.
Pour le maire Roland Ries (PS), ces résultats ne doivent pas bousculer les équilibres politiques de la fin de son deuxième et dernier mandat :
« Le PS est en léger progrès, mais le chemin est encore long. La social-démocratie est en crise, car elle est fondée sur la redistribution des richesses de la croissance, qui est atone. Les logiciels de la croissance sauvage sont à réinventer autour d’une croissance plus verte, ce qui est d’ailleurs il me semble l’orientation des Verts. Mais l’implosion des LR, notamment localement, est une surprise. Le score des écologistes est très élevé, plus encore qu’au niveau national. Il y a peut-être un effet GCO et plus généralement de lutte contre le réchauffement climatique avec toutes les manifestations que l’on connait.
Quant aux élections municipales, elles sont plus personnalisées que les élections européennes et il y aura la question du bilan. Je vais continuer de rester le plus longtemps possible à équidistance des groupes pour terminer dans la cohésion , même si peu de projets nouveaux vont être encore lancés. Je connais le choc des ambitions, mais il faut que les perspectives d’alliances au second tour soit préservées. J’ai un terrible souvenir de 2001 où il y avait tellement d’antagonismes entre Catherine Trautmann et Jean-Claude Petitdemange que ça n’avait même pas été tenté. Je note avec satisfaction que la simple addition des quatre listes portant les couleurs des quatre groupes de la majorité municipale, dépasse les 60% de votes exprimés à Strasbourg. »
La participation se chiffre tout juste en-dessous d’un électeur sur deux, à 49,93%, un peu en-deçà de la moyenne nationale (51,3%) comme souvent à Strasbourg.
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