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Japan addict ce weekend: les otakus au taquet

Les fans de culture japonaise, les otakus, se retrouvent ce week-end à la 14ème convention « Japan addict » à Strasbourg. A l’occasion de cette grand-messe du mouvement manga, des passionnés de cosplay, de poupées japonaises ou du style vestimentaire gothique lolita se préparent depuis des semaines à créer le spectacle.

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Chloé a mis plusieurs mois pour coudre son chapeau de Tony Tony Chopper (photo : David Rodrigues)

« Daisuke Nishibi » et « Moé Amané », alias Jérémie et Chloé sont frère et sœur de 17 et 16 ans, habitent la CUS, et cela fait des semaines qu’ils découpent et cousent de grands pans de tissu bleu marine. Heureusement, « l’amoureux des couchers de soleils » et « la mignonne Amané » en sont désormais aux finitions, et ajoutent des ourlets blancs en alternant travail à la main et à la machine. Dimanche 29 juin à 15h, ces étoffes doivent être devenues des reproductions exactes des vêtements de Maes Hughes et Riza Hawkeye, personnages du manga Fullmetal alchemist, pour avoir une chance de gagner le concours du cosplay de groupe, une compétition où s’affrontent des personnes venues interpréter un personnage de manga ou de dessin animé japonais. Jérémie explique la génèse du groupe :

« Nous avons choisi ce manga là avec notre groupe, les Nakama for life [camarades à vie], et chacun a choisi un des personnages du manga. C’est une équipe d’une dizaine de jeunes cosplayeurs, autant de filles que de garçons. Nous nous sommes rencontrés à une précédente Japan addict, avons décidé de se rassembler pour se déguiser ensemble. Ce sont aujourd’hui nos amis les plus proches. »

Jérémie s’intéresse à la coupe de son héro (Photo David Rodrigues)
La famille dispose de deux machines à coudre mais les finitions se font à la main (photo : David Rodrigues)

Jérémie et Chloé s’affairent et piquent leurs aiguilles au tissu, eux qui n’ont jamais pris de cours de couture de leur vie. Et dans la famille, tout le monde participe:

« Notre mère sait un peu coudre et peut nous donner des conseils. Notre père, lui, ne sait pas faire mais participe et a pas mal d’idées. C’est lui qui a eu l’idée d’utiliser un produit colmateur de canoës pour réaliser l’armure de Shiryu, du manga Saint Seiya, lors d’un précédant cosplay. »

Jérémie a tout d’abord réalisé un premier habit avec du mauvais tissu avant de se lancer dans la confection de celui qu’il portera dimanche (photo : David Rodrigues)

Diplômes ès-cosplayeur accrochés au mur

En France, contrairement au Japon où la mode du fait-main a été submergée par les costumes provenant de boutiques, les amateurs de cosplay trouvent que l’intérêt de ce loisir réside dans la confection même des déguisements. Pour Chloé et Jérémie, le cosplay est plus féminin que masculin parce que la couture rebute encore quelques garçons, attirés à la base par la démonstration scénique finale. C’est Chloé qui mène la troupe des Nakama jusqu’au spectacle. Forte de ses sept années de danse modern-jazz, elle pense et créé les chorégraphies qu’elle apprend ensuite aux autres.

« L’idée est de raconter une histoire. On n’est pas toujours sûr que le public la comprenne, mais pour nous, c’est le moment fort du cosplay, donc on s’attache beaucoup à la réalisation du spectacle [qui dure entre deux et quatre minutes, NDLR]. On répète dès qu’on le peut tous ensemble pour que tout soit prêt. On a pas trop le trac, parce que le public est génial et ne juge jamais. »

Chloé a accroché ses prix et « diplômes de cosplayeurs » sur les murs de sa chambre, là où les innombrables posters de mangas et dessins animés laissaient de la place. Quand elle ne prépare pas un cosplay, la jeune fille fabrique aussi des bijoux et figurines mangas en pâte Fimo, cette pâte à modeler que l’on durcit au four pour créer des objets. Une fierté. Loin du cliché de l’otaku replié sur lui-même et accro à son pc, ces deux-là se servent de leur passion pour créer mais aussi pour aller vers l’autre.

« Le cosplay, c’est une secte sans drogue ni religion, ni contrainte. On essaie de transmettre des valeurs positives par la danse et la musique. Quand on porte le déguisement, il faut jouer le jeu jusqu’au bout : même quand on sort de scène, on va devoir conserver la joyeuseté ou la stupidité du personnage qu’on interprète. »

Défilé de cosplayeurs de l’édition 2011

Dans la chambre de Chloé, les figurines de pikachu côtoient diplômes et porte-clefs en pâte Fimo (photo : David Rodrigues)

« L’engouement pour le Japon ne retombe pas »

Regards complices entre frère et sœur. Ils expliquent alors que lors d’une de leur première Japan addict, Jérémie-Martin Mystère avait tant plu que les organisateurs lui ont demandé de participer à l’animation des futures conventions. Chloé l’accompagne désormais avec son costume de Tony Tony Chopper et tous les habitués de la Japan Addict, qui se tient depuis cette année trois fois par an, les connaissent – du moins sous leurs pseudos.

Dans la communauté strasbourgeoise, difficilement quantifiable, des fans de culture japonaise, tout le monde se connait, au moins via les réseaux sociaux sinon réellement. Et dans le milieu, Fabrice Dunis fait figure de leader indéboulonnable. Propriétaire de la librairie spécialisée mangas Shi fu mi, qui a fermé il y a quelques mois, Fabrice Dunis a décidé de se consacrer pour l’instant exclusivement à l’organisation d’évènements.

La quarantaine, l’homme est un spécialiste de culture japonaise et organise, avec son association Kakemono, des conventions « Japan Addicts ». Il attend plus de 3000 personnes à Strasbourg sur les deux jours. L’objectif est « de promouvoir la culture japonaise », explique-t-il, car « l’engouement, apparu vers 2002-2003 en France, ne retombe pas. »

Les poupées de collection sont habillées selon plusieurs courants vestimentaires, au centre, une gothic lolta (Photo : David Rodrigues)

Fabrice Dunis peut compter sur une armée de bénévoles motivés pour que la rencontre soit un succès. Mais dans cette organisation qui repose sur les bonnes volontés, il y a parfois des ratés. Le défilé du mouvement vestimentaire « gothic lolitas », prévu dimanche à 13h, a été annulé. Trop peu de participantes ont répondu à l’appel et « faire le défilé à quatre, ce n’est pas possible », commente Estelle, une des organisatrices.

Du coup, les fans du genre se consoleront avec…  des poupées, en vinyle ou résine, collectionnées pour le plaisir des yeux et que l’on cherche à rendre les plus esthétiquement parfaites. A environ 100 euros l’unité, ces poupées pour adulte sont bichonnées avec soin par leur propriétaire qui leur changent vêtements, cheveux et maquillage.

Morgane se limitera à une collection de trente poupées (Photo : David Rodrigues)

Morgane, 22 ans, a 28 poupées. Elle viendra à la Japan addict avec les plus belles pour échanger sur la question lors d’une « rencontre » entre passionnés. Des trocs ont lieu à cette occasion, ainsi que sur la toile. Morgane fréquente assidument les forums où des personnes proposent des accessoires et où les gens se lient pour acheter de façon groupée depuis des sites américains ou japonais en réduisant ainsi les frais de port. « Une véritable chasse aux trésors », commente son compagnon.

Morgane se dit « fascinée » par ses poupées et recherche constamment la meilleure façon de les habiller afin « de se les approprier et de trouver l’harmonie de l’ensemble ». Sa passion lui a permis « d’étendre considérablement son cercle d’amis ».

Les Japan addicts vous le diront : au-delà de la fascination exercée par le Japon, où ils espèrent tous un jour partir en voyage, ils seront là samedi et dimanche avant tout pour l’ambiance et pour y rencontrer de nouveaux amis. Ils sont peut-être simplement amis addicts ?


#Japan addict

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