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Les portraits de Dan23 illuminent les rues de Strasbourg

Vous avez peut-être croisé au détour d’une rue Aretha Franklin, Gandhi ou Coluche, leurs visages pris dans un enchevêtrement de couleurs. Ce coup de pinceau, reconnaissable entre mille, est celui de Daniel Bussière, alias Dan23. S’exposer dans la rue, un acte essentiel pour cet artiste qui s’est construit sur les scènes des festivals.

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Moonlight Shadows, rue du Général Lefebvre à Strasbourg (Photo Dan23)

Daniel Bussière aime les lieux abandonnés, les murs décrépis et les portes usées. C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle son atelier est perché au dernier étage d’une usine désaffectée de la plaine des bouchers, près de Colod’Art. Ça et un loyer abordable. Dans ces quelques 30 m², un chevalet, un ordinateur, des pinceaux et des couleurs en tubes. Beaucoup de couleurs. Le style de Dan23, son pseudo, c’est la vie sous les feux de la rampe. Sur les murs de Strasbourg, sur des portes ou des boitiers de raccordement électriques, Dan23 peint ou affiche des musiciens en pleine lumière, des grandes figures historiques mais aussi des Strasbourgeois, pris parmi ses connaissances.

Pour Dan23, pas question de s’enfermer dans une galerie. Son art doit être vu de tous pour exister :

« Ce que je fais, c’est du street art. Intégrer un dessin dans une rue, sur un mur ou une porte, c’est l’essence même de mon travail. Et c’est aussi un bon moyen de me faire de la pub, toutes mes créations sont signées. Les gens ne viennent pas dans les galeries, j’en sais quelque chose, j’en ai créé une Grand’rue en 2006, Pass’age. Donc il faut faire l’inverse, aller vers les gens. Dans le street art, il y a un côté spontané, il faut dessiner rapidement… C’est ce que je sais faire. »

De l’art d’esquiver la police

Dan23 a débuté sa carrière il y a cinq ans sur les scènes des festivals. Pendant qu’un groupe joue, il est derrière le batteur avec ses pinceaux et réalise une fresque à la commande des musiciens ou des organisateurs du festival. On appelle ça du « live painting ». L’œuvre doit être terminée à l’issue du concert, c’est peu dire que Dan23 stresse quand il peint ainsi et qu’il compte sur quelques rappels pour parachever le résultat… Mais l’école a produit ses résultats : aujourd’hui, Dan23 peut redécorer un répartiteur télécom en un un quart d’heure.

Être rapide lui permet aussi d’éviter de croiser trop de policiers. Dan23 a toujours sur lui un petit manuel, avec son adresse et des photos de ses peintures. Il le présente avec ses papiers lorsque des policiers lui demandent ce qu’il fait là avec ses pinceaux et ses pots :

« La plupart du temps, ça se passe bien. Je signe mes peintures, je donne mon adresse et surtout, je ne choisis que des façades en mauvais état. Je ne dégrade rien. Pour l’instant, je n’ai jamais reçu de plainte. Je n’ai eu que des explications plus ou moins musclées avec quelques personnes… Je me souviens d’un gars qui était vraiment très énervé que je décore sa porte. On a discuté, et après un temps, il a reconnu que sa porte était plus belle ainsi. Le plus souvent, les policiers contrôlent mon identité et passent à autre chose. Je n’ai été embarqué au poste que deux fois. »

You and I, rue de Pâques à Strasbourg (Photo Dan23)

Depuis quelques mois, Dan23 décore  les murs strasbourgeois à l’aide d’une nouvelle technique : il prend les dimensions de la surface qui l’intéresse, peint dans son studio sur du papier, puis colle le résultat. C’est moins « street » mais cette manière de faire lui permet d’ajouter plus de couleurs :

« Je m’expose moins longtemps dans la rue, et ainsi, je n’ai pas à me trimballer avec plusieurs pots de peinture. Et puis le résultat est plus abouti aussi, ça déclenche moins de contestation. »

Aujourd’hui, Dan23 commence à régulièrement être invité à peindre des murs par leurs propriétaires, ce qu’il appelle des « commandes légales ». Ça tombe bien, parce qu’après les Francofolies, le Printemps de Bourges, le Tour de France et d’autres, il en a un peu marre du live painting. Il a décroché quelques contrats à Paris, Berlin et plus récemment à Mulhouse, où un mur de 6 mètres sur 5 l’attend. Un hôtel en construction près de la gare à Strasbourg lui a également proposé de s’occuper de la déco d’une chambre et il a aussi égayé de ses couleurs un trois pièces au Neuhof lors d’une résidence.

Dessiner, pas un vrai métier

Et puis Dan23 a 41 ans, et deux enfants de 7 ans et 17 mois. L’idée de pouvoir se poser un peu n’est pas pour lui déplaire non plus. Bien qu’il ait passé toute son enfance avec un carnet de croquis à la main, il n’a pas convaincu sa famille que dessiner pouvait être un vrai métier. Alors, il y a encore dix ans, Daniel Bussière était graphiste pour des agences de communication, après avoir été prof d’arts appliqués dans un lycée pendant… une journée.

« J’ai suis parti de zéro. Après un grand voyage en Asie pour faire le point sur moi même et sur ce que je voulais devenir… Il m’aura fallu du temps pour trouver ma voie, et m’extraire d’une logique qui voulait que je réponde plutôt à ce qu’on attendait de moi. Alors, je me suis endetté, j’ai acheté un ordinateur et pratiqué, pratiqué… Aujourd’hui, je gagne correctement ma vie. Le live painting est payé entre 2 000€ et 3 000€ par session, je vends mes toiles entre 300 et 1 500€ et évidemment, je facture plus cher pour des clients privés. Je commence à être invité à des événements internationaux autour du street art, alors oui, je pense que j’ai eu raison de persévérer. Mais je n’abandonnerai jamais la rue. Toujours, ponctuellement, légalement ou pas, il y aura de nouvelles traces de mes portraits dans les rues de Strasbourg. »

Des traces qui côtoient à Strasbourg les tags signés IDFix, Dan23 ne fait pas de commentaire, mais avoue qu’il aimerait bien être aussi connu.

Aller plus loin

Sur Youtube :

 

Sur Vimeo :

 

Sur Instagram : les clichés de Dan23

Sur FlickR : le book de Dan23

Sur Facebook : la page de Dan23

Sur Rue89 Strasbourg : IDFix, faut qu’IDgage

Sur Rue89 Strasbourg : Le graff toujours dans l’ombre


#Dan23

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